Pomme : comment éclaircir les vergers bio
L’éclaircissage des vergers de pommiers bio souffre du manque de solutions disponibles, le recours à l’éclaircissage manuel est ainsi la plupart du temps nécessaire. Des associations de méthodes semblent montrer la meilleure efficacité.
L’éclaircissage des vergers de pommiers bio souffre du manque de solutions disponibles, le recours à l’éclaircissage manuel est ainsi la plupart du temps nécessaire. Des associations de méthodes semblent montrer la meilleure efficacité.
La maîtrise de la charge constitue une étape délicate de l’itinéraire technique des vergers de pommiers bio. Les producteurs ne disposent pas des produits homologués en conventionnel et sont obligés de recourir à l’éclaircissage manuel. « Au Cefel, plus de la moitié du programme maîtrise de la charge est consacrée au bio. Il y a une vraie nécessité de trouver des solutions », indique Jean-François Saint-Hilary, du Cefel, lors de la rencontre technique Fruits en AB organisée au centre CTIFL de Lanxade en novembre 2023.
De nombreux dessiccants testés
Actuellement, trois techniques sont étudiées au sein du groupe national de travail Éclaircissage : l’utilisation de dessiccants sur fleurs, et les machines Darwin et Eclairvale. De très nombreux dessiccants ont été testés au Cefel mais, ces dernières années, les essais ont beaucoup intégré la bouillie sulfocalcique (Curatio), souvent associée à de l’huile minérale. « Le Curatio, comme les autres produits testés, n’est pas homologué pour l’usage éclaircissage en bio, mais s’il y a un dessiccant qui devrait être homologué à l’avenir, ce serait celui-là », précise Jean-François Saint-Hilary.
L’efficacité des dessiccants dépend de plusieurs facteurs : le stade d’application, le nombre d’applications, la présence d’huile et les conditions climatiques. Les essais ont montré que le nombre d’applications est plus important que la dose. « Par exemple, dans un essai ancien sur Ariane, quatre applications de bouillie sulfocalcique à 10 L/ha + 5 L d’huile ont eu un bien meilleur effet que deux applications à 20 L/ha + 10 L/ha d’huile », illustre le spécialiste. La présence d’huile dans le mélange est préférable à la dose de 5 L/ha. En effet, l’efficacité de l’éclaircissage avec 5 L/ha d’huile est sensiblement la même qu’à 8 ou 10 L/ha, et les doses d’huile les plus élevées entraînent des niveaux de rugosité nettement plus importants sur les fruits. De plus, dans de nombreux cas, l’application d’huile à 10 L/ha a eu un effet négatif sur le retour à fleur.
Un effet stress en fin de floraison
Des essais récents ont été faits sur les stades d’application des dessiccants. « Pendant de nombreuses années, les dessiccants, quels qu’ils soient, ont été testés à partir de 10 % de fleurs ouvertes et jusqu’à environ 80 % de fleurs ouvertes », signale Jean-François Saint-Hilary. Un essai de 2022 sur Regalyou a comparé un témoin non éclairci à deux modalités comprenant chacune trois applications de Curatio à 18 L/ha + de l’huile minérale à 5 L/ha, avec un décalage dans les dates d’intervention : les applications ont été faites le 31 mars (10 % de fleurs ouvertes), le 5 avril et le 7 avril (80 % de fleurs ouvertes) dans la modalité T2 ; et dans la modalité T3, elles ont été faites le 5 avril (50 % de fleurs ouvertes), le 7 avril et le 11 avril. L’efficacité sur le nombre de fruits par arbre a été sensiblement la même entre les deux modalités. « Mais nos collègues de La Morinière ont montré que le Curatio avait non seulement un effet physique de brûlure des pistils, mais aussi un effet stress en fin de floraison. Ainsi, en décalant les interventions, on a un effet intéressant », note Jean-François Saint-Hilary.
Utilisés seuls, les nombreux dessiccants testés depuis trente ans au Cefel, en bio comme en conventionnel, ont montré au mieux une efficacité de 20 %. « Il est nécessaire d’associer les méthodes disponibles pour obtenir une efficacité satisfaisante, poursuit le spécialiste. Darwin, pour les vergers importants en bio, est incontournable. Des essais sont en cours pour déterminer le meilleur stade d’intervention : stade D, stade ballon, ou les deux. »
Association de trois techniques
Différentes combinaisons de deux ou trois méthodes d’éclaircissage ont été évaluées ces dernières années. Par exemple, en 2022, un essai a comparé des modalités éclaircies avec Eclairvale seule (en juin), Darwin seule (à 240 tours/min), ainsi qu’une association des deux sur une parcelle de Regalyou plantée à haute densité.
Dans le témoin non éclairci, on obtient 379 fruits par arbre. La modalité Darwin est à 254 fruits/arbre et la modalité Eclairvale juin se situe à 273 fruits/arbre. « En associant les deux, on obtient un résultat intéressant de 172 fruits/arbre, observe Jean-François Saint-Hilary. C’est peut-être encore un peu trop pour ces arbres plantés à haute densité, mais on limite grandement le temps d’éclaircissage manuel ». Dans un essai de 2018 sur Ariane plantée en faible densité, une association de trois techniques (soufre + huile, Darwin et Eclairvale juin) a montré les meilleurs résultats en termes de nombre de fruits par arbre (201), par rapport au témoin non éclairci (587) et aux modalités soufre + huile (474), Darwin seule (304), Eclairvale juin seule (293), Darwin + soufre + huile (246) et Darwin + Eclairvale juin (222).
« Après sept années d’essais, on peut dire qu’Eclairvale est plus efficace lorsqu’elle est passée en juin, résume l’expérimentateur. Mais elle provoque aussi une chute des fruits en cas d’application en mai, à 10-15 mm ou 20-25 mm. L’idée d’un passage à 10-15 mm est d’obtenir l’effet stress qu’on peut avoir en conventionnel quand on traite avec des produits pendant la période des 20 jours après fleur. Cependant, un éclaircissage avec uniquement Eclairvale reste assez léger. Il doit être obligatoirement associé avec d’autres techniques, Darwin et/ou dessiccants ».
Quid des méthodes post-floraison ?
Un des grands défis pour l’éclaircissage en bio est de trouver une méthode qui soit efficace en post-floraison, comme cela est fait en conventionnel. En effet, provoquer un stress pendant la période critique (15 à 25 jours après la fleur, soit entre 8 et 12 mm de diamètre de fruit) entraîne des chutes de fruits. Différentes techniques testées jusqu’ici – ombrage, vibrage, argile, charbon – n’ont pas montré de résultats, ou sont trop difficiles à mettre en œuvre. Des traitements sont toujours actuellement à l’essai.