Rencontres Blue Whale : le changement climatique et la gestion de l'eau s'invitent aux débats
Avec les premières Rencontres Blue Whale, le groupement de producteurs s’est donné une feuille de route pour appréhender les bouleversements attendus liés au changement climatique, mais aussi aux enjeux sociétaux.
Avec les premières Rencontres Blue Whale, le groupement de producteurs s’est donné une feuille de route pour appréhender les bouleversements attendus liés au changement climatique, mais aussi aux enjeux sociétaux.
Le 1er février 2024, Blue Whale a transformé son assemblée générale habituelle en la première édition des Rencontres Blue Whale. L’évènement a permis de rassembler à Bressols, dans le Tarn-et-Garonne, de nombreux arboriculteurs membres du groupement mais aussi des responsables professionnels de la filière Fruits et des partenaires. Rappelant « l’épopée Blue Whale née d’une crise », Christophe Belloc, président de Blue Whale, a aussi précisé qu’en plus d'être des arboriculteurs, de nombreux adhérents du groupement étaient aussi des céréaliers, éleveurs ou serristes. « Tout ce qui touche à l’agriculture nous impacte », a-t-il signalé, à un moment de forte tension dans le monde agricole.
Blue Whale, basé en Tarn-et-Garonne, premier département producteur de fruits, est le premier metteur en marché français de fruits avec 250 000 à 300 000 tonnes de pommes, mais aussi de poires, prunes, raisins, kiwis. Les débats organisés lors de la journée avaient pour thèmes « Quelle arboriculture soutenable et souhaitable ? » et « comment s’adapter à la nouvelle donne des bouleversements climatiques et enjeux sociétaux ». Une table ronde a donné toute la dimension du problème. Et le témoignage de Adnane Aouad, producteur marocain de O’Terroir a révélé toute l’ampleur de la situation.
« Nous sommes dans une situation de perte de contrôle »
« Le changement climatique que nous vivons est plus inquiétant que celui envisagé il y a dix ans », a-t-il confié, en énumérant la chute des précipitations annuelles, « de 600 mm à 300 mm ces trois dernières années », les augmentations des températures, « + 5 °C en moyenne en juillet », le manque de froid en hiver... « Aujourd’hui nos vergers à 1700 m d’altitude subissent le même climat qu’à 1100 m il y a 10 ans », a témoigné Adnane Aouad.
Les moyens techniques envisagés, d’économie d’eau (goutte-à-goutte, tensiomètre) ou de gestion du stress hydrique (dendromètre, gestion de l'hygrométrie) ne suffisent pas. « Nous sommes dans une situation de perte de contrôle qui ne permet plus de produire la qualité, notamment le calibre que nous souhaitons », a-t-il reconnu en donnant toutefois des pistes concernant l’adaptation du matériel végétal, notamment les porte-greffes et la conduite du verger.
« L’axe palissé adopté depuis de nombreuses années ne marche plus. Il est devenu un facteur discriminant à nos objectifs de production. Nous devons aller vers des conduites plus résilientes face à la diminution de l’hygrométrie car elle devient le facteur limitant de prise de calibre dès le mois de juin », a précisé le spécialiste. Jean-François Berthoumieu, expert en agrométéorologie, a mentionné « l’importance de s’adapter au climat en favorisant l’eau verte, son stockage et la multiplication de ses cycles ».
De son côté, Sébastien Roumegous, fondateur de Biosphères, a comparé le végétal à « un climatiseur qui permet de régénérer les sols ». Il a également abordé « la notion d’hydrologie régénérative, conçue sur la configuration du paysage, pour améliorer, a minima ne pas détruire, la capacité de captation et d’infiltration de l’eau ». « L’eau s’est invitée à la table ronde », a résumé un intervenant.
« Compatibles avec la durabilité des entreprises »
Pour Frédéric Aubert, responsable technique de Blue Whale, les arboriculteurs du groupe vivent le changement climatique à travers trois évolutions. « Le retour du gel en 2017 et surtout 2021 a montré un taux de protection de 55 % du verger », a-t-il précisé, avec l’impératif de développer les moyens de lutte. En revanche, les filets anti-grêle se déploient sur 90 % des parcelles du groupement de producteurs. Mais ce sont les épisodes caniculaires qui aujourd’hui sont difficiles à maitriser avec des effets directs de chute précoce de fruits, de baisse de coloration ou encore de sensibilité de l’épiderme qui se transforme en problème de conservation.
Ce qui conduit le responsable à appréhender de nouveaux moyens de production comme la brumisation du verger lorsque la température dépasse 34°C, comme cela se fait aux Etats-Unis, l’évaluation de variétés regroupées dans le projet Hot Climate Programme, ou l’utilisation d’abris à toiture rétractable. Ceux-ci permettent une protection contre la grêle et le gel, ainsi qu'un effet d’ombrage et de barrière anti-pluie pour limiter les contaminations fongiques (tavelure) et réduire l’IFT.
« Il faudra rendre ses investissements compatibles avec les coûts de production et la durabilité des entreprises », a-t-il précisé. Enfin, Frédéric Aubert a confié que le changement climatique interrogeait sur les espèces à produire demain. Et qu’au-delà de l’adaptation variétale des espèces déjà produites par Blue Whale, l’avocat était en début d’observation.