Voyage dans le passé agricole du Pérou, au temps des Incas
Peuple du soleil, les Incas ont aussi été précurseurs de nombreuses techniques agricoles. Leur histoire en témoigne et montre l’importance de préserver le réservoir botanique d’origine des plantes et de poursuivre l’adaptation des cultures aux défis agronomique et climatique.
Peuple du soleil, les Incas ont aussi été précurseurs de nombreuses techniques agricoles. Leur histoire en témoigne et montre l’importance de préserver le réservoir botanique d’origine des plantes et de poursuivre l’adaptation des cultures aux défis agronomique et climatique.
Deux fois plus grand que la France, le Pérou offre une grande diversité climatique entre la cordillère des Andes, sa façade pacifique et la forêt amazonienne. L’agriculture n’y représente que 7 % du PIB mais occupe 28 % de la population. La canne à sucre, le maïs, le riz, la pomme de terre, le coton, le café, l’asperge, l’oignon, l’ail et les fruits tropicaux sont les principales productions. Le pays est aussi le berceau de la civilisation Inca qui de par ses connaissances, son ingénierie et son organisation, préfigurait notre agriculture et notre alimentation. Que serait notre régime alimentaire quotidien si nous n’avions ni pomme de terre, tomate, maïs, haricot, arachide, ananas ou cacao.
De nombreux ouvrages d’irrigation toujours en fonction
Le peuple Inca se définissait comme peuple du soleil, héritier des civilisations qui l’ont précédé (Tiwanaku, Moche, Chimu, Huari...). Son empire Inca (XIIIe-XVIe siècle) très étendu utilisait l’astronomie pour le développement de sa civilisation. Très développée, l’agriculture en était donc très fortement dépendante. La connaissance des climats, microclimats et saisons orientait les choix agraires des paysans (semis, récoltes...) qui vénéraient le créateur Viracocha mais aussi le dieu du soleil Inti, la déesse de la lune Killa ainsi que d’autres éléments de la nature (étoiles, montagnes, rivières...). Ces croyances permettaient d’avoir un grand respect pour la nature et ses éléments. Les techniques de terrasses ont permis d’augmenter les surfaces cultivées, de résoudre des problèmes de distribution d’eau d’irrigation, de lutte contre l’érosion des sols et de faire face à certaines instabilités climatiques. Les terrasses étaient créées là où les microclimats étaient les plus propices aux cultures (gelée, vent, ensoleillement…). Les rendements agricoles en étaient donc accrus. La forme et les courbes de niveaux de ces dernières permettaient aussi de répondre à des besoins esthétiques, symboliques et religieux. La grande maîtrise de l’irrigation a permis aux Incas de cultiver de grandes zones arides. Des canaux d’irrigation étaient sculptés dans la pierre, des barrages étaient créés sur des rivières ainsi que des tunnels ou des réservoirs, en altitude. Tout ceci sans connaissance du fer, seuls le cuivre et ses alliages étaient utilisés. De nombreux ouvrages sont toujours en fonction. Un drainage spécifique des parcelles aménagées et cultivées en terrasses permettait de faire face aux vicissitudes d’un climat agressif. Ainsi, les substrats des terrasses agricoles étaient constitués de terre humifère puis de sable, de gravier et enfin de pierres au fond, ce qui permet un excellent drainage lors des fortes précipitations.
Piment et tomate cultivés depuis plus de 6 000 ans
En langue aymara (langue pré-inca), « wiru » veut dire plants de maïs. A l’arrivée des Espagnols et par déformation de prononciation, « wiru » devint « Viru » puis « Piru » et enfin Peru. Mais le pays du maïs connaissait aussi le quinoa, pseudo-céréale de la famille des amarantacées comme la betterave, cultivé depuis plus de 5 000 ans. Le haricot trouve aussi ses origines en Amérique centrale (variété vulgaris) et en Amérique du Sud (variété aborigeneus) où il était déjà cultivé 7 000 ans avant J.-C. Le piment et la tomate y sont également cultivés depuis plus de 6 000 ans. Ces légumes se retrouvent dans tous les plats et sous toutes les formes, cultivés dans toutes les régions du pays. Des Andes, ils ont été diffusés au Mexique (d’où le nom tomate provenant de la langue nahualt du Mexique reprise par les conquistadors).
La pomme de terre conservée grâce au « chuno »
Mais la pomme de terre est l’aliment le mieux adapté au froid andin. Le Pérou est le berceau d’origine de cette culture. Elle y est cultivée depuis plus de 10 000 ans. Ainsi, certaines variétés sont cultivées jusqu’à 5 000 m d’altitude. Sept espèces et des milliers de cultivars sont recensés en terre Inca. Le Centre international de la pomme de terre (CIP) se trouve dans la capitale, Lima. Plus de 80 % de la production du pays sont réalisées dans les Andes. Dans la Vallée Sacrée des Incas (près de Cuzco), sur 12 000 ha entre 3 150 et 5 000 m d’altitude, se trouve le Parc de la Pomme de terre (Parque de la Papa) qui se consacre à la préservation des variétés indigènes (plus de 600 actuellement et 4 000 prévues). La pomme de terre est l’aliment de base par excellence. Les marchés urbains sont fournis en pommes de terre cultivées sur la côte, par de grandes exploitations agricoles. Mais l’essentiel de la consommation rurale est fourni par les petites exploitations paysannes des régions andines. Même s’il y avait une relative stabilité climatique, les Incas avaient parfois des perturbations météorologiques. Les techniques de stockage et de conservation des aliments permettaient de faire face aux famines. L’Etat inca se trouvait consolidé par le stockage et la conservation de masse en vue de redistributions suivant ses intérêts. La déshydratation des aliments était un point essentiel. Ains,i la pomme de terre peut être conservée plus de cinq années grâce à un processus de gel, dégel et écrasement. Cela donne le « chuno ». Le « chuno » qui est noir à l’origine (par oxydation) devient blanc après lavage. Cette pratique, toujours utilisée, permet aussi de rendre comestible des variétés de pommes de terre amères, seules à pousser à haute altitude, mais trop riches en alcaloïdes pour être consommées en l’état.
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La « chaquitaccla » outil à tout faire
La « chaquitaccla » est l’outil emblématique de l’agriculture andine. Il est tranchant et ressemble de loin à une bêche. Il était d’autant plus important dans l’histoire Inca qu’il n’y avait pas d’animaux de trait avant la conquête espagnole. La « chaquitaccla » ne sert pas qu’au labour. On l’utilise pour découper la terre servant à construire les murs des maisons et des clôtures , creuser les canaux d’irrigation, à semer et à récolter. Même si la traction animale et la mécanisation se développent, cet outil séculaire n’est pas prêt de disparaître grâce à sa multifonctionnalité.
Les statistiques agricoles déjà existantes
Station expérimentale d’altitude
En chiffres
1,28 million de km2 soit deux fois la France
32 millions d’habitants
28 % de la population travaille dans l’agriculture
211 milliards de dollars de PIB en 2017 dont 7 % en agriculture