AIL
L’ail face à la fusariose
La fusariose, maladie récente pour l’ail, occasionne des dégâts importants sur cette culture. L’ensemble de la filière ail se mobilise pour financer une recherche indispensable afin de mieux la connaître et la maîtriser.
La fusariose, maladie récente pour l’ail, occasionne des dégâts importants sur cette culture. L’ensemble de la filière ail se mobilise pour financer une recherche indispensable afin de mieux la connaître et la maîtriser.
Les fusarioses sont devenues des problèmes majeurs pour la filière ail. Les dégâts ont notamment été constatés à partir de la récolte 2012. A cette période, le Bulletin de santé du végétal ail de Midi-Pyrénées relatait la présence de symptômes de Fusarium proliferatum, difficilement différentiables de ceux de Waxy Breakdown. En 2013, les premiers bulbes atteints de fusariose ont été mentionnés début août sur de l’ail rose qui paraît plus sensible que l’ail blanc et violet. Par la suite, la maladie a causé de nombreux dégâts occasionnant des pertes commerciales importantes, jusqu’à 80 % de têtes atteintes dans certains lots en 2015. Les symptômes apparaissent toujours après la récolte au cours du stockage.
Des Fusarium systématiquement isolés
Le bulbe pourrit de l’intérieur en perdant sa fermeté et sans affection extérieure des téguments. Lors de sa coupe, on constate des caïeux bruns. L’enveloppe de la peau est sèche en présence de mycélium (duvet blanchâtre) entre la peau et la chair. Ce qui permet de le différencier du Waxy Breakdown. Les attaques de fusariose affectent principalement l’ail de printemps. L’ail blanc et l’ail violet semblent plus préservés. « Le potentiel de développement de la maladie couplé à une absence totale de diagnostic en amont fait de la fusariose de l’ail un enjeu majeur à court terme pour les producteurs d’ail », mentionne Hélène Hunyadi, spécialiste de la maladie à Prosemail. De plus, la filière ail ne dispose actuellement d’aucune préconisation (préventive ou curative) et d’aucun produit phytosanitaire pour lutter contre la fusariose de l’ail. « Un travail de connaissance des espèces de Fusarium les plus fréquentes posant des problèmes reste à faire de manière plus précise », a lancé François Villeneuve, Ctifl, lors des rencontres techniques phytosanitaires en janvier dernier. En effet, sur les 45 échantillons traités sur le centre Ctifl de Lanxade depuis 2005, dont 15 en 2012 et 16 en 2016, des Fusarium sont quasiment systématiquement isolés au niveau du plateau, des téguments, à la surface du caïeu et, plus rarement, dans la chair. Et de nombreuses espèces sont présentes : F. proliferatum est la plus citée dans les travaux récents mais on trouve aussi F. culmorum, F. equiseti, F. oxysporumf.sp.cepae… Il y a donc nécessité d’identifier le ou les agents concernés. Il est également nécessaire de bien connaître le cycle infectieux pour identifier les leviers à mettre en oeuvre pour les contrôler. « En fait, les Fusarium sont assez communs dans les sols et peuvent y persister pendant de nombreuses années sous forme de spores très résistantes », mentionne François Villeneuve. L’origine de la maladie peut être due à différentes sources d’inoculum dont cinq ont été identifiées. (cf encadré)
Identification de cécidomyie du blé
« Il est également possible que la fusariose soit propagée par certains insectes », évoque Hélène Hunyadi. En effet, l’ail de semence cultivé sous filet anti-insectes pour limiter la transmission des viroses par les pucerons et les thrips est également moins affecté par la fusariose. Un constat de nouveau réalisé en 2016. « Cette année, nous avons effectué un essai comparatif, avec et sans filet, sur une même parcelle. La partie protégée n’a été atteinte que par 2 % de dégâts, alors que celle non protégée a eu 20 % de bulbes atteints », relève la spécialiste. Un inventaire faunistique a permis de mettre en évidence la présence du genre Cecidomyiidae. Or, les cécidomyies du blé sont connues comme étant des vecteurs de spores de Fusarium graminearum sur céréales.
Les travaux d’identification réalisés par Eric Pierre de l’Inra de Montferrier-sur-Lez ont permis de déterminer Clinodiplosis sp. (probablement C. cilicrus), différents de la cécidomyie du blé mais qui est un insecte mycophage et donc révélateur d’une pression fongique importante. Le piégeage de l’insecte sera renouvelé en 2017 dans le bassin de la Drôme mais également dans la zone de Lautrec dans le Tarn, où la maladie affecte particulièrement les cultures d’ail rose. « Nous souhaitons également travailler avec l’Inra pour déceler la présence de spores de fusariose sur le corps de l’insecte et chercher à confirmer le lien entre sa présence et l’apparition de la maladie », explique Hélène Hunyadi. Les recherches doivent également porter sur les modes de transmission liés au sol en effectuant des échantillonnages de terre pour connaître le degré de risque de la maladie. Une campagne de prélèvement de sol est prévue en 2017. « Les connaissances pourraient permettre d’aller vers des solutions de biocontrôle pour limiter la pression de la maladie », précise-t-elle. Les besoins de recherche et de connaissance sont très importants et indispensables pour appréhender ce problème sanitaire. « L’ensemble de la filière, producteurs d’ail de consommation et de semence ainsi que les négociants, se mobilise. Une cotisation volontaire obligatoire sur tous les volumes d’ail devrait apporter le financement professionnel nécessaire pour mener ce travail de recherche », assure Raphaël Reboul, président de Prosemail et membre de l’AniAil.
Données sur la maladie
- La fusariose de l’ail n’est visible et ne crée de dégât sur les bulbes qu’à partir de la période de stockage.
- Elle touche faiblement les bulbes d’ail d’automne (blanc et violet) et majoritairement l’ail de printemps (rose).
- Les premières générations d’ail semences, alors cultivées sous filet pour contrôler les attaques de pucerons vecteurs de la virose, présentent peu de dégâts.
- L’apparition de fusariose semble sporadique, aucune tendance ou situation à risque (type de sol, climat, variété, précédent de culture…) n’a été mise en évidence.
- De fortes différences de proportion de fusariose ont pu être observées, et sans que ces différences ne soient les mêmes d’une année sur l’autre alors que les agriculteurs suivent tous le même itinéraire cultural.
Différentes sources d’inoculum
La fusariose peut se maintenir dans les parcelles grâce à ses formes de conservation (quatre ans pour les chlamydospores) et ses capacités saprohytes sans présence d’ail. Elle peut également survivre sur les résidus de culture infectés avec l’ail mais aussi le maïs, le blé et l’orge comme hôtes. Les résidus restant en surface augmentent les chances de survie. L’inoculum peut provenir également de semences infectées, de plantes hôtes (surtout si elles ne présentent pas de symptômes visibles). Les spores peuvent également être transportées par le vent et la pluie.