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Légumes : comment implanter sa culture sous couvert végétal ?

Les connaissances progressent sur l’implantation de cultures sous couvert végétal. Très technique, l’itinéraire nécessite l’adaptation des outils, mais ne convient pas à tous les légumes ni tous les sols.

L’implantation de cultures sous couvert végétal suscite un intérêt croissant chez les maraîchers bio, parce qu’elle préserve la qualité des sols et améliore sa fertilité, avec moins d’interventions mécaniques et donc moins de temps et d’énergie fossile. Lancé en 2020, le projet Marco, qui associe Acpel, Grab, Serail et la Maison de l’agriculture biologique en Charente (MAB 16), vise à accompagner les producteurs bio qui souhaitent s’inscrire dans une agriculture de conservation, afin de développer des techniques pour la maîtrise des couverts et l’implantation de cultures sans travail du sol. Le principe : semer un couvert dans les résidus de culture, le rouler quand il a atteint une certaine biomasse pour en faire un paillage, implanter la culture dans le paillage, puis assurer le rendement et la qualité des légumes par la maîtrise de l’enherbement, de la fertilisation et de l’irrigation et le choix variétal.

Semoir et broyeur à marteau

Des travaux sont menés sur les outils qui permettent de semer un couvert dans les résidus de culture. « Le strip-till, qui prépare uniquement la ligne de semis, est coûteux, note Samuel Ménard, de l’Acpel. L’Atelier Paysan propose d’en fabriquer un, mais il faut beaucoup de technicité. Il est par contre possible d’utiliser un semoir à disques, puis de passer un broyeur à marteau qui fouette les plantes, arrache les adventices, enfouit les graines et casse leur tégument. » Deux années d’essais montrent que la meilleure biomasse (22 t/ha en 2022) est obtenue de cette façon, avec une dose normale de graines. « Et il faut aussi bien irriguer après le semis », insiste Samuel Ménard. Autre point essentiel : le choix d’espèces et variétés qui permettent une biomasse suffisante pour ensuite s’affranchir de désherbage. « L’objectif est d’obtenir au moins 35 t MF/ha et 8 t MS/ha. »

Les essais menés en Deux-Sèvres de 2017 à 2022 montrent que le seigle est la graminée qui fournit la meilleure biomasse, que le triticale est moins intéressant et que l’avoine n’est pas adaptée à cette technique. En légumineuses, la vesce permet la meilleure biomasse, mais implique un roulage plus tardif. Féverole et trèfle incarnat sont également intéressants ; le pois fourrager, qui couvre moins le sol, l’étant moins. Au final, un mélange de seigle (90-100 kg/ha), féverole (90-100 kg/ha), vesce (20 kg/ha) ou trèfle incarnat (10 kg/ha) produit une biomasse importante une année sur cinq, correcte deux années sur cinq et très faible deux années sur cinq. « Il est essentiel de semer tôt, si possible avant fin septembre, la date de roulage variant ensuite selon les espèces », souligne Samuel Ménard.

Fertiliser les premières années

Le roulage du couvert peut se faire avec un rouleau autoconstruit. On peut aussi utiliser un rouleau lisse sur lequel on soude des couteaux de rouleau Faca. L’Atelier paysan chiffre la réalisation d’un tel outil à 370 € pour 49 heures de travail. Autre possibilité : un rouleau cage doté de masses supplémentaires sur lequel on soude une tige hélicoïdale. « Un tel rouleau est facile à réaliser et fait du bon travail, estime Samuel Ménard. Le but est de blesser les tiges, pas de les couper, sinon le paillage s’en va quand on plante. » La plantation en motte est ensuite conseillée. L’autoconstruction est là encore possible à partir d’une planteuse Super Prefer, sur laquelle on ajoute un disque roulant de type strip-till devant chaque soc, ainsi qu’un anneau supplémentaire sur le tranchant de la roue tasseuse. « Le but est que le soc reste en terre et de bien fermer le rang », souligne l’expérimentateur.

