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Produits phytosanitaires : les nouvelles règles de la séparation vente-conseil

Depuis le 1er janvier dernier, les structures d’approvisionnement ont dû choisir entre vendre ou conseiller des produits phytosanitaires. Un nouvel équilibre à trouver pour les producteurs de fruits et légumes avec leurs fournisseurs et encore plus de responsabilités !

Désormais, un organisme qui vend des produits phytosanitaires ne peut pas pratiquer également le conseil sur ces produits.
© Jean-Charles Gutner (archives)

La séparation de la vente et du conseil des produits phytosanitaires était une mesure inscrite dans la loi Egalim. Elle est effective depuis le 1er janvier dernier avec une nouvelle loi qui stipule qu’il n’est désormais plus possible à un organisme qui vend des produits phytosanitaires de pratiquer également du conseil sur ces produits. L’objectif affiché de cette réglementation est de supprimer les préconisations superflues de produits phytosanitaires par les technico-commerciaux des structures de distribution.

La baisse de la consommation attendue de ces produits doit s’accompagner de la promotion de solutions alternatives (comme le biocontrôle qui est exclu de la loi) et d’outils pour mieux raisonner l’utilisation des produits phytosanitaires. Désormais, un technicien d’une structure de distribution qui fait le choix de la vente ne pourra plus indiquer au producteur quel produit utiliser pour une problématique identifiée dans une parcelle. C’est la fin du service de conseil (souvent gratuit) associé à la vente.

Coopératives et négoces ont choisi à 95 % la vente

La très grande majorité des coopératives et négoces (95 %) ont fait le choix de la vente à l’instar des 15 négoces de l’arc méditerranéen du réseau Agrosud qui ont pris cette option. « Les produits phytosanitaires représentent environ 20 % de notre activité intrants, observe Jean-Paul Palancade, directeur de cette structure. Nos équipes vont désormais se focaliser sur la réglementation, la promotion des OAD et la mise en place d’expérimentations, mais elles ne pourront plus établir de programmes phytosanitaires pour les agriculteurs. En revanche, nous pouvons continuer à conseiller des solutions bio et biocontrôle qui représentent d’ailleurs une part de plus en plus importante de l’activité protection pour les cultures spécialisées. »

A lire aussi : ce qu'ils pensent de la séparation vente - conseil des produits phytosanitaires

Chez Omag, négoce du groupe Perret dans le Sud-est, très présent dans les cultures spécialisées où les solutions biologiques et de biocontrôle représentent d’ores et déjà plus de 70 % des volumes, l’entreprise a fait le choix de la vente pour les produits phytosanitaires mais « pourra continuer à accompagner les producteurs sur la PBI (production biologique intégrée) et les solutions alternatives, explique Cédric Besançon, directeur de cette structure. Nous allons notamment poursuivre les observations à la parcelle et le diagnostic. En revanche, nous ne pourrons plus recommander des produits de synthèse. »

Une frontière parfois délicate pour les équipes des structures de distribution, mais comme l’explique ce responsable, les équipes ont été formées à ce nouveau challenge. « Il faut désormais que nos collaborateurs s’en tiennent au catalogue, à la dose recommandée, aux informations réglementaires, à la cible et aux observations », précise-t-il. Sur le terrain, de nombreux producteurs découvrent cette nouvelle donne : pour ceux qui bénéficient d’un environnement et d’un soutien technique conséquent, la nouvelle réglementation aura peu d’impact alors que d’autres plus isolés et indépendants devront chercher un appui technique auprès des Chambres d’agriculture, des organismes techniques et/ou des conseils privés.

Le conseil indépendant déjà en place pour les filières fruits et légumes

Pour un certain nombre de producteurs des filières fruits et légumes, le conseil indépendant était en effet déjà en place depuis longtemps. Ainsi, dans le bassin nantais, explique Claude Bizieux, directeur de la CAMN, coopérative d’approvisionnement de cette zone de production, « les producteurs sont largement soutenus sur le plan technique et conseillés par le CDDM (Comité départemental de développement maraîcher), structure créée dans les années 1970 et qui accompagne les maraîchers de la région avec des expérimentations, des visites techniques mais aussi des réunions collectives d’information sur tous les aspects de la production. De notre côté, en tant que distributeur, nous allons continuer à référencer, gérer la logistique, stocker les produits phytosanitaires et informer les agriculteurs sur les conditions d’emploi de ces produits, tout en poursuivant la promotion du biocontrôle. »

A lire aussi : Séparation vente/conseil : quelle stratégie ? (L'Anjou agricole)

Dans le Sud-est, le GRCETA Basse Durance suit plus de 200 arboriculteurs. « Avec la cotisation au GRCETA, le producteur bénéficie d’un temps de suivi et de conseil. Son adhésion lui permet également d’accéder au conseil stratégique dans la mesure où le GRCETA est agréé pour ce conseil », explique Christophe Mouiren, conseiller fruits à noyau au sein de ce GRCETA. Pour certaines filières de production, les exploitants agricoles bénéficient par ailleurs d’un soutien technique de leur OP, « c’est le cas par exemple pour la filière fraise de Lot-et-Garonne », observe Myriam Carmentran, conseillère fraise à la Chambre d’agriculture de ce département.

