Prune : comment mécaniser son verger
Certaines étapes de l’itinéraire technique en verger de prune peuvent être mécanisées. Cela pourrait permettre de sécuriser les exploitations qui font face à un manque chronique de main-d’œuvre.
Certaines étapes de l’itinéraire technique en verger de prune peuvent être mécanisées. Cela pourrait permettre de sécuriser les exploitations qui font face à un manque chronique de main-d’œuvre.
Le manque chronique de main-d’œuvre n’épargne pas les producteurs de prune, comme l’ensemble du secteur agricole. Surtout de main-d’œuvre qualifiée à l’approche des chantiers de taille et de récolte. Les stations d’expérimentation se sont déjà approprié le sujet, comme au Cefel (Tarn-et-Garonne) où des essais sont en cours sur les vergers mécanisés. « Au final, on s’est rendu compte que le lamier ne faisait pas beaucoup plus d’erreurs de taille que du personnel dont les effectifs ne sont pas stables et qui ne sont pas toujours bien formés au geste technique », remarque Sébastien Ballion, directeur adjoint du Cefel.
La mécanisation permet donc de sécuriser les exploitations par rapport à ce manque chronique de main-d’œuvre. Elle est déjà mise en place par quelques producteurs en verger de prunier. « La taille au lamier est possible avec des vergers conduits en haies fruitières, surtout pour les prunes américano-japonaises. Ce matériel permet de remettre la haie au gabarit et rabattre les arbres qui ont tendance à être vigoureux sur certaines variétés de prune américano-japonaise », souligne le spécialiste. Cette taille au lamier est loin d’être généralisée mais commence à se voir, notamment en Tarn-et-Garonne.
Une taille manuelle en complément du lamier
Une taille manuelle est toujours nécessaire pour ajourer à l’intérieur de la canopée, mais est plus rapide et nécessite moins de main-d’œuvre. Une amélioration du matériel s’observe avec le développement de lamier à section, qui effectue une coupe équivalente au sécateur et qui, à la différence du lamier à disque, peut s’envisager plus facilement sur jeune verger. En effet, la taille au lamier à disque nécessite un bois « dur » pour ne pas risquer des éclatements et des blessures sur des branches souples, qui créeraient des chancres.
La taille mécanique nécessite d’être en présence d’une haie fruitière, c’est pourquoi on la retrouve plutôt sur des vergers d’américano-japonaise, plus récents. « Mais les nouvelles plantations de variétés traditionnelles en palissage peuvent aussi être de bonnes candidates », explique Sébastien Ballion. Ne passer le lamier qu’un an sur deux peut être une solution pour les arbres peu vigoureux, voire un rang sur deux chaque année. Toutefois, quel que soit le matériel de taille utilisé, le gabarit de la haie doit être maîtrisé, car le risque de perte de récolte est réel, avec des fruits qui tombent au sol avant d’être récolté au simple passage des machines.
Des solutions d’éclaircissage difficiles à manier
D’autres chantiers comme l’éclaircissage peuvent également être mécanisés. En prunier, l’éclaircissage chimique n’est pas possible : en effet, les produits utilisés couramment sur la pomme induisent une phytotoxicité sur la prune. Pour un éclaircissage mécanique, l’utilisation de l’outil Darwin sur fleurs peut être envisagée, mais les américano-japonaises fleurissent très tôt et, à l’instar des campagnes 2021-2022, le risque de gel n’est pas encore écarté à cette période. Une solution est d’éclaircir au stade petit fruit avec l’outil Eclairvale, qui fait partie des sujets travaillés au Cefel. Toutefois, il est encore difficile de contrôler le volume de petits fruits éclairci par cette méthode.
Tout comme le lamier pour la taille, un premier passage mécanique est idéal afin de dégrossir avant un éclaircissage manuel en suivant. « La limite entre un bon passage d’éclaircissage mécanique et un passage trop sévère est fine, il vaut mieux prendre de la marge et conserver une finition manuelle qui réduit tout de même le besoin de main-d’œuvre », tempère Sébastien Ballion. Pour la récolte, aucune solution mécanique n’est disponible actuellement. De plus, les machines disponibles dans le but de réduire la pénibilité du travail, comme les plateformes de récolte, peuvent parfois être difficiles à utiliser, car une grande partie des vergers de prunes sont situés en coteaux.