L’idéal est de planter sur un sol humide et ressuyé. « Et comme le couvert pompe beaucoup d’eau, une bonne irrigation avant plantation est nécessaire. » La température du sol est également importante. « Pour les cucurbitacées, une température minimale de 15 °C est nécessaire. Or il peut y avoir deux degrés de moins sous un couvert roulé que sous un plastique. Et l’été, avec le début de la dégradation du paillage, la chaleur pénètre davantage. » Si le but est de retrouver une fertilité naturelle, l’apport de fertilisants est par ailleurs nécessaire les premières années. Des essais en céleri et poireau montrent qu’un apport massif de matière organique avant le semis du couvert, puis un engrais starter (30 UN + arrosage) au démarrage de la culture, améliorent le poids des légumes, bien qu’inférieur à ceux obtenus avec une conduite classique.

Des espoirs avec la désherbeuse Orbis

Autre point crucial : le désherbage. L’Acpel a testé l’apport de paille supplémentaire en courges pour maîtriser l’enherbement. « Mais le paillage manuel après plantation demande trop de temps, rapporte Samuel Ménard. Et l’apport de paille avant plantation entraîne le bourrage de la planteuse. » Des résultats prometteurs sont en revanche obtenus avec l’Orbis (Roll’n’Sem), outil constitué de deux rangs de disques inclinés qui déracine les jeunes plantules, lacère les adventices et ramène le paillage vers le rang. « Un ou deux passages réduisent fortement le salissement sur l’inter-rang et ont un impact sur les rongeurs en cassant les galeries. »

Au final, sur deux années d’essais, la plantation sous couvert de courges en mottes, avec irrigation par aspersion et deux désherbages manuels (90 heures/ha, pas d’utilisation de l’Orbis), a permis un développement correct de la culture, avec des poids moyens et un nombre de courges inférieur mais proche de ceux d’une conduite sur bâche. « Le rendement a été un peu inférieur du fait d’une implantation plus tardive, liée à l’obligation d’attendre le bon stade pour rouler le couvert, à un moindre réchauffement du sol et à la compétition pour l’eau et l’azote dû au salissement de la culture, résume Samuel Ménard. Les résultats sont toutefois encourageants, avec des variations liées au salissement selon les variétés. » L’utilisation de l’Orbis en courge ou poireau est également très prometteuse. Deux années d’essais en céleri n’ont par contre pas été concluantes, la culture ayant à chaque fois été détruite par les mulots et les limaces.

Avis d’expert

Baptiste Brigot, maraîcher en Charente, Les Jardins de l’Osme

« Intégrer les couverts dans la rotation »

Administrateur à la MAB 16, Baptiste Brigot teste l’implantation sous couvert depuis quatre ans.

« Je cultive 10 ha de maraîchage et 80 ha de céréales. Je teste la culture sous couvert depuis quatre ans sur 4-5 ha, en céleri, courge et poireau. Mes motivations sont de gagner du temps en limitant le travail du sol et d’avoir une autofertilité du sol. J’ai aussi des arbres têtards et j’épands du BRF sur les parcelles. Le taux de matière organique des sols est actuellement de 3 % et je vise 5-7 % d’ici dix ans, car un autre objectif est de réduire la consommation en eau, que le sol soit le premier réservoir d’eau grâce au taux d’humus. Je suis équipé d’un semoir à disque et d’un broyeur pour le semis des couverts. Pour le désherbage, j’utilise actuellement la herse-étrille et la bineuse, mais je veux m’équiper de la désherbeuse Orbis, qui est intéressante sur paillage comme sur sol nu. La clé est la rotation des cultures : je cultive deux couverts en hiver. Le premier est broyé trois semaines avant plantation et se minéralise pour la culture de l’année suivante. Il se resème et est détruit par un léger travail du sol à la fin de l’année n +1, pour limiter les limaces et le chiendent. C’est très technique d’obtenir un couvert à plus de 35 t MF/ha. Mais les résultats sont encourageants en courges. »

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