Melon : quels sont les critères de la sélection variétale ?
Si le goût reste un préalable obligatoire en melon, la situation difficile de la filière ces dernières années remet l’accent en termes de choix variétal sur le rendement et la sécurisation de la production.
Chaque année, les producteurs de melon charentais jaune doivent faire leur choix parmi plusieurs dizaines de variétés. Le produit devant avant tout être vendu et le melon étant souvent un achat d’impulsion, sa présentation doit être attractive et respecter le standard du melon charentais. Le fruit doit être rond, avec des sillons marqués, une robe couleur crème, une écriture assez dense et homogène, un pédoncule propre et solide, l’absence de taches. Depuis deux ans, des variétés à la broderie plus épaisse ont fait leur apparition. « Le défaut des melons écrits est parfois l’absence d’écriture à certains endroits, qui sont alors plus sensibles aux chocs qui entraînent des taches brunes, constate Xavier Dubreucq, conseiller technique indépendant. Avec des broderies plus épaisses, le melon est plus résistant aux chocs. »
« Les producteurs peuvent être un peu surpris par ces variétés, mais les consommateurs ne font pas la différence », note David Bouvard, de l’Acpel. La variété doit aussi avoir une chair orange intense, sans vitrescence, ferme mais pas trop, et une petite cavité grainière. Et surtout, pour susciter le réachat et face à la concurrence des autres fruits d’été, le goût est essentiel, ce qui implique des arômes, un taux de sucre au moins égal à 10 et de la jutosité. « Le goût est le premier critère de choix variétal pour l’IGP melon du Haut-Poitou », indique Antoine Franchineau, directeur général de Val de Sérigny qui cultive 350 hectares de melons dans le Centre-Ouest. Le goût est toutefois un critère difficile à évaluer.
Une bonne conservation est importante
« Si les personnes âgées préfèrent le goût musqué, les jeunes sont plus attirés par le sucré, constate Madeleine de Turckheim, de SudExpé. La tendance est d’éviter un goût trop musqué. » Globalement la majorité des variétés est aujourd’hui satisfaisante au niveau du goût. « Notre priorité est d’avoir des variétés résistantes qui préservent le goût, indique Joël Boyer, codirigeant de l’entreprise Boyer. L’évolution vers des variétés plus résistantes se fait toutefois parfois au détriment du goût. » Enfin, une bonne conservation est importante. « Un melon doit se conserver une semaine au froid pour satisfaire les producteurs, distributeurs et consommateurs », estime Antoine Franchineau.
Importance du rendement commercial
Le rendement, dans un contexte difficile depuis plusieurs années, redevient fondamental. Il passe d’abord par l’adaptation de la variété au terroir et sa capacité de nouaison dans le créneau. « La capacité d’accroche est essentielle, notamment en conditions difficiles, note Françoise Leix-Henry, du Cefel. Dans le Sud-Ouest, les créneaux les plus difficiles sont le début de saison, quand le temps est frais et humide, et la fin de saison, quand il fait très chaud. »
« Des variétés assez plastiques sont nécessaires pour s’adapter aux conditions climatiques qui sont très variables ces dernières années suite aux dérèglements que l’on subit », estime Christophe Garcin, directeur technique de Force Sud, qui cultive 600 hectares de melons conventionnel et en bio dans le Sud-Est et en Espagne. Le rendement commercial passe aussi par la capacité de la variété à produire du melon de calibre commercial et notamment de calibre 12, le mieux valorisé. « Si les gros melons peuvent se vendre en fraîche découpe et en restauration, il y a très peu de débouchés pour les petits melons, note Antoine Franchineau. Les variétés ont toutefois bien évolué et font moins de petits calibres. »
Le bon calibre sur son créneau
« Notre premier critère est que la variété donne le bon calibre sur son créneau, indique Christophe Garcin. Nous testons les variétés avec différentes dates de plantation. Dans le Sud-Est, il y avait une grosse attente notamment sur les cultures de plein été, qui donnaient souvent de trop gros calibres. Depuis deux ans, des nouveautés s’avèrent satisfaisantes en termes de calibre. » Enfin, le rendement commercial passe aussi par un faible taux de déchets liés à une mauvaise présentation, de l’éclatement… et par l’absence de maladies pouvant fortement compromettre les volumes et la qualité.
