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La consommation en eau pourrait doubler d'ici 2050 : quelle part de l’agriculture ?

Quelle sera la demande en eau à l’horizon 2050 ? C’est pour répondre à cette question que France Stratégie a rédigé un rapport qu’elle vient de publier. En ce qui concerne l’agriculture, la demande est corrélée à l’évolution du climat et devrait connaitre une forte hausse.

irrigation dans un champ de maïs.
La demande d'eau en agriculture est corrélée à l'évolution du climat.
© Hélène Challier

[Modifié le 22 janvier 2025]

La consommation en eau pourrait doubler d’ici 2050 en France si le réchauffement climatique s’intensifie et si les tendances d’usage actuelles se poursuivent, estime France Stratégie dans un rapport publié le 20 janvier. Intitulé « La demande en eau, prospective territorialisée à l’horizon 2050 » le rapport a été rédigé par France Stratégie à la demande d’Elisabeth Borne, alors Première ministre, à l’automne 2023. Il repose sur trois scénarios : « tendanciel » qui prolonge les tendances passées ; « politiques publiques » qui simule la mise en place de politiques publiques récemment annoncées ; « de rupture » qui se caractérise par un usage sobre de l’eau.

Lire aussi : Un quart des cultures mondiales manquent d’eau selon une étude américaine

Quelle agriculture pour quel scénario étudié ?

  • Scénario « tendanciel »

Dans le scénario tendanciel, Hélène Arambourou et Simon Ferrière, les auteurs du rapport estiment que l’agriculture française va conserver d’ici 2050 un solde exportateur positif, impliquant des rendements élevés. Afin d’accroître l’autonomie protéique des animaux d’élevage, les surfaces en soja vont augmenter (multiplication par plus de deux entre 2020 et 2050) dans la continuité des tendances observées après le lancement du plan protéines végétales pour la France 2014-2028. Entre 2020 et 2050, les productions de pommes de terre (+ 81 %) et de betteraves à sucre (+ 19 %) vont continuer à augmenter dans le nord de la France pour répondre à la demande extérieure. Les surfaces de maïs grain vont poursuivent leur diminution (- 11 %) et les cheptels de bovins (- 10 %), ovins et caprins (- 15 %) et de porcs (- 4 %) vont poursuivre leur baisse.

Hausse de 50% des surfaces équipées en irrigation en trente ans

Dans ce scénario, hormis les retenues d'eau actées ou en cours de construction, aucune retenue de substitution supplémentaire ne voit le jour. Les surfaces équipées en irrigation continuent de croître à un rythme élevé (+ 50 % entre 2020 et 2050), particulièrement dans les bassins versants de l’Escaut (nord de la France) et de la Loire aval.

A relire : Fonds hydraulique agricole : 48 projets retenus pour un montant de 20 millions d’euros

  • Scénario « politiques publiques »

Dans le scénario politiques publiques, selon les auteurs, l’alimentation des Français va se végétaliser afin de répondre aux objectifs de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), donc l’ensemble du cheptel va diminuer. Parallèlement,  les surfaces destinées à la production de protéines végétales pour l’alimentation humaine vont augmenter : elles seront multipliées par plus de cinq entre 2020 et 2050. Et grâce au renforcement du plan protéines végétales, l’autonomie protéique des élevages va s’accroître. Aussi, les auteurs pensent que les surfaces en soja et en protéagineux seront multipliées par plus de deux entre 2020 et 2050. 

Les surfaces équipées en irrigation continueront de croître à un rythme élevé

Selon les auteurs du rapport, les pratiques agroécologiques vont se développer sur 50 % des surfaces agricoles grâce à des soutiens ciblés. Le développement d’outils de pilotage de l’irrigation sera soutenu par les pouvoirs publics. Le soutien aux projets de retenues de substitution se traduira par une multiplication par quatorze, entre 2020 et 2050, du volume stocké à l’échelle nationale, portant le volume total de substitution à plus de 220 millions de mètres cubes en 2050. La réutilisation des eaux usées traitées de stations d’épuration pour l’irrigation se développera dans les bassins versants côtiers du sud de la France. Les surfaces équipées en irrigation continueront de croître à un rythme élevé : + 50 % entre 2020 et 2050.

