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Serres : la lumière naturelle diffuse influence la croissance des cultures

L’apport de lumière naturelle sous serre peut être modulé pour améliorer la croissance des cultures. L’intérêt de la diffusion de la lumière est ainsi étudié en cultures maraîchères et horticoles.

Sans elle, pas de développement des plantes. La lumière est indispensable à la production agricole et les producteurs sous serre cherchent souvent à optimiser son apport. L’éclairage est une possibilité mais l’essentiel de la lumière reçue par les plantes provient du soleil et peut aussi être modulée. « La lumière naturelle sous serre est une notion assez nouvelle pour les stations d’expérimentation. Aujourd’hui, c’est une thématique qu’on travaille beaucoup », pose Oscar Stapel, Astredhor Loire Bretagne, institut technique des cultures horticoles.

En plus du spectre lumineux, qui qualifie la qualité de la lumière reçue par la plante, deux paramètres de la lumière naturelle sont essentiels : l’intensité (quantité de lumière reçue par la plante) et la diffusion. Cette notion décrit la part de lumière qui n’arrive pas directement du soleil, mais qui est déviée soit par les nuages, soit par des matériaux spécifiques constituant la serre, même quand le ciel est dégagé. Comme lors d’une journée nuageuse, les ombres sont alors faiblement marquées.

« Des recherches aux Pays Bas ont montré que sur des monocultures de type tomate, concombre ou poivron en serre verre high-tech, l’ajout de verre diffusant permettait d’augmenter le rendement de 5 à 10 % », indique David Vuillermet, Astredhor Auvergne Rhône-Alpes. Ces résultats ont été expliqués par le fait que la lumière diffusée grâce au verre diffusant est mieux répartie dans la serre et dans les cultures. Chez les cultures hautes, elle est plus homogène sur toute la hauteur du plant, ce qui induit une augmentation de la photosynthèse et donc de meilleures performances au niveau agronomique.

Une lumière plus homogène

Le projet FranceAgriMer Di’Light, lancé en 2018, cherche à déterminer si la lumière naturelle diffuse peut avoir un intérêt en horticulture ornementale, pépinière et maraîchage diversifié. Achevé en 2021, Di’Light a réuni les stations Astredhor horticoles du Ratho (Rhône) et de la Stepp (Côtes d’Armor) ainsi que la station maraîchère de la Serail (Rhône).

D’après la synthèse des résultats du projet sur les trois sites d’expérimentation, la lumière obtenue avec des matériaux diffusants est beaucoup plus homogène et mieux répartie dans la serre qu’avec des matériaux transparents (qui permettent une forte transmission lumineuse). « Avec un verre transparent, on voit des grosses différences d’intensité lumineuse au niveau spatial, expose David Vuillermet, lors d’un webinaire de présentation des résultats du projet. De plus, il y a une forte fluctuation de l’intensité tout au long de la journée, avec des pics et des creux de luminosité assez importants. Ces pics et creux sont aussi observés avec un verre diffusant mais sont beaucoup plus lissés. »

Autre phénomène observé sur les trois sites, les températures foliaires sont plus homogènes sous les matériaux diffusants. On peut aussi observer une baisse des températures foliaires, mais uniquement si les matériaux diffusants limitent la transmission lumineuse (comme c’est le cas avec un plastique diffusant par rapport à un plastique transparent).

Un meilleur rendement pour les tomates

En maraîchage, la Serail a testé l’impact de la lumière diffuse avec une serre plastique multichapelle en double paroi gonflable qui a accueilli pendant trois ans une succession de cultures basses (laitue, mâche, épinard) et hautes (tomate). Trois modalités ont été évaluées : une chapelle témoin avec une double paroi plastique transparente, une chapelle avec une double paroi plastique diffusante et une chapelle avec un film plastique diffusant positionné à l’extérieur et un film plastique transparent à l’intérieur.

« Nous avons mesuré les DLI en été pour chaque modalité, qui correspondent à la somme des intensités lumineuses reçues par la plante en une journée, raconte Alexandre Burlet, Serail. On note une perte de transmission lumineuse de -20 % sur la modalité double diffusant par rapport au témoin double transparent. Cette perte est de -10 % pour la modalité mixte. » Cette moindre transmission lumineuse s’est traduite en 2020 et 2021 par une perte de précocité de la modalité double diffusant et de la modalité mixte par rapport au témoin.

« Cependant, dès trois semaines de récolte, on a plus de tomates récoltées pour les modalités double diffusant et mixte, et de plus gros calibre : le rendement est donc plus élevé pour ces deux modalités », observe Alexandre Burlet. L’absence de blanchiment dans les trois modalités a peut-être pénalisé le témoin, par une transmission trop importante et des ombres portées trop marquées.

Compromis entre diffusion et transmission

Pour les légumes feuilles, le double film diffusant a semblé plutôt pénalisant. Dans la majorité des cas il y a eu une perte de précocité dans cette modalité qui s’est parfois traduite à la récolte. La première récolte d’épinard a ainsi été très pénalisée, mais les deux récoltes suivantes ont permis de rattraper cette perte de rendement. « Mais ça aurait pu être beaucoup plus pénalisant, toutes les années ne sont pas propices à faire trois récoltes d’épinard », prévient Alexandre Burlet.

