Du nouveau pour l’éclaircissage mécanique
Les retours d’expérience et les résultats d’expérimentation confirment le potentiel de l’outil Eclairvale comme solution d’éclaircissage multi-espèces sur fleurs et petits fruits. Des essais du Ctifl sur pomme réalisés en 2017 dévoilent son intérêt dans une stratégie, notamment associé avec Darwin.
Les retours d’expérience et les résultats d’expérimentation confirment le potentiel de l’outil Eclairvale comme solution d’éclaircissage multi-espèces sur fleurs et petits fruits. Des essais du Ctifl sur pomme réalisés en 2017 dévoilent son intérêt dans une stratégie, notamment associé avec Darwin.
Pour réguler la charge en fruits, des stratégies mécaniques peuvent permettre de réduire les temps de travaux de l’éclaircissage manuel. Eclairvale, développée par la société audoise La Canne Vale et brevetée en 2012, est utilisée depuis quelques années par des producteurs pionniers, en France et dans le monde, qui voient dans cet outil une solution très prometteuse d’éclaircissage mécanique. L’outil peut être utilisé sur fleurs ou petits fruits sur plusieurs espèces. Son principal intérêt est un gain de temps par rapport à l’éclaircissage manuel. « Il faut compter 1h/ha, avec un éclaircissage manuel pour compléter à environ 30 h/ha, indique Denis Extrait, producteur d’abricots dans la Drôme. Là où on n’est pas passé avec la machine, il nous a fallu 250 h/ha d’éclaircissage manuel. » Depuis 2015, Eclairvale fait l’objet d’essais sur pommiers et poiriers au centre Ctifl de Lanxade, en Dordogne. Attelé au tracteur, l’outil est constitué d’un axe sur lequel 2 808 tiges semi-rigides en fibre de verre sont fixées. La rotation est assurée par la pénétration des tiges dans la végétation et l’avancement du tracteur. Le frottement des tiges sur les branches provoque la chute d’une partie des fruits. « Les vitesses lentes garantissent la bonne qualité du travail. Les vitesses élevées sur pommier permettent un éclaircissage plus efficace, mais augmentent le nombre de meurtrissures sur les fruits », assure Laurent Roche, du Ctifl, lors des rendez-vous de l’arbo, organisés par l’association Fruit plus, à Valence en décembre.
Un équilibre à trouver entre vitesse et taux de meurtrissures
Ainsi, lors d’un essai réalisé en juin 2017 à Lanxade, des passages d’Eclairvale ont été réalisés dans un verger de pomme Ariane au stade 35 mm, à trois vitesses différentes. Plus la vitesse est élevée, plus la part de corymbes à 1 ou 2 fruits est importante : de 61 % de corymbes à 1 ou 2 fruits dans le témoin non éclairci, cette part passe à 67 % après passage d’Eclairvale à 1,5 km/h, à 77 % à 2 km/h et à 89 % à 3 km/h. Mais alors que 95,5 % des fruits sont exempts de meurtrissures dans le témoin, ils ne sont plus que 94 % après passage d’Eclairvale à 1,5 km/h, 89 % à 2 km/h et 75,5 % à 3 km/h. L’équilibre doit donc être trouvé entre efficacité d’éclaircissage et nombre de meurtrissures sur les fruits. Sur les nouvelles versions d’Eclairvale, de nouvelles tiges ont fait leur apparition. Enrobées d’une gaine protectrice, elles doivent permettre de diminuer le nombre de meurtrissures. Trois versions différentes de tiges existent en fonction de l’espèce fruitière : pomme/poire, abricot/prune et pêche/nectarine. « Un point-clé de l’utilisation de cet outil est le stade auquel on intervient, prévient Laurent Roche. Chaque espèce et chaque variété ont un stade d’intervention propice. » Ainsi, les essais d’expérimentation et les retours d’utilisation des producteurs utilisateurs de la machine (voir l’avis de producteur) ont montré que pour Ariane sur fruits, le stade optimal d’intervention est de 35 mm. « Sur Gala, on n’a des bons résultats que si l’on intervient à 44-45 mm », expose Laurent Roche. Dans les vergers Riou dans le Gard, l’outil est passé sur abricotier et prunier sur fleurs soit à la fin du stade C jusqu’au stade E, ou au stade petits fruits entre 7 et 20 mm environ. Chez Denis Extrait, il a été passé sur abricots jusqu’à trois fois selon les variétés, du stade boutons blancs jusqu’au stade petits fruits d’environ 20 mm.
