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Des préconisations pour un lavage des noix dans les règles

La station Senura et la Chambre d’agriculture de l’Isère proposent un certain nombre de préconisations afin de s’affranchir de la question du rejet des eaux de lavage des noix.

En Isère, dans la vallée de la noix, la plupart des exploitations nucicoles ont mis en place des systèmes de gestion de leurs eaux de lavage, mais une dizaine présentait encore une situation à risque et a fait l’objet de mises en demeure par les services de l’Etat en raison du rejet en direct des eaux de lavage des noix. Cette problématique, déjà ancienne, a été prise en compte par la station d’expérimentation Senura, à Chatte, dès 1995, avec les premières caractérisations des eaux de lavage, suivies de tests de réduction des volumes d’eau et de traitement.

Pas de rejet sans traitement

Selon le Code de l’environnement et le Code de la santé publique, « les eaux de lavage/écalage de noix ne doivent pas être rejetées sans traitement, ni dans les cours d’eau, ni dans les eaux souterraines » . Pour pouvoir être rendues au milieu naturel, les eaux doivent respecter un pH compris entre 6 et 9, et les installations sont soumises à déclaration et autorisation concernant les rejets. Les solutions alternatives au rejet sont le stockage des effluents « un préalable quasi nécessaire quelle que soit la solution », insiste Julien Gilet du service Environnement de la DDT, mais aussi l’épandage des eaux de lavage, auquel les nuciculteurs ont fréquemment recours « dans le respect des règles de bon sens ». Le raccordement au réseau collectif reste quant à lui soumis à l’accord de la collectivité et sous réserve de la capacité d’absorption de la station d’épuration. La première difficulté, ainsi que l’expose Ghislain Bouvet, conseiller à la Chambre d’agriculture de l’Isère en charge de la filière noix, est liée à la consommation d’eau. « Cela représente des volumes conséquents pendant une courte période », explique le spécialiste. Ils peuvent varier de 0,5 l/kg à 30 l/kg de noix sèches avec une moyenne à 7 l/kg. « Et ce ne sont pas toujours les gros tonnages qui absorbent les gros volumes d’eau », fait-il remarquer. En début de saison, en plein pic de récolte, une exploitation moyenne (70 tonnes de noix sèches ou 25 tonnes de noix fraîches écalées) émet une pollution journalière équivalente à celle de 1 650 habitants (exprimée en DCO). On retrouve également des phénols du brou dans les eaux de lavage ainsi que des composés fertilisants (azote et phosphore en petite quantité, parfois de la potasse). Le conseiller insiste sur la « grande variabilité des analyses ». La nécessité d’un traitement préalable des eaux de lavage/écalage ne fait aucun doute. Il est en premier lieu préconisé de séparer au plus tôt les parties solides et liquides des déchets dans la chaîne de lavage. Brou, bois, brindilles doivent être écartés au préalable.

Nettoyages réguliers des filtres

La Chambre d’agriculture a réalisé une étude sur les pratiques pour en retenir quelques conseils. Ainsi, le prélavage à sec en supprimant l’alimentation en eau dans la prélaveuse (avant le bac à pierres) ne réclame aucun investissement, mais nécessite un pré-tri soigné. Il est aussi recommandé d’adapter le débit d’eau au volume de noix. Cela passe par l’installation d’électrovannes et d’un poste de pilotage moyennant quelques frais et un peu plus de technicité sur la chaîne. Autre préconisation, le recyclage de l’eau sans filtration réclame l’aménagement d’un circuit d’eau recyclée et d’un bac de décantation. Si l’effet est immédiat sur la consommation d’eau, en revanche le système suppose de disposer d’une capacité de stockage de l’eau suffisante et les résidus peuvent obstruer les rampes et encombrer les fosses. Une adaptation possible consiste en l’alimentation par débordement du bac de décantation. Cette eau peut aussi être filtrée à condition de procéder à des nettoyages réguliers des filtres. Un autre dispositif est la mise en place d’une cage d’aspiration sur la pompe de relevage. Sur la liste des bonnes pratiques figure aussi la gestion du débit-noix. En mettre plus dans la laveuse permet de jouer sur le rapport litres d’eau/kilos de noix, mais représente un coût en aménagements et limite le tri en vert.