Pour les laitues type batavia verte, l’incidence en termes de précocité sous le double diffusant s’est traduite en perte de poids frais au moment de la récolte. Les résultats étaient en revanche inversés pour les feuilles de chêne rouge, avec plutôt un meilleur comportement sous le double diffusant. En culture de mâche, il n’y a eu aucune incidence du double diffusant par rapport au témoin double transparent.

« Dans nos conditions de culture à la Serail, la modalité mixte semble être la meilleure, avec un bon compromis entre diffusion et transmission lumineuse, résume le spécialiste. Mais d’après des résultats du laboratoire Light Lab (Université de Wageningen), notre choix de montage des parois n’était pas le meilleur. L’inverse, avec un film diffusant positionné à l’intérieur de la serre et un film transparent à l’extérieur, aurait permis une meilleure transmission lumineuse, tout en diffusant la lumière comme un double diffusant. »

La lumière diffusée est mieux répartie dans la serre et dans les cultures.

Différents matériaux pour augmenter la diffusion

Les verres diffusants

 

© Astredhor
Ils sont obtenus par l’« impression » de différents motifs en relief (pyramidaux, prismatiques…) permettent d’augmenter l’hortiscatter. Ils présentent l’avantage de conserver une bonne transmission notamment grâce à des traitements antireflets.

 

Les films plastiques

 
© Serail
Les films plastiques comme le polyéthylène (PEHD) sont capables de diffuser la lumière. De manière générale, les films plastiques sont les matériaux qui permettent la plus forte diffusion, tandis que leur transmission est moins forte que celle du verre.

 

Les écrans et peintures

 

© Astredhor
Les écrans thermiques ou d’ombrage et les peintures ou coating constituent des solutions intermédiaires et modulables pour augmenter la diffusion. Le dosage des peintures peut être ajusté pour avoir plus ou moins de diffusion.

 

L’hortiscatter quantifie la diffusion

Pour quantifier la diffusion de la lumière, l’indicateur le plus ancien utilisé est le Haze (« brume » en français) : c’est la part de la lumière qui est déviée avec angle supérieur à 2,5° quand elle traverse le matériau. Les acteurs du projet Di’Light ont privilégié l’utilisation d’un indicateur plus récent, le F scatter ou hortiscatter, qui tient compte d’une vision 3D de la lumière au moment où elle traverse le matériau. Plus le pourcentage d’hortiscatter est élevé, plus la lumière est diffusée.

Avis d’expert : David Vuillermet, Astredhor, chef de projet Di’Light

« La transmission lumineuse doit être adaptée aux cultures »

« La diffusion permet de mieux répartir la lumière dans la serre et d’homogénéiser les températures foliaires. Notre hypothèse est que ces conditions vont donner des conditions de culture plus stables pour la plante, en termes d’accès à la lumière, de température et d’irrigation. La plante aura ainsi une activité de photosynthèse beaucoup plus stable dans le temps. Cela peut expliquer le gain agronomique (tomate) et qualitatif (horticulture) observé lors de nos essais.

Mais il faut aussi que la transmission lumineuse soit adaptée aux besoins de la production. Pour certaines productions comme les légumes d’hiver, si le gain de diffusion est obtenu au détriment de la transmission, cela peut avoir un effet négatif sur le rendement. Avant de réfléchir à améliorer la diffusion, il est donc très important de connaître le niveau de transmission de la lumière dans la serre.

De plus, les conditions de culture, saison et localisation géographique, ont leur importance. Si la lumière est déjà diffusée une grande partie du temps, en raison d’un temps nuageux par exemple, c’est que la transmission lumineuse est déjà un peu limitée. Augmenter la diffusion peut alors avoir un effet négatif. Enfin, l’effet de la diffusion dépend des espèces végétales, et même des variétés au sein d’une même espèce, comme l’ont montré des travaux aux Pays Bas. »

Changer le spectre lumineux

En horticulture ornementale, la compacité des plantes est une caractéristique recherchée. Elle peut être obtenue en adaptant le spectre lumineux de la lumière naturelle. « On a testé dans les stations Astredhor des filtres lumineux qui permettent de changer le ratio rouge/rouge lointain, indique Oscar Stapel, Astredhor Loire-Bretagne. Ces filtres absorbent en grande partie le spectre du rouge lointain. » Le rapport rouge/rouge lointain est ainsi considérablement augmenté.

 
Cette couverture plastique verte augmente le rapport rouge/rouge lointain dans le spectre solaire. © Astredhor

Avec ces filtres, les plantes obtenues étaient plus compactes dans la majorité des taxons horticoles. La densité de chlorophylle était plus élevée, les plantes présentaient plus de ramifications et nécessitaient moins de traitements avec des régulateurs de croissance. Les filtres ont néanmoins eu une incidence sur la précocité de la floraison, avec une floraison tardive au printemps, et plus précoce en automne chez les chrysanthèmes. La date de plantation des cultures doit donc être adaptée en fonction du filtre lumineux.

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