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Protection contre la grêle : « Il n'y a pas de preuve scientifique de l'efficacité de ces principes »

© Soustock

Questions à Baptiste Labeyrie, ingénieur d’expérimentation CTIFL/Sefra.

 

Quels sont les principes évoqués par les entreprises vendant des systèmes de protection contre la grêle autres que les filets ?

Il faut distinguer deux systèmes vendus. Les canons anti-grêle produisent une onde de choc qui selon leurs promoteurs viendrait déstabiliser des grêlons en formation. Les seconds sont les systèmes d’envoi de particules ou « noyaux glaçogènes » dans les cellules orageuses. Ces envois de sels hygroscopiques ou d’iodure augmenteraient le nombre de particules dans la cellule de formation des orages, ce qui est censé permettre de réduire la taille des grêlons formés à partir de la vapeur d’eau du nuage.

Quelles sont les preuves scientifiques de l’efficacité de ces principes ?

Il n’y en a pas. Pour le canon à ondes, le physicien autrichien Jospeh Maria Pertner affirmait déjà en 1900 que le principe de destruction de grêlons par des ondes de choc de canon n’a aucun fondement en sciences physiques. Pour l’envoi de particules, le principe se tient en théorie. Dans une expérience en 1947, un météorologue américain, Vincent Schaefer, a montré que l’ensemencement d’un nuage pouvait faire précipiter la vapeur d’eau. Mais c’est la mise en pratique de ce principe pour empêcher la grêle de se former qui est très critiquable. Il est impossible aujourd’hui de s’assurer que les particules que l’on envoie par canon ou ballon atteignent bien la zone de formation des grêlons qui est très petite dans un orage. D’autre part, si les quelques kilos de particules l’atteignent, nous ne savons pas si elles ont bien l’effet escompté. L’énergie au sein d’une cellule orageuse est équivalente à celle d’une bombe atomique. De très nombreux travaux ont été menés en France, en Italie, aux Etats-Unis, en Argentine, en Suisse. Mais aucun n’est à même de montrer que cet ensemencement permet de diminuer les dégâts sur les cultures.

Depuis quand fait-on des recherches sur ces méthodes lutte anti-grêle ?

A ma connaissance, les premières expérimentations de canons anti-grêle datent de la fin du 19e siècle en Europe. Le premier congrès sur le sujet a lieu en 1899 en Italie. Mais très vite, les scientifiques émettent des critiques, les premières études scientifiques ne sont pas capables de conclure sur un quelconque effet. Du terrain, de nombreux cas d’échec sont remontés. Face aux critiques, la méthode est abandonnée en 1905. Aux Etats-Unis, suite aux travaux de Vincent Schaefer, ces pratiques sont reprises pendant trente ans sans jamais qu’aucune étude ne montre de différences significatives sur les dégâts sur les cultures entre zones ensemencées et zones qui ne le sont pas. En 1975, un groupe de scientifiques conduit par Stanley Changnon (physicien météorologue américain émérite) compile l’ensemble des études et conclut qu’il est difficile de statuer positivement sur l’efficacité de ces méthodes de lutte, et les retombées économiques n’apparaissent pas intéressantes. La technologie est de nouveau abandonnée. La poursuite de ce genre de travaux durant ces dernières décennies en France, et ailleurs dans le monde, n’a pas modifié l’opinion scientifique sur le sujet. Aujourd’hui, nous voyons la réapparition de ces techniques dans les exploitations françaises. L’investissement est loin d’être anecdotique et on ne peut toujours pas garantir leur efficacité pour réduire les dégâts aux cultures.

Rédaction Réussir

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