Un surcoût pour certains producteurs

Cette Chambre d’agriculture complète ce soutien avec une offre de prestations comprenant des suivis de parcelles sur les volets nutrition, irrigation, protection biologique intégrée, climat, physiologie, « une approche globale facturée au temps passé selon les attentes et besoins de l’exploitant et la taille des ateliers », ajoute la conseillère qui suit une trentaine de producteurs de fraise.

En Dordogne, la Chambre d’agriculture fait également de l’accompagnement pour les maraîchers, fraisiculteurs et arboriculteurs. « Ce suivi est facturé à la visite (de 1h30 à 2h), selon des objectifs définis avec le producteur, et dégressif en fonction du nombre de visites, explique Christine Lobry, chargée de mission filières et productions végétales au sein de cette Chambre d’agriculture. Sur la base de 12 visites annuelles avec observations, préconisations et suivi PBI pour la fraise par exemple, cela revient à 135 euros par visite. Ce coût est souvent partiellement pris en charge par les OP, dans le cadre de partenariats avec la Chambre d’agriculture. »

A lire aussi : Arboriculture : la protection phytosanitaire s'amenuise

Au-delà de ce conseil « spécifique » les Chambres d’agriculture sont en ordre de marche pour réaliser le « conseil stratégique obligatoire » prévu par la loi (lire par ailleurs), un conseil qui aura un coût, estimé entre 300 et 500 euros selon plusieurs chambres d’agriculture, un coût qui pourrait selon Christine Lobry, « être compensé par des économies potentielles de produits phytosanitaires grâce à une vision globale et indépendante de la protection des cultures. »

 

Les plus et les moins de la nouvelle loi

Les plus

- Un conseil indépendant
- La promotion des solutions alternatives et en particulier de biocontrôle pour protéger les cultures
- Une vision d’ensemble sur la stratégie phytosanitaire avec le conseil stratégique
- Une motivation supplémentaire pour s’engager vers la certification HVE ou bio (pour la zone Bouches-du-Rhône / Vaucluse, Cédric Besançon, directeur d’Omag estime que dans trois ans, les exploitations certifiées bio et HVE pourraient dépasser 60 %)

Les moins

- Un conseil en moins pour les producteurs, conseil souvent complémentaire des autres recommandations

- Un surcoût pour les producteurs, en particulier les moins encadrés qui vont devoir faire un conseil stratégique et payer un appui technique s’ils le jugent nécessaire
- De nouvelles relations à construire avec les technico-commerciaux des structures d’approvisionnement qui ont le droit de promouvoir les solutions de bio et biocontrôle mais pas les produits de synthèse alors que parfois ces solutions sont nécessaires pour protéger les cultures
- Le risque que certains producteurs, par manque de conseil, sécurisent leurs programmes phytosanitaires

Comment s’y retrouver entre conseil spécifique et conseil stratégique ?

La séparation vente / conseil des phytos distingue le conseil spécifique facultatif et le conseil stratégique obligatoire.

Le conseil spécifique est le terme retenu dans la loi pour définir le conseil de préconisation. Il n’est pas obligatoire. Tout dépendra du niveau de formation, d’information et d’indépendance des exploitants agricoles. Beaucoup de producteurs des filières fruits et légumes déjà très encadrés par leur OP et/ou un organisme technique en bénéficient déjà, ceux qui comptaient sur le conseil de leur distributeur devront se tourner vers d’autres conseillers ou se débrouiller seuls. Le conseil spécifique ne peut être délivré que par un organisme certifié pour le conseil, les structures ayant une activité de vente ne peuvent pas le pratiquer. Mais, au final, c’est l’agriculteur qui prend la responsabilité de suivre ou non le conseil de préconisation pour protéger ses cultures.

Deux conseils stratégiques obligatoires sur cinq ans

En revanche, la nouvelle loi prévoit deux conseils stratégiques obligatoires par période de cinq ans (réalisés à deux ou trois ans d’écart maximum) sauf pour les exploitations engagées en agriculture biologique ou certifiées HVE niveau 3. Sans ce conseil stratégique, le renouvellement du Certiphyto sera impossible pour l’exploitant agricole et par là même l’achat de produits phytosanitaires.

Sur la base du diagnostic de l’exploitation, le premier conseil permet d’établir un plan d’action pour réduire l’usage des phytos, répondre aux situations d’impasse technique et limiter le développement des résistances et le second conseil dresse le bilan. L’objectif est de proposer un plan d’actions compatible avec les moyens humains et financiers de l’exploitation. « Les Chambres d’agriculture sont en ordre de marche pour assurer ce conseil stratégique », informe Jérémy Dreyfus de la direction Entreprise et Conseil de l’APCA.

« Nous avons réalisé des conseils stratégiques tests en 2020 », observe Christine Lobry de la Chambre d’agriculture de la Dordogne. Les agriculteurs étaient intéressés par ce « conseil à froid » qui permet de se poser les bonnes questions. Quelques ajustements techniques restent à préciser pour des exploitations maraîchères avec de nombreuses cultures (il faudra se focaliser sur la culture principale) et plus encore pour des exploitations avec des cultures très différentes comme la vigne, l’arboriculture ou le maraîchage (le décret indique qu’il faut choisir l’atelier principal).

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