Résistances et tolérances
La réduction des solutions phytosanitaires disponibles, le coût des traitements, le temps à y passer et la nécessité de répondre aux attentes sociétales amènent aussi à rechercher des variétés plus résistantes aux bioagresseurs. « La variété est le premier levier pour se prémunir de problèmes pendant la saison », estime Antoine Franchineau. « Le changement le plus important depuis dix ans est que les producteurs ne peuvent plus supporter un accident de production, souligne Vincent Roulleau, responsable technique de Boule d’Or, qui cultive 130 hectares de melons en Vendée. 10 % de casse sur la saison, c’est une bonne partie du revenu qui s’en va. »
La tolérance à la colonisation par le puceron Aphis gossypii est essentielle dans tous les bassins, en bio, où il n’y a pas d’autre solution contre le puceron, et en conventionnel. La tolérance à l’oïdium, qui pose de plus en plus de problèmes en fin de saison, en particulier dans le Sud-Est et le Sud-Ouest, est également recherchée. Autre tolérance importante : la tolérance à la race 1-2 de la fusariose, notamment sur les créneaux précoces. Si le meilleur moyen d’éviter la fusariose est le greffage, il entraîne en effet un surcoût important, devenu rédhibitoire, implique une conduite différente en cas de greffage sur courge et ne protège pas d’autres maladies à dépérissement en cas de greffage sur melon. « Élargir les rotations permet de limiter le risque de fusariose, estime Vincent Roulleau. Depuis quelques années, nous avons choisi de ne pas revenir sur une terre avant dix ans, car nos sols argileux sont favorables au champignon. Mais sur les parcelles les plus anciennes, des variétés Fom 1-2 peuvent être nécessaires. »
« Ce sont surtout les couverts végétaux utilisés dans la rotation qui réduisent la fusariose », souligne Xavier Dubreucq, qui précise qu’il conseille 35 % de la production nationale. Autre critère essentiel : le comportement à la bactériose et à la cladosporiose, maladies pouvant causer de gros dégâts en début de campagne, notamment au Centre-Ouest et au Sud-Ouest, et surtout au mildiou, problème croissant et récurrent dans tous les bassins.
Réduire le coût de récolte
Un autre aspect de plus en plus important est la souplesse de récolte. La tenue des fruits au champ devient essentielle, pour qu’ils puissent passer une journée au champ en cas d’intempérie sans trop jaunir ou éclater, et qu’ils puissent éventuellement être récoltés tous les deux jours, voire tous les trois jours. « Avec le manque de disponibilité de la main-d’œuvre et les évolutions sociales, les contraintes liées à la main-d’œuvre vont rapidement devenir un critère capital dans le choix variétal, estime Christophe Garcin. Il devient par exemple très compliqué de récolter le dimanche, ce qui implique des variétés qui puissent attendre au champ et se récolter un jour sur deux. »
« Pour assurer la qualité, nous référons des variétés qui se récoltent chaque jour, le dimanche restant un problème majeur pour la récolte des melons », indique Joël Boyer. Une évolution depuis cinq ans est aussi l’apparition de variétés dites « non déhiscentes », dont le pédoncule ne se décolle pas à maturité. « Un inconvénient des variétés déhiscentes est que la fente autour du pédoncule qui apparaît près de la déhiscence peut entraîner des moisissures et des problèmes de conservation, explique Xavier Dubreucq. Une variété non déhiscente donne plus de souplesse pour la récolte et limite les déchets. » Un désavantage par contre de ces variétés est qu’il n’y a pas de cerne autour du pédoncule comme indicateur de maturité et que celle-ci ne peut être évaluée qu’à la couleur.
La facilité de récolte est un critère important
Or, le changement de couleur n’est pas toujours facile à évaluer, notamment le matin et le soir, quand la luminosité est faible, alors que la facilité de récolte est un critère important », note Sylvie Bochu, de la chambre d’agriculture du Tarn-et-Garonne. « Il ne faut pas se priver de bonnes variétés, même si elles sont non déhiscentes, estime Vincent Roulleau. Comme nous cueillons en général au moins deux variétés en même temps, nous pouvons récolter une variété qui cerne le matin et une variété qu’il faut récolter à la couleur l’après-midi, quand la luminosité est meilleure. » « La formation du personnel est nécessaire pour s’adapter aux variétés non déhiscentes », note Christophe Garcin.
Récolte groupée ou étalée
Un autre critère de choix variétal encore est l’étalement ou non de la production de la variété. Si une récolte groupée réduit les coûts de récolte, elle implique beaucoup de main-d’œuvre sur un temps réduit et une organisation de chantier différente. « Le choix d’une récolte groupée ou non est un choix d’entreprise », indique Françoise Leix-Henry. « Des variétés à récolte groupées sont plus délicates à cultiver, estime Joël Boyer. Comme le plant doit produire tous ses fruits en même temps, il est plus sollicité et il peut y avoir un impact sur la qualité. »
Des variétés moins gourmandes en intrants
Face au changement climatique, à la réduction des solutions phytosanitaires et à l’inflation sur tous les intrants, la tendance est aussi à la recherche de variétés moins gourmandes en intrants et plus adaptées au changement climatique. « Tous nos essais en station se font avec des itinéraires bas intrants en termes d’eau, fertilisants et produits phytosanitaires, explique Madeleine de Turckheim. L’idée est de faire ressortir des variétés rustiques qui pourront être produites même quand il y aura une forte diminution des produits phytosanitaires et de la fertilisation. » Des variétés moins gourmandes en eau et plus adaptées aux chaleurs extrêmes, qui peuvent accentuer les problèmes de fente, sont également recherchées.
« Gustabel, qui était très cultivée, a beaucoup diminué car très sensible à la fente », note l’expérimentatrice. L’adaptation au changement climatique, notamment au manque d’eau, passe en particulier par la recherche de variétés au système racinaire puissant pouvant aller chercher l’eau et les nutriments dans le sol. À l’inverse, les essais en 2024, où il y a eu beaucoup de pluie, ont fait ressortir des variétés très sensibles au mildiou. « Une variété récente, très performante en termes de goût et de rendement, s’est avérée très sensible au mildiou », rapporte Madeleine de Turckheim.