Italie : « Aujourd’hui, trouver l’équilibre entre la durabilité environnementale et économique est crucial », considère Paolo Bruni, président du CSO Italia
A l’occasion du 25ème anniversaire du CSO Italia, Paolo Bruni, son président, a accepté pour FLD de dresser le tableau de la filière fruits et légumes transalpine et de sa capacité d’exportation.
A l’occasion du 25ème anniversaire du CSO Italia, Paolo Bruni, son président, a accepté pour FLD de dresser le tableau de la filière fruits et légumes transalpine et de sa capacité d’exportation.
Depuis un quart de siècle, le CSO Italia (Centro Servizi Ortofrutticoli), qui vient de fêter son 25ème anniversaire, est le point de rencontre privilégié pour les opérateurs de la filière fruits et légumes italienne. Celle-ci a des points communs avec la filière française mais aussi des différences notables.
FLD : Durant ces 25 dernières années, CSO Italia a été le témoin privilégié de l’évolution de la filière fruits et légumes en Italie. A votre avis, quels sont les grands moments qui ont marqué la filière pendant cette période ?
Paolo Bruni : « Sans doute au début de ces 25 ans, s'est instaurée la réforme de l'OCM des fruits et légumes. Le règlement européen a marqué un tournant dans le secteur des fruits et légumes par rapport à tous les autres secteurs. Il a introduit pour la première fois la notion d'Organisation des Producteurs, considérée comme l’acteur principal de la régulation du marché entre la production, la distribution et la consommation. Même le critère du cofinancement public-privé, c'est-à-dire les fameux Plans Opérationnels cogérés par l'Organisation des Producteurs pour 50% et par l'Union Européenne pour les 50% restants, était inédit.
Au cours de ce quart de siècle, nous avons également assisté à une internationalisation sans précédent. Autrefois, le marché principal des fruits et légumes italiens était l'Allemagne, alors qu'aujourd'hui nous traitons avec de nombreux marchés dans le monde entier.
Une troisième considération : d'une part nous avons été témoins et avons essayé de gouverner les processus de numérisation, un phénomène sans précédent dans l'histoire, et d'autre part, au cours de la dernière décennie, la question de la durabilité et du changement climatique est arrivée » .
« Certains secteurs, se sont fortement regroupés : je fais référence aux pommes, poires et kiwis, pour lesquels il est possible d'adapter les politiques de marque et les stratégies commerciales au marché actuel »
FLD : Comment analyser vous les forces et les faiblesses de la filière fruits et légumes italienne aujourd’hui, par rapport au marché intérieur en évolution comme un peu partout en Europe ?
Paolo Bruni : « Je relèverais trois points positifs et trois points négatifs. Concernant ces derniers, beaucoup a été fait sur la question de la structuration de la filière par rapport à il y a 25 ans. Mais, c’est encore trop peu pour organiser de façon adéquate l'offre face à une demande de la grande distribution de plus en plus concentrée. Par ailleurs, la question de la fragmentation de la production est encore plus préoccupante dans le sud de l'Italie où l'on assiste à un grand développement des fruits et légumes. A cela, j’ajouterais deux autres points. Il y a les coûts de production élevés par rapport aux concurrents européens et non européens. Enfin, à l'ère post-covid, nous avons assisté à de grandes difficultés pour trouver de la main-d'œuvre tant pendant les récoltes que dans le travail en stations »
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FLD : En revanche, on voit bien que certaines filières fruits en Italie se comportent plutôt bien.
Paolo Bruni : « En effet, certains secteurs, qui relèvent du champ d'action de CSO Italie, se sont fortement regroupés : je fais référence aux pommes, poires et kiwis, où il est possible d'adapter les politiques de marque et les stratégies commerciales au marché actuel. Autre aspect positif, le développement des productions IGP et AOP, désormais plus reconnaissables par les consommateurs que dans les années 1990 car ils sont plus sensibles à l'origine des produits. Une plus grande fiabilité est attribuée à l'origine européenne grâce aux spécifications de production rigoureuses en vigueur.
Enfin, certaines grandes entreprises (coopératives et privées) au cours des 25 dernières années se sont fortement structurées, équipées et spécialisées et peuvent désormais faire face aux écueils des marchés mondiaux » .
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FLD : En France, on observe la capacité des opérateurs italiens à « chasser en meute » pour acquérir de nouveaux marchés à l’exportation. Pensez-vous que cela soit la raison principale ?
Paolo Bruni : « La raison principale, je crois, se trouve dans la raison intrinsèque qui a conduit à la création de CSO Italia il y a 25 ans : avoir convaincu des entreprises, et des entreprises qui étaient concurrentes entre elles, à s'unir dans le but de faire ensemble ce qu'aucune d'elles ne pouvait faire seul. D'où la naissance et la mise en œuvre de projets promotionnels que nous avons réalisés en Europe et hors d'Europe, réunissant toujours des groupes d'entreprises dans le but commun de promouvoir la consommation de fruits et légumes italiens sur les différents marchés. Dans cette optique, nous avons aussi créé un bureau travaillant sur la suppression des barrières phytosanitaires au sein de CSO Italia ».
« Avoir convaincu des entreprises, et des entreprises qui étaient concurrentes entre elles, à s'unir dans le but de faire ensemble ce qu'aucune d'elles ne pouvait faire seul »
FLD : Parlant d’exportation, dans un marché international totalement ouvert, quelles sont les marchés prometteurs pour l’origine Italie ? La France en fait-elle partie ?
Paolo Bruni : « Tout d'abord, il convient de noter que le marché n'est en aucun cas totalement ouvert car il existe des pays où, par exemple, les produits italiens ne peuvent pas aller en raison des barrières soient disantes phytosanitaires. C'est pourquoi nous avons voulu nous structurer avec un bureau qui aiderait le ministère italien de l’Agriculture et des Régions à ouvrir ces marchés. Notre action est limitée, par exemple, dans toute la zone de l'Extrême-Orient pour laquelle il y a un fort intérêt de la part de nos entreprises exportatrices.
En ce qui concerne la France, étant un pays comme l'Italie où une partie des consommateurs apprécie le haut de gamme, nous aimerions pouvoir proposer ces produits qui constituent l'excellence des fruits et légumes made in Italy ».
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FLD : Quelles vous semblent être les missions de CSO Italia pour les 25 prochaines années ?
Paolo Bruni : « Nous devons d'abord consolider le travail accompli jusqu'à présent, puis nous devrons nous concentrer sur un objectif aujourd'hui crucial : l'équilibre entre la durabilité environnementale et économique. Par ailleurs, nous devrons trouver des outils qui permettent de contrebalancer le fort impact du changement climatique en cours avec des mesures spécifiques issues de la recherche scientifique et de l'innovation, sans oublier une promotion adéquate, au goût du jour » .
« La France, étant un pays comme l'Italie où une partie des consommateurs apprécie le haut de gamme, nous aimerions pouvoir proposer ces produits qui constituent l'excellence des fruits et légumes made in Italy »
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