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Tunisie
La Tunisie savoure sa nouvelle liberté

La Tunisie a fait souffler un vent de liberté qui n’en finit pas d’avoir des répercussions dans le monde arabe. Ce pays de 10 millions d’habitants revendique sa modernité et entend poursuivre son essor économique, en harmonie avec ses voisins méditerranéens.

Le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazi, vendeur de fruits et légumes à la sauvette et jeune diplômé au chômage, s’immole devant la préfecture de Sidi Bouzid, au centre de la Tunisie. C’est le début d’un mois d’affrontement, qui verra le départ du président Ben Ali, après 23 années de pouvoir autoritaire et sans partage. Aujourd’hui, le pays a repris ses activités et attend beaucoup de la démocratie. A l’occasion de la conférence de presse de lancement du salon Medfel*, nous avons rencontré deux diplomates de l’ambassade de Tunisie à Paris : Elyes Ghariani, ministre conseiller, et Hamed Zekri, conseiller économique. Ils ont bien voulu nous livrer leur vision de la Tunisie, son avenir, ses atouts.
La Tunisie a réussi une première mondiale. « C’est la première e-révolution, rendue possible grâce à internet. C’est un exemple qui va être cité dans les universités. C’est grâce à Facebook, ces jeunes sont devenus des héros. C’était quasiment en live. Tel événement, telle manifestation : le quart d’heure qui suivait, vous l’aviez sur Facebook. Un appel à manifester, un appel au secours… C’était unique ! Et on a retrouvé ensuite les mêmes slogans, les mêmes procédés en Egypte », nous expliquent nos deux invités.
Le 24 juillet, il est prévu d’élire une assemblée constituante qui se chargera de rédiger une nouvelle constitution. Pour le moment, les affaires sont assurées par un gouvernement provisoire de transition. « Il y a un véritable morcellement, une mosaïque de partis politiques, près d’une cinquantaine maintenant. Mais les islamistes sont forts et structurés. Ils ne sont pas majoritaires parce que la majorité, elle, est silencieuse. Mais elle se mobilisera contre les islamistes, j’en suis sûr. En Tunisie, nous sommes un peuple gai, nous aimons recevoir, aller danser… Nous sommes méditerranéens. Aller à la mosquée est un choix personnel. Dans les gens d’une même famille, il y a des 100 % pratiquants, d’autres qui boivent de l’alcool. Nous sommes tolérants, ouverts. Etant donné l’histoire de la Tunisie, tout cela ne peut pas basculer du jour au lendemain. Nous sommes et nous resterons un pays tourné vers la modernité et le progrès. La femme tunisienne est émancipée, elle travaille. » Pourtant, on ne peut s’empêcher de penser à l’Iran, un pays moderne, qui a pourtant basculé dans l’intégrisme. « Le contexte n’est pas le même qu’en Iran ,où il y a eu une révolution islamique. En Tunisie, ceux qui ont fait la révolution sont les jeunes. Il n’y a pas eu de slogans religieux… mais recherche de la liberté et de la dignité. Ce n’est pas la même chose. »

Les Tunisiens misent beaucoup sur l’éducation
Aujourd’hui, le spectre de l’émigration massive semble s’éloigner avec le retour à l’équilibre. «  La sécurité a été rétablie en Tunisie, les gardes-côtes sont là. Il y a toujours eu des tentatives et il y en aura toujours. C’est une émigration à des fins économiques, des gens peu ou pas diplômés qui cherchent l’Eldorado. Et qui ne connaissent pas la réalité en Europe ! Ils croient qu’en arrivant, ils vont trouver un travail et ramasser une fortune ; or la réalité n’est pas celle-là, surtout pour des sans-papiers, qui risquent de se faire expulser à tout moment. » Il y a 10 millions d’habitants en Tunisie et beaucoup de jeunes, pour la plupart diplômés. Dans les années 60, il y avait à peu près le même nombre d’habitants. « A l’époque, nous avions adopté la planification familiale. Pour limiter le nombre d’enfants par famille, nous avions encouragé les milieux ruraux à contrôler les naissances. Aujourd’hui, en Tunisie, les familles sont comme en France : avec deux enfants par couple en moyenne. On raisonne aussi de façon économique. Un enfant, c’est un investissement, et les Tunisiens misent beaucoup sur l’éducation, bien que cela pèse sur le budget familial. Pour le bien-être des enfants et des parents, il doit y avoir un équilibre. »
L’économie du pays doit tout de même faire face à la réticence ou aux problèmes de ses voisins, notamment en matière de tourisme. « Concernant le tourisme, il y aura un manque à gagner, c’est certain. Il y a, pour les mois de janvier et de février, une baisse de fréquentation de 45 % à cause des événements. Et maintenant, le conflit en Libye va contribuer à faire encore augmenter ce chiffre. Ils étaient nombreux, nos voisins libyens, à venir en vacances mais également pour se soigner. Pour les Algériens, on verra bien. Ils étaient également nombreux à venir mais, comme cette année, le ramadan tombe en plein été et qu’en cette période, les musulmans sont plutôt casaniers, je pense que ce sera plus difficile. » C’est donc le moment de passer ses vacances en Tunisie. Le ministre du tourisme tunisien a d’ailleurs lancé un appel dans les médias français, pour inciter les familles à revenir sur ses plages et profiter de la douceur de vivre du pays. Il y a aujourd’hui plus de 25 000 Français installés en Tunisie et, en temps normal, 2 millions de touristes hexagonaux y passent leurs vacances.
Pour dynamiser son économie, la Tunisie ouvre grand les bras aux investisseurs étrangers, en quête de partenariats « win win ». « On peut facilement s’installer en Tunisie, lorsqu’on est étranger, pour y créer une activité industrielle. Il y a même des incitations pour ça. Ceux qui s’installent pour créer une entreprise n’ont le droit de recruter que quatre étrangers. Les autres salariés doivent être tunisiens, ce qui fait sens pour tous : la gestion du personnel, l’encadrement est effectué par les étrangers, et la main d’œuvre est fournie par les locaux, qui trouvent une activité et pourront à leur tour se former. Pour obtenir un rapport qualité/prix intéressant, ces sociétés ont de toute façon tout intérêt à recruter sur le marché local. »

