Des outils pour simplifier les décisions
Les outils d’aide à la décision se multiplient. Mais peu sont actuellement utilisables à l’échelle d’une exploitation, faute d’avoir tous les capteurs pour une collecte simple d’informations sur l’exploitation.


« Un outil d’aide à la décision (OAD) est censé faciliter la vie de son utilisateur », résume Christophe Guizard, de l’'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (Irstea). Un outil d’aide à la décision est donc un document ou un équipement qui permet à l’agriculteur ou au conseiller de prendre plus facilement une décision à partir d’une information en partie analysée. Il en existe une grande diversité. Ils vont du code couleur Ctifl, pour décider de la date de cueillette, à des modèles informatiques complexes prévoyant les vols d’un insecte spécifique (cf. page 54) selon des données météorologiques. « Ils ne sont pas tous destinés au même public, précise Christophe Guizard. Selon l’utilisateur, l’information doit être plus ou moins digérée ». Plus l’utilisateur est expert, plus il va souhaiter avoir de l’information brute, pour compiler lui-même des informations. Moins l’utilisateur est averti, plus il y aura besoin d’agréger des données pour donner une information simple et compréhensible. « C’est là le frein majeur du développement d’OAD à destination des producteurs, analyse Olivier Naud. chercheur à l’Irstea. Pour donner une information opérationnelle, il est nécessaire d’agréger beaucoup de données. Or pour obtenir cette information à l’échelle d’une exploitation, il est nécessaire d’avoir beaucoup de capteurs et/ou que le producteur saisisse des données ». Pour qu’un producteur saisisse ses données, il faut de l’efficacité dans le logiciel de saisie. « Cela demande un gros travail de conception informatique », précise Christophe Guizard. Comme à l’échelle d’une filière ou d’un territoire de nombreuses données agronomiques existent et ont été agrégées par les centres techniques, la plupart des OAD sont actuellement plus à destination des conseillers. C’est le cas des OAD modélisant le développement de ravageurs et maladies. « Au vu du nombre de modèles que nous devons gérer et de ceux en développement, nous avons fait le choix de les destiner aux conseillers, explique Jérôme Vibert, du Ctifl. Ils n’ont pas une utilisation assez simple pour permettre à un producteur de les utiliser. Ils demandent un apprentissage pour être utilisés et l’intégration d’autres informations, comme les résultats d’un réseau de piégeage, pour interpréter les sorties du modèle ».
Les OAD vont changer la façon d’être agriculteur
L’un des espoirs pour lever ces freins de saisie de données, c’est le crowdsourcing. « Ce sont des outils collaboratifs, où chaque utilisateur fournit volontairement de la donnée », explique Christophe Guizard. « Le système Epi- cure, développé en vigne, en est un des exemples. Il permet une surveillance d’un territoire basée sur la remontée d’informations des producteurs ». Mais ces systèmes posent la question de propriété des informations. « Il faut que les agriculteurs aient la capacité d’être maîtres de leur données », note Olivier Naud. De plus en plus d’OAD sont développés. « Et cette tendance va perdurer, voire s’accroître avec l’ère de l’agriculture de précision », précise Anne-Sophie Poisson, de l’Inra d’Angers, dans son rapport de mission pour le GIS Fruits. « Beaucoup d’outils sont encore à concevoir. Mais je crois vraiment que l’utilisation des OAD va changer la façon d’être agriculteur, se projette Christophe Guizard. Les OAD ne sont qu’une première étape vers l’automatisation. Par exemple, il existe des systèmes qui tracent l’usage des produits phyto automatiquement dès que l’agriculteur sort le produit du local phyto. A sa sortie, le produit est reconnu. Ensuite, on pourrait imaginer qu’il soit dosé automatiquement lors de son introduction dans un pulvérisateur. Et les informations sur cette intervention phytosanitaire seraient écrites directement sur un cahier de culture informatisé ». Mais selon le chercheur, les OAD n’ont pas vocation a remplacer l’expertise mais plutôt à la compléter. Celle-ci s’acquiert avec le temps. « Mais les OAD peuvent apporter des informations à l’échelle d’un territoire par exemple, qu’un expert ne pourrait pas obtenir sans l’outil », continue-t-il. Finalement, les OAD ont surtout pour objectif de simplifier et sécuriser des tâches pour que les producteurs puissent passer plus de temps sur d’autres activités.
OAD, une définition en trois mots
Pour comprendre ce qu’est un OAD, chaque mot à son importance. L’« outil » se conçoit pour un usage précis. Le mot « aide », signifie que l’outil ne renseigne pas sur une action à mener mais donne plutôt une information, une donnée analysée. « C’est pour moi le mot le plus important, renchérit Olivier Naud, chercheur à l’Irstea. Un OAD donne la possibilité à l’utilisateur de contextualiser une mesure, une donnée en intégrant des informations qui lui sont propres. C’est là où un OAD va plus loin qu’un outil de prédiction ou de simulation ». Enfin, le mot « décision » signifie que l’action qui découle de cette information reste humaine. Si certaines tâches peuvent être automatisées, la prise de décision d’action est laissée à l’opérateur contrairement à des systèmes totalement automatisés, comme certains systèmes d’irrigation.