Une influence positive sur le calibre
L’Eclairvale ne peut pas tout faire. L’outil doit être intégré dans une stratégie globale d’éclaircissage pour optimiser les résultats. Les essais 2017 du Ctifl ont comparé les effets de plusieurs stratégies sur la production par arbre et à l’hectare, le nombre de fruits par arbre, le poids des fruits, la coloration et les meurtrissures, sur Buckeye® Gala Simmonscov. (voir encadré). Concernant la productivité, les modalités 3 (Darwin + chimique + manuel) et 5 (Eclairvale + manuel 1) ont montré de moins bons résultats : 55 t/ha - 19 kg/arbre pour la première et 60 t/ha - 21 kg/arbre pour la seconde. Les quatre autres modalités (1,2,4 et 6) ont affiché des productivités équivalentes, de l’ordre de 70 t/ha et 25 kg/arbre. La modalité 1 (chimique) se détache pour le nombre de fruits par arbre (233), tandis que les modalités 2 (chimique + manuel), 4 (Darwin + Eclairvale) et 6 (Eclairvale + manuel) donnent des résultats équivalents, entre 172 et 176 fruits/arbre. Si l’on considère le poids des fruits, « Eclairvale a une incidence positive sur le calibre », note Laurent Roche. Toutes les modalités qui intègrent une intervention de l’outil donnent plus de 80 % de fruits d’un poids compris entre 135 et 200 g. La modalité 3 (Darwin + chimique + manuel) est celle qui donne le plus de gros fruits (24 % de fruits supérieurs à 200 g), tandis que la modalité 1 (chimique) affiche le plus grand nombre de petits fruits (23 % de fruits entre 85 et 135 g).
Intégrer l’outil dans une stratégie d’éclaircissage
Le nombre de meurtrissures est aussi lié au nombre de passages de la machine. Deux passages d’Eclairvale entraînent environ 8 % de fruits avec une meurtrissure d’une surface supérieure à 1 cm², tandis qu’un seul passage limite à 4 % la part de fruits meurtris. L’outil a également une incidence positive sur la coloration des fruits. Par rapport à la modalité 1 (chimique), les modalités impliquant Eclairvale donnent des pommes Gala d’une coloration rouge plus intense. « Les résultats de ces essais montrent qu’une utilisation seule d’Eclairvale pour la maîtrise de la charge des pommiers est insuffisante, indique Laurent Roche. Mais intégré au sein d’une stratégie d’éclaircissage, l’outil montre de très bons résultats. L’association Darwin sur fleurs + Eclairvale sur petits fruits, dans une stratégie mécanique sans aucun éclaircissage manuel, est notamment très prometteuse ».
« Une stratégie d’éclaircissage 100 % mécanique, Darwin + Eclairvale, est très prometteuse. » Laurent Roche, Ctifl
Trois points clés pour utiliser Eclairvale sur fruits
1 La forme du verger
L’éclaircissage mécanique nécessite d’avoir des arbres au bon gabarit. Les formes serrées et plates, en mur fruitier, palmette ou Aximum® permettent une meilleure qualité d’éclaircissage avec Eclairvale. Sur vergers en gobelets, l’efficacité est moindre, mais son utilisation reste possible, comme dans les vergers Riou dans le Gard (cf. réfrences abricots du RFL n°369), où la machine a une certaine efficacité sur des abricotiers et pruniers en petits gobelets. « En gobelets plantés serrés, le résultat est très satisfaisant », confirme Denis Extrait, producteur d’abricots dans la Drôme.