La robotique afin de gérer l’enherbement
Idem pour l’arcure des branches, une pratique généralisée sur les arbres à port érigé que l’on retrouve fréquemment dans les nouvelles variétés de prunes américano-japonaises : elle permet une meilleure mise à fruit et évite une perte de potentiel de récolte sur des branches. Comme pour la taille, la main-d’œuvre doit être formée et avoir de l’expérience afin de savoir quelles branches nécessitent d’être attachées, et cette expertise ne peut actuellement pas être remplacée par une machine. Pour l’entretien du rang et la maîtrise de l’enherbement, la problématique n’est pas spécifique à la culture de la prune, mais concerne le secteur de l’arboriculture dans son ensemble.
La réponse semble se trouver du côté des technologies d’outils autonomes qui proviennent des grandes cultures et de la viticulture. La grosse problématique rencontrée est la perte du signal GPS à cause des infrastructures de palissage ou encore la hauteur et la densité de la canopée, qui provoque un arrêt du robot. « D’où la probable nécessité de coupler le système GPS avec de l’imagerie (laser, caméra) pour permettre au robot de savoir où il est et de se repérer dans le rang », souligne Sébastien Ballion. C’est un secteur en pleine évolution, qui représente un gros enjeu pour la production.
La conservation des nouvelles variétés au cœur de la recherche
De grosses différences sont à noter entre les variétés quant à leur potentiel de conservation, qu’elles soient traditionnelles ou nouvelles. Trois variétés récentes de prunes américano-japonaises (Ruby Sun, Flavour Star et Ruby Star) ont été étudiées par le CTIFL et le Cefel, dans l’objectif d’optimiser leur qualité et leur conservation. Les premiers résultats ont été publiés cet été : en froid normal, elles présentent toutes un potentiel de conservation inférieur à un mois. Parmi les techniques évaluées, l’atmosphère contrôlée ou l’application de SmartFresh™ allongent la conservation d’une à deux semaines. La maturité à la récolte conditionne également la qualité finale des fruits. Encore, les travaux ont aussi permis de tester l’outil non destructif F-750 de Felix Instrument, afin de mesurer les teneurs en sucres et en matière sèche des prunes. La teneur en matière sèche apparaît comme un bon indicateur de qualité et s’avère positivement corrélée au taux de sucre et à la fermeté. Les études se poursuivent l’année prochaine.
Tendances de marchés
Les nouvelles variétés ont la cote
Les consommateurs apprennent à apprécier les nouvelles variétés de prunes américano-japonaises. D’après une étude du CTIFL, ils étaient près d’un sur deux à avoir acheté des prunes américano-japonaises en 2019, chiffre en nette progression par rapport à 2012. Le ratio entre consommation et préférence indique que la Ruby Crunch® est préférée par un consommateur sur quatre, la Lilyploom® par un consommateur sur cinq et la Métis® par un consommateur sur six. Les plus jeunes, moins de 35 ans, apprécient mieux la qualité des variétés nouvelles comme Ruby Crunch® ou Lilyploom® que leurs aînés.
L’intérêt pour les traditionnelles
La part des Français qui achetent des prunes traditionnelles est stable sur la dernière décennie. 92 % des consommateurs français ont acheté des prunes traditionnelles, dont 68 % de mirabelles en 2019. Cette année-là, la mirabelle est devenue la variété la plus achetée par les Français, devant la Reine-Claude qui lui a concédé la première place. Le ratio entre consommation et préférence indique que la mirabelle est préférée par plus d’un consommateur sur deux ; la Reine-Claude et la Quetsche, par environ un consommateur sur trois.
Une consommation à développer
« Les nouvelles variétés américano-japonaises sont beaucoup plus gustatives que leurs prédécesseures », confirme Éric Tastayre, gérant de Apifood et du club Lilyploom. La transition entre les premières variétés d’américano-japonaises, comme la Golden Japan, et ces nouvelles variétés gustatives a été lancée il y a déjà plus de quinze ans. Avec le club Lilyploom, les opérateurs de la prune dans le Sud-Ouest ont fait un vrai travail pour aller chercher de nouvelles variétés à l’international, qui correspondent mieux aux attentes gustatives des consommateurs et de retabilité pour le producteur. Les expéditeurs de prune de table du Sud-Ouest, dont la majorité est répartie sur le Lot-et-Garonne et le Tarn-et-Garonne en passant par le Quercy, représentent 80 % des volumes distribués.
Le développement des surfaces se fait en concordance avec la proximité des opérateurs de mise en marché, et le terroir s’y prête particulièrement bien. L’objectif est de développer le fruit sur le marché français : « Dans le rayon fruits et légumes, la place accordée à la prune n’est pas très importante. L’objectif est de continuer à développer ce linéaire. La prune a des arguments, comme son arrivée en pleine saison du 15 août au 15 octobre, alors que les fruits d’été comme la nectarine ou la pêche se font plus rares et l’abricot a disparu des rayons », estime Éric Tastayre.