Débat
La grande distribution peut-elle être un modèle pertinent pour la transition écologique ?
Les étudiants de l’association Noise AgroPArisTech avec le collectif Pour un Réveil écologique ont organisé un débat auquel ont participé des représentants de Carrefour et de Casino. Conscients des nécessaires changements, la grande distribution appelle néanmoins à une participation collective à cette transformation.
Les étudiants de l’association Noise AgroPArisTech avec le collectif Pour un Réveil écologique ont organisé un débat auquel ont participé des représentants de Carrefour et de Casino. Conscients des nécessaires changements, la grande distribution appelle néanmoins à une participation collective à cette transformation.
Dans un monde où il est considéré comme normal de prendre sa voiture pour aller faire ses courses, de trouver tous genres de produits tout le temps en quantité innombrable, suremballés qui plus est, la grande distribution alimentaire est-elle la forme la plus pertinente pour fournir aux consommateurs une alimentation durable ? Peut-elle être partie prenante et même meneuse de la transition écologique ?
C’était le thème du débat organisé par l’association étudiante Noise d’AgroParisTech et le collectif Pour un Réveil écologique le 21 janvier : “La grande distribution alimentaire, des leaders hypers écologiques ou hypers irresponsables ?”, avec pour participants Carrefour et Casino. « Merci aussi aux Mousquetaires qui n’ont finalement pas pu être présents mais qui ont participé aux travaux préparatifs. En revanche, nous ne remercions pas Leclerc, Auchan et Système U qui n’ont pas répondu à nos sollicitations. Ce manque de transparence peut nous amener à douter », regrettent naïvement les organisateurs.
Conscience d’une nécessaire transformation
Bertrand Swiderski, directeur développement durable du groupe Carrefour et Matthieu Riché, directeur développement durable du Groupe Casino, se sont prêtés au jeu des questions-réponses, des questions souvent naïves et en vrac venant des étudiants mais qui ont eu le mérite de mettre en lumière la complexité du sujet.
Bertrand Swiderski introduit le sujet : « Il y a quelques années, on trouvait formidable de pouvoir acheter un plat préparé à réchauffer une minute au micro-ondes. Aujourd’hui, ce modèle on n’en veut plus. Le modèle de distribution et de consommation qu’on a tous créé, collectivement, depuis 60 ans, est à changer, et ce tous ensemble. Nous, distributeurs, avons conscience qu’il faut changer et que c’est notre rôle d’accompagner la transition. Mais la transition prend du temps. Ensuite, faut-il faire table rase du passé et inventer un nouveau modèle ? Ou bien transformer le modèle déjà existant ? C’est cette deuxième solution que Carrefour a choisie. »
Interdire au consommateur : la très fausse bonne idée
Lorsqu’il est suggéré candidement aux distributeurs d’arrêter de vendre des fruits et légumes importés de loin hors saison ou produits sous serres chauffées, Bertrand Swiderski répond : « Chez Carrefour, nous avons arrêté la tomate et la courgette bio l’hiver dernier dans dix magasins tests. Et ça a été très difficile. Les consommateurs, et on parle de consommateurs de bio, n’ont pas compris cette décision, nous n’avons pas été assez pédagogue. Interdire n’est sûrement pas la solution. Le consommateur veut être celui qui décide. »
Matthieu Riché approuve : « Tout à fait, les études de Make.org montrent bien que dès qu’on est dans l’interdiction ça ne marche pas. Il faut faire comprendre les enjeux et embarquer les gens petit à petit. Arrêter de vendre de la tomate en hiver par exemple ne réglera pas le problème car il y aura toujours un concurrent pour le faire. »
Les distributeurs peuvent orienter l’offre produits avec leurs fournisseurs
Et comment sortir de la logique de surconsommation ? Car entre les bonnes intentions déclarées du consommateur et la réalité, l’écart est énorme. Les études soulignent toutes les mêmes pratiques d’achat : pour un consommateur le choix d’un magasin, comme le rappelle Matthieu Riché, se fait d’abord sur la distance domicile-magasin, puis sur le prix, sur l’offre produits et enfin sur la politique de promotion.
« Nous pouvons encourager les producteurs et les fournisseurs aux bonnes pratiques, via la contractualisation par exemple. Pour certains fournisseurs, qui sont des géants mondiaux, c’est compliqué pour nous de peser [évocation par Casino des géants brésiliens en viande bovine]. Mais si on a l’offre, il faut aussi avoir une demande des consommateurs », précise Bertrand Swiderski
Orienter vers des achats plus durables grâce à l’information clients… et le prix
« Nous avons deux leviers en magasin pour orienter l’offre d’achat, outre le mix produits : l’information client et le prix, estime Matthieu Riché. Concernant l’information clients, en magasin c’est compliqué de sensibiliser le consommateur car il va vite, il veut faire ses courses le plus rapidement possible. Ce qui marche bien, ce sont les applications smartphone, ainsi que les étiquetages clairs comme le Nutriscore. Sur le prix, c’est un sujet sensible à manier. On peut jouer sur la marge ou encore sur les promotions, mais qui dit promotions sous-entend surconsommation. »