Le consommateur, au cœur du “nouveau” CTIFL
Conservant sa force de recherche sur le variétal, le CTIFL va développer de nouveaux outils tournés aussi vers l’aval. Nouvelles variétés et étude des pratiques d’achat, deux faces d’une même pièce : satisfaire le consommateur citoyen.
Conservant sa force de recherche sur le variétal, le CTIFL va développer de nouveaux outils tournés aussi vers l’aval. Nouvelles variétés et étude des pratiques d’achat, deux faces d’une même pièce : satisfaire le consommateur citoyen.

Depuis deux ans, le CTIFL a été quelque peu bousculé, entre instauration d’une CVO pour son financement et réorganisation interne (cf. FLD Hebdo du 7 octobre 2015). Le CTIFL s’est doté d’une feuille de route tenant en quatre axes : qualité, pesticides, modernisation, digitalisation. Autant de sujets qui concernent l’ensemble des familles de la filière. FLD a convié Jacques Rouchaussé, président du CTIFL, et Laurent Grandin, vice-président d’Interfel au titre de l'UNCGFL, à échanger leurs visions sur le thème “Quel CTIFL pour l’aval ?”.
Étudier la tenue des fruits et légumes en distribution
Un des travaux importants que le CTIFL va lancer est la création d’un magasin-test. Il s’agirait d’y étudier la tenue des fruits et légumes en distribution, de vérifier la traçabilité, mais aussi d’étudier le comportement du consommateur : comment il choisit, quels sont les déterminants qui commandent son choix… À partir de ces informations, des pistes de travail seront développées (pertinence d’un “îlot France” dans le rayon par exemple). L’analyse permettra de trouver des améliorations et de les faire remonter vers l’amont qui se les appropriera. « Ce magasin-test ne sera pas là pour dire “Telle ou telle partie de la filière ne fait pas bien le travail”. L’objectif est d’arriver à un consommateur 100 % satisfait du produit qu’il a acheté. Cela renvoie à la notion de goût, de présentations, de chaîne du froid… Tous les métiers de la filière auront à faire des efforts. Car, finalement, un produit est bon si l’ensemble de la filière le considère ainsi », martèle Jacques Rouchaussé. Laurent Grandin se félicite du projet : « On voit bien le lien ici. Il ne suffit pas d’avoir des produits bons ; il faut aussi savoir les vendre. Nous avons aujourd’hui en face de nous des consommateurs citoyens : connaissance du produit et transparence sont des facteurs clés. J’ajouterais qu’il serait intéressant de se pencher sur les convives en restauration. J’ai demandé au CTIFL s’il ne serait donc pas possible de transposer cette expérience en restaurant d’entreprise. Cela permettrait de travailler par exemple sur l’aptitude à amener des produits à parfaite maturité en restauration. »
Pour une expérimentation forte
En tout cas, la nécessité d’une expérimentation forte en France ne fait pas de doute. « En France, on ne gagnera pas sur le terrain des bas coûts, mais sur celui des techniques alternatives et du goût et cela grâce à l’innovation et la recherche, analyse Laurent Grandin. Cela permettra de favoriser in fine la consommation. Il y a un atout concurrentiel intelligent là-dedans. Et l’avantage d’un centre technique comme le nôtre, c’est la mise en œuvre opérationnelle rapide ». Histoire de ne pas renouveler certains “rendez-vous manqués” (pêche plate) et d’aborder les défis à venir (variété de raisin apyrène, reconquête du marché de la poire…). Jacques Rouchaussé abonde dans ce sens : « Si on ne suit pas l’évolution actuelle, en mettant parallèlement en place tout ce qui peut être fait en matière d’expérimentation, on va pénaliser nos productions, notre filière et on prendra du retard. »
La recherche fondamentale est aussi concernée. « L’abandon de certains programmes par l’Inra, qui tombent dans le domaine privé, est inquiétant. Il n’est pas question de se couper du privé mais d’avoir encore la possibilité de jauger de la pertinence sur le végétal et l’aptitude d’un produit à être véritablement innovant », s’inquiète Laurent Grandin. Jacques Rouchaussé a rencontré le président de l’Inra, Philippe Maugin : « Il nous faut voir ensemble dans quelle mesure pallier l’abandon de certaines recherches. Sinon, demain, la filière se retrouvera démunie. Du coup, le centre technique doit avoir des relations resserrées avec d’autres centres techniques européens et internationaux ; un voyage prochain en Israël est d’ailleurs prévu. »
Un savoir à diffuser
Les deux protagonistes le reconnaissent : les connaissances accumulées par le CTIFL étaient parfois mal diffusées. « Les plus mauvais communicants sur les travaux nous concernant, c’était nous-mêmes, reconnaît Laurent Grandin. Désormais, les progrès de la digitalisation permettent une mise à disposition plus facile des informations qui pourraient en partie être diffusées jusqu’au consommateur. » Aller au contact du consommateur, c’est aussi dans les cartons du CTIFL, comme le confirme Jacques Rouchaussé : « Le centre technique sera exposant à la prochaine Foire de Châlons (Marne) du 1er au 11 septembre. Ce sera un premier test. Pas question de blouses blanches, mais nous serons là avec des réponses à la curiosité des consommateurs sur les cultures, la production mais aussi les autres familles de la filière… » Le CTIFL entend aussi avoir une place plus importante à l’occasion du prochain Salon international de l’agriculture (du 24 février au 4 mars 2018).
« En France, on ne gagnera pas sur le terrain des bas coûts, mais sur celui de l'innovation et de la recherche », Laurent Grandin, vice-président d'Interfel au titre de l'UNCGFL.
Nouvelle donne pour les stations régionales
Les stations régionales d’expérimentations (33 en 2016) font partie du réseau de la recherche f&l. Le rapport d’Hervé Piaton (cf. FLD hebdo du 2 mars), ingénieur des Ponts, des Eaux et des Forêts, a souligné leurs faiblesses et la menace sur leur pérennité mais aussi leur fort potentiel de recherche. Jacques Rouchaussé détaille ce que serait la nouvelle architecture du réseau :
Regroupement des stations (déjà en cours) et fermeture de certaines : « Il faut pouvoir renforcer celles qui marchent bien, aider celles qui peuvent continuer leur activité et accompagner celles qui ne le peuvent plus. Nous n’avons plus les moyens d’avoir quatre ou cinq stations dans une zone de quelques kilomètres. »
Stations “partenaire” du CTIFL : « Un ingénieur CTIFL y serait délégué pour mettre en œuvre un programme défini par l’ensemble de la filière. Les propositions seraient détaillées financièrement. Il n’est plus question d’avoir des “électrons libres” lançant des expérimentations non validées ! »
Stations “associées” ponctuellement : « Nous sommes en train de recenser les compétences. Mais, clairement, si la station est plus compétente que le centre régional sur un sujet, c’est elle qui mènera l’expérimentation. »
Cette réforme sera partagée et discutée lors d’un séminaire réunissant le conseil d’administration du CTIFL et les présidents des stations d’expérimentation.