Impacts sur l’environnement

Les impacts des eaux de lavage sur l’environnement sont de différentes natures :

- teintées, elles empêchent la photosynthèse et asphyxient le milieu aquatique

- chargées en matière organique (dix fois plus que les rejets domestiques), elles consomment tout l’oxygène

- leurs pH acides ne sont pas compatibles avec la vie aquatique

- elles présentent des composés phénoliques et de fortes conductivités

Les mini-stations d’épuration

Les études sur les mini-stations d’épuration ont conduit à trois types d’essais : stockage et phyto-épuration, stockage et traitement en bassin ouvert aéré, stockage puis épandage.

La phyto-épuration, sur sable ou sur sable et compost, a d’abord été évaluée en laboratoire puis testée grandeur nature dans un bassin de 300 m3 correspondant à 55 tonnes de noix sèches traitées. La phyto-épuration a été réalisée sur un lit de gravier et de roseaux favorisant le développement de la vie bactérienne. Le traitement a duré six mois. Un dispositif de stockage a permis de passer les eaux plusieurs fois et d’échelonner le rejet dans le milieu. Le coût d’un bassin de phyto-épuration est estimé entre 30 000 et 40 000 euros pour 300 m3 de produits.

Le système du bassin ouvert aéré a été testé dans des bidons dans deux exploitations : une très petite et une autre traitant plus de 100 tonnes de noix. Les résultats obtenus sont là aussi très satisfaisants quel que soit le type de pollution avec une bonne biodégradabilité. En revanche, il a été observé des résidus de phénol et un pH devenu basique (alors qu’il était acide au départ).

Rejet des eaux par aspersion ou à la tonne

L’épandage direct par aspersion s’effectue après pompage au sortir du bac de décantation. Cette solution simple à mettre en œuvre nécessite de disposer d’une surface suffisante à épandre à proximité de la chaîne de lavage et d’une bonne décantation.

L’épandage à la tonne à lisier et avec stock tampon répond aux contraintes de nuciculteurs qui ne disposent pas de surface à épandre directement à proximité. Le stockage peut s’effectuer dans une cuve souple géomembrane ou dans un bassin béton.

Trois bassins pour un ruisseau

Les bassins de décantation installés à Saint-Romans permettent à l’EARL Glénat de ne plus rejeter ses eaux de lavage dans le Merdaret. « Depuis quatre ans, nous étions sans cesse embêtés par la Police de l’eau. Une période durant laquelle nous avons discuté et temporisé », explique Philippe Glénat, nuciculteur à Saint-Romans, en EARL avec son épouse Claire et son fils Loïc, et qui récolte environ 140 tonnes de noix. L’EARL Glénat a commencé par mettre en place une chaîne de lavage à sec performante. En arrivant des vergers, les remorques de noix sont déchargées des trémies, et triées à la main pour séparer les bois et les cailloux. La trémie n’est lavée que lorsqu’elle est pleine, avec deux tonnes de noix. Les noix passent dans un bac à pierre pour un lavage à sec. Ces opérations ont déjà permis de réduire par deux la consommation d’eau. L’eau de lavage est pré-stockée dans un puits avant d’être envoyée dans des trois bassins de décantation d’une superficie de 450 m2. Ceux-ci fonctionnent selon le principe de la lagune et par gravité. La décantation est lente. « Le but est d’avoir le minimum de dépôt et seulement dans le premier bassin », explique Philippe Glénat. Les eaux sont épandues fin mai-début juin avant l’été, notamment sur les 10 ha de céréales de l’exploitation. « C’est la solution la plus économique », reconnaît le nuciculteur.

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