Prognosfruit 2022
Quels sont les enjeux pour la campagne française pomme-poire qui débute ?
Alors que Wapa a dévoilé ses prévisions de récolte européenne pomme-poire le 4 août lors de Prognosfruit 2022, Daniel Sauvaitre, président de l’ANPP, apporte pour FLD un éclairage franco-français. Face à la sécheresse, la guerre et la flambée des coûts, il évoque trois enjeux à mettre en avant dans les discussions avec la GMS pour la sensibiliser et assurer une campagne à peu près rémunératrice.
Alors que Wapa a dévoilé ses prévisions de récolte européenne pomme-poire le 4 août lors de Prognosfruit 2022, Daniel Sauvaitre, président de l’ANPP, apporte pour FLD un éclairage franco-français. Face à la sécheresse, la guerre et la flambée des coûts, il évoque trois enjeux à mettre en avant dans les discussions avec la GMS pour la sensibiliser et assurer une campagne à peu près rémunératrice.
Il a été beaucoup question de l’impact de la guerre en Ukraine sur les filières pomme et poire lors de Proganosfruit. La pression sur les prix pour la première partie de campagne au moins face à la flambée des coûts a également été soulignée lors de la visio-conférence de presse de Wapa, l’association mondiale des pommes et des poires, le 4 août, suite à la publication des prévisions de récolte pour l’UE-27 et le Royaume-Uni. A la fois en pomme et en poire, les volumes sont attendus à la hausse.
Bonjour sécheresse : variétés précoces touchées, point de bascule le 15 août pour les tardives
Autre point d’inquiétude : la sécheresse. En France, les premières conséquences des fortes températures qui devraient se poursuivre cette semaine encore et de la sécheresse se font déjà sentir. « Les variétés précoces n’auront sans doute pas le rendement et le calibre attendus », confirme Daniel Sauvaitre, président de l’ANPP, interrogé par FLD le 8 août à son retour de Prognosfruit à Belgrade (Serbie).
Il précise encore : « Chez moi [Reignac, Gironde, NDLR], il y a eu 170 mm d’eau en juin, cela va aider un peu. Mais d’autres régions n’ont pas eu cette eau. Et même si les systèmes d’irrigation (micro-aspersion, goutte à goutte, etc.) sont maîtrisés, les conséquences de la sécheresse seront là. Nouvelle-Aquitaine, Occitanie… Des restrictions d’eau en Val de Loire… »
La campagne française observe une dizaine de jours d’avance par rapport à une campagne normale. Les premières récoltes de Gala précoces ont débuté depuis déjà 15 jours dans le Sud-Est. Cette semaine (semaine 32, 8 au 14 août) les récoltes vont s’accélérer en Occitanie et la semaine prochaine, l’Aquitaine et le Val de Loire seront aussi en rythme de croisière.
Des pluies seraient annoncées pour le week-end prochain. « Si l’eau revient le week-end prochain et après, les variétés tardives auraient la chance de récupérer le potentiel donc tout n’est pas encore joué », espère Daniel Sauvaitre. Le 15 août sera donc le point de bascule, la date charnière.
La qualité devrait être, elle, au rendez-vous avec des fruits sucrés, et une coloration qui sera déterminée dans les prochains jours
Volumes pas excessifs mais des inquiétudes pour le déroulé de campagne
Selon les prévisions de Wapa dévoilées à Prognosfruit, la récolte française 2022 de pommes devrait, à 1,468 Mt, être en hausse de +6 % par rapport à l’année dernière et de +1% par rapport à la moyenne triennale (2019-2020-2021). Donc un volume à récolter qui n’est pas excessif, avec la crainte qu’il soit encore plus faible en raison des conditions météorologiques.
Mais l’inquiétude demeure néanmoins quant au déroulement de campagne commerciale. « La campagne dernière, qui était une petite récolte comme la précédente, ne s’est pas passée comme prévu : elle a été plus difficile, avec des prix à la peine et une valorisation à la transformation nettement inférieurs à la saison précédente, et une concurrence sur les marchés extérieurs. Et après 18 mois de Covid favorable aux produits frais, la tendance de consommation des fruits et légumes est en baisse », souligne Daniel Sauvaitre.
Les points d’inquiétude pour cette saison donc : une consommation un peu ralentie et la nouvelle récolte qui commence avec un peu plus de stock que d’habitude.
A ceci s’ajoute la hausse « spectaculaire » des coûts de production. Depuis novembre le carton a pris +50 %, le bois + 35 %. « On estime que sur la récolte 2022, les coûts de revient moyen en verger ont pris +0,06 €/kg et en station fruitière +0,14 €. » La pomme coûterait donc 0,20 € plus chère le kilo à produire. Et ceci à date, car les coûts continuent de monter : +2 % de Smic au 1er août après les +5,6 % précédents…
Et en poire ? En poire, les prévisions tablent sur une récolte française de 137 000 t, +136 % par rapport à la très très faible récolte 2021 et +32 % par rapport à la moyenne triennale. « Même avec une récolte conséquente, on ne couvre que la moitié de la demande française. Il faut tout de même que les consommateurs soient au rendez-vous, nuance Daniel Sauvaitre. On espère que malgré la concurrence étrangère sur les étals, on pourra obtenir des prix rémunérateurs, d’autant plus sous cette problématique de flambée des coûts. »
Réenchanter le rayon, sensibiliser à la flambée des coûts et revendiquer une optimisation logistique : trois enjeux à travailler avec la GMS
Face à la flambée des coûts, la filière veut donc et doit sensibiliser ses clients distributeurs. « On va donc faire tout ce qu’on peut pour expliquer cette hausse de nos coûts à la grande distribution pour que dans les négociations quotidiennes les vendeurs maintiennent les prix demandés et amadouer les distributeurs pour qu’ils ne nous mettent pas la tête sous l’eau », confirme Daniel Sauvaitre.
Dans ce contexte d’inflation élevée, l’ANPP veut aussi faire la chasse aux coûts inutiles. « Que la grande distribution arrête de faire voyage des palettes de pommes à moitié remplies ! Cela n’est pas acceptable, surtout pour un fruit comme la pomme qui se stocke bien. Les plateformes d’achat -et dans une moindre mesure les magasins- doivent, en pomme, assurer leur fonction de stockage et d’appoint. »
Sur la to-do list de l’ANPP donc pour cette campagne : optimisation logistique et la pédagogie sur les coûts de production envers la grande distribution. Dernier enjeu et non des moindres : « réenchanter le rayon pomme-poire pour y faire revenir le consommateur, qu’il ait envie de consommer ces fruits français, de saison, face à la concurrence accrue des bananes, agrumes et autres fruits tropicaux qui ont en ce moment le vent en poupe. »
L’ANPP tiendra sa traditionnelle conférence de lancement de campagne le 25 août.