2 La vitesse d’avancement
La vitesse de rotation des tiges est proportionnelle à la vitesse d’avancement du tracteur. Ainsi, plus le tracteur avance vite, plus la proportion de fleurs ou de fruits qui chutent est importante. Mais sur fruits, mieux vaut avancer à des vitesses lentes (moins de 5 km/h) pour éviter qu’il y ait trop de meurtrissures. Le nombre de passages est également un facteur d’augmentation de la présence de meurtrissures.
3 Le stade d’intervention
La proportion de fruits qui chutent dépend également du diamètre du fruit. Ce stade dépend non seulement des espèces travaillées, mais aussi des variétés. Il peut être très différent d’une variété à une autre. Par exemple, d’après les retours d’utilisation et les essais expérimentaux, le stade optimal pour commencer à utiliser Eclairvale en pomme de variété Ariane est de 35 mm, tandis qu’il est de 44 mm sur Gala.
Les stratégies d’éclaircissage évaluées sur Buckeye® Gala Simmonscov conduit en Aximum®
1. Chimique : Traitement ANA 150 g/hl + BA 375 ml/hl le 21 avril + Traitement BA 250 g/hl le 3 mai, sans éclaircissage manuel à l’exception des apex afin d’éviter la casse de branches fruitières
2. Chimique + manuel : Traitement décrit en 1 + Eclaircissage manuel
3. Darwin + chimique + manuel : Eclaircissage pré-floral avec Darwin (6 km/h, 300 tr/min) + Traitement décrit en 1 + Eclaircissage manuel
4. Darwin + Eclairvale : Eclaircissage pré-floral avec Darwin (6 km/h, 300 tr/min) + Eclairvale à 2 km/h au stade 44 mm
5. Eclairvale + manuel 1 : Eclairvale à 5 km/h au stade 32 mm + Eclairvale à 3 km/h au stade 44 mm + Eclaircissage manuel
6. Eclairvale + manuel 2 : Eclairvale à 2 km/h au stade 44 mm + Eclaircissage manuel
Un gain de temps énorme sur l’éclaircissage
« Nous sommes installés sur 65 ha de vergers, dont 38 de pommiers, 24 de pruniers d’Ente et 3 de noyers. Le passage en bio a débuté il y a dix ans et aujourd’hui, toute l’exploitation est en bio. L’éclaircissage est un des points les plus délicats de l’itinéraire technique et nous ne disposons pas des solutions chimiques utilisées en conventionnel. L’Eclairvale est utilisé sur pommes depuis l’an dernier sur jeunes fruits en complément du passage de Darwin en préfloral. Nous ne faisons pratiquement plus d’éclaircissage manuel. Quand nous avons commencé à nous servir de cet outil, qui n’était à l’époque qu’un prototype sur pommes, son utilisation optimale restait à découvrir, notamment le stade d’intervention et la vitesse d’avancement. Au début, nous avancions beaucoup trop vite, à 7-8 km/h, et beaucoup trop tôt en saison, ce qui entraînait trop de meurtrissures sur les fruits. En avançant à 2-3 km/h, l’éclaircissage est de qualité et reste bien plus rapide qu’un éclaircissage manuel. A cette vitesse, on retrouve très peu de meurtrissures sur les fruits. Il est aussi préférable d’avoir un verger plutôt plat comme le mur fruitier avec un excellent palissage, et d’éviter les ornières. Concernant le stade d’intervention, il y a un diamètre idéal de fruit pour lequel la pomme tombe, qui dépend des variétés. Pour Ariane, ce diamètre est de 35 mm. Nous ne maîtrisons pas encore son utilisation et beaucoup reste à découvrir, mais nous gagnons énormément de temps sur l’éclaircissage avec cet outil. Je pense qu’Eclairvale est un outil incontournable en bio mais il sera aussi une solution mécanique indispensable au conventionnel dans les années qui arrivent. »
La récolte en ligne de mire
Conçue initialement pour la maîtrise de la charge fruitière, Eclairvale montre un potentiel élevé pour la récolte des fruits. En particulier en filière transformation, où les meurtrissures qui touchent certains fruits ne sont pas un problème. Les productions de pomme à cidre, pomme, poire et abricot pour la transformation (jus, compote…) ou encore prune d’Ente, peuvent ainsi potentiellement utiliser Eclairvale en remplacement de la récolte manuelle.