Le maire de Paris, premier avocat des relations franco-tunisiennes
L’immobilier, en revanche, est un peu plus contrôlé. « Il existe des zones réservées. Sinon, toute acquisition par des investisseurs étrangers d’un bien immobilier est soumise à l’autorisation du gouverneur (équivalent du député). C’est une façon de protéger le marché et de limiter la spéculation. »
Aujourd’hui, la Tunisie se tourne vers les industries à forte valeur ajoutée et développe des compétences. « Les secteurs les plus performants sont l’industrie mécanique et électrique. Le textile, qui a été très fort dans le passé, s’est déplacé vers la Chine. Il est aujourd’hui dédié aux petites séries, à la lingerie féminine… Des produits qualitatifs destinés au marché européen. » Concernant les relations avec la France, nos diplomates sont enthousiastes : « La France est notre premier client, que ce soit pour les investissements industriels, le tourisme, ou encore l’importance de sa colonie d’expatriés. La Tunisie est un pays proche. Elle est reliée à la France par plus de 30 vols réguliers par jour. Notre relation a toujours été particulière, grâce à la proximité, la langue, le nombre de nos jeunes qui y étudient. Tous les ingrédients sont là pour que nous travaillions ensemble. La France a été la première nation à féliciter la Tunisie pour la révolution qui a été accomplie en douceur ; et nous avons eu de multiples visites de dignitaires et responsables politiques français, qui sont venus saluer les efforts des Tunisiens pour installer la démocratie dans leur pays. Le maire de Paris, Bertrand Delanoë, est le premier avocat des relations tuniso-françaises, aussi bien auprès des ONG que des organismes touristiques. Les 21 et 22 mai prochains, la ville de Paris organisera le Village du jasmin sur le parvis de l’hôtel de ville. Une occasion pour les Tunisiens de présenter aux Parisiens leurs productions agricoles, leur artisanat, etc. »
Et pour bâtir l’Union pour la Méditerranée, relancée en 2008 à l’initiative de la France, il faudra encore beaucoup de travail, de discussions… et de diplomatie ! « Tout est en place et le train est sur les rails. Même s’il y a des difficultés politiques avec l’UPM (Union pour la Méditerranée), nous sommes convaincus du potentiel du marché euro-méditerranéen. Le processus fonctionne déjà sur le plan commercial et technique. Essayons de contourner certains obstacles politiques, parce qu’on ne peut pas négliger ce volet. La nouvelle donne dans certains pays arabes complique davantage la mise en place du processus politique. Mais c’est à ce jour le seul forum où Syriens, Libanais et Palestiniens se réunissent autour d’une même table. »
Pourtant, il existe un autre cadre où la coopération est plus souple, c’est le 5+5, c’est-à-dire les 5 pays de la rive sud (Maghreb côtier), et 5 pays de la rive nord (France, Italie, Espagne, Portugal, Malte). Il existe une certaine proximité entre ces états : il y a déjà des échanges commerciaux et des défis communs comme l’immigration. « Malheureusement, ce n’est qu’un laboratoire d’idées, un échange informel entre les décideurs. Mais c’est déjà pas mal de se mettre d’accord sur des idées ; ça aide ensuite à les porter auprès des instances officielles. »

*La Tunisie est le pays mis à l’honneur de Medfel 2011 (cf. notre dossierTunisie).

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