A relire : Des ressources en eau toujours plus insuffisantes à l’échelle mondiale

  • Scénario « de rupture »

Dans ce scénario,  les auteurs estiment que les régimes alimentaires vont être profondément modifiés avec une réduction de la consommation de viande de 50 %, ce qui signifie une diminution substantielle entre 2020 et 2050 de l’ensemble du cheptel ainsi qu’une réduction des surfaces dédiées à l’alimentation animale, notamment des prairies (- 11 % pour les prairies temporaires) et des cultures fourragères (- 58 %), et une augmentation des surfaces dédiées aux protéines végétales (multiplication par plus de cinq). La recherche de souveraineté alimentaire va aboutir au développement des surfaces en légumes frais (multiplication par plus de deux), en arboriculture (doublement) et en protéagineux pour l’alimentation animale (multiplication par plus de trois). 

A relire : Quelle part occupe l’irrigation agricole dans la consommation d'eau en France ?

Le développement des surfaces équipées en irrigation sera contenu

Les auteurs émettent l’hypothèse que, hormis les retenues actées ou en cours de construction, aucune retenue de substitution supplémentaire ne verra le jour. Ils estiment que les pratiques agroécologiques vont se développer sur la totalité des surfaces agricoles et que des espèces et des variétés plus robustes à la sécheresse seront sélectionnées. Selon eux, le développement des surfaces équipées en irrigation sera contenu : + 12 % entre 2020 et 2050.

 

Irrigation des cultures : consommation en hausse

En lien avec la diminution des prélèvements, les consommations pour l’élevage diminuent dans tous les scénarios. Les consommations atteignent 240 millions de m3 dans le "scénario tendanciel", 195 millions de m3 dans le scénario politiques publiques et 160 millions de m3 dans le" scénario de rupture". En lien avec la hausse des prélèvements, les consommations augmentent dans tous les scénarios en ce qui concerne l’irrigation des cultures. Dans le cas le plus défavorable simulé, en 2050 les consommations annuelles pour l’irrigation pourraient atteindre 8 100 millions de m3 dans le "scénario tendanciel", 6 400 millions de m3 dans le scénario "politiques publiques" et 4 400 millions de m3 dans le "scénario de rupture", soit des hausses par rapport à 2020 respectivement de 167 %, 111 % et 44 %.

A relire : Irriguer plus de surfaces agricoles avec autant d’eau : comment relever le défi ?

Une demande davantage concentrée au cours des mois les plus chauds de l’année

Alors que la consommation d’eau pourrait globalement doubler à l’horizon 2030 en France, selon les auteurs du rapport, une diminution des précipitations engendrerait une augmentation de la demande en eau d’irrigation dans le cas où l’on conserverait les mêmes rendements, un phénomène amplifié par l’augmentation des surfaces irriguées. Les retenues de substitution n’auront qu’un « effet limité » pour contenir cette hausse. Le rapport souligne qu’ avec l’augmentation de la part de l’agriculture dans les prélèvements, la demande en eau sera davantage concentrée au cours des mois les plus chauds de l’année, quand la ressource en eau est au plus bas dans les milieux aquatiques. Une prochaine publication de France Stratégie quantifiera les tensions entre la ressource en eau disponible et cette demande.

A relire : L’irrigation traditionnelle, une pratique agricole ancestrale désormais inscrite au patrimoine immatériel de l’humanité

 

« L’agriculture doit nécessairement être considérée comme une activité économique d’intérêt général majeur dans les arbitrages sur les usages de la ressource »

Eric Frétillère, président d’Irrigants de France a réagi à la publication de ce rapport sur la demande en eau. Il souligne qu’il n’ y a aura pas d’alimentation sans eau et que « l’agriculture doit nécessairement être considérée comme une activité économique d’intérêt général majeur dans les arbitrages sur les usages de la ressource ». Et d’ajouter qu’il faut développer des solutions de stockage « en fonction des spécificités de chaque territoire » ainsi que des « solutions génétiques, numériques et technologiques pour permettre à l’agriculture de continuer et renforcer la trajectoire d’amélioration de l’efficience de l’eau d’irrigation ».

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