Comment évolue le marché du biocontrôle ?
Le marché du biocontrôle continue de progresser, mais à un rythme très variable selon les cultures, les types de produits ou encore les pays. Certaines marges de progression doivent permettre d’obtenir le changement d’échelle espéré par la filière.
En 2022, le biocontrôle a atteint en valeur les 10 % du marché de la protection des plantes, soit une part qui a doublé en huit ans (5 % en 2014). « Nous maintenons l’objectif de voir le biocontrôle dépasser les 30 % du marché de la protection des plantes à l’horizon 2030 », déclare Joëlle Sfeir, directrice marketing et développement à UPL et vice-présidente d’IBMA France, lors des 10es Rencontres du biocontrôle, au Sival 2024. Un cap ambitieux, que l’association des entreprises du biocontrôle entend atteindre grâce aux marges de progressions identifiées.
« Au sein des cultures spécialisées, on a un écart d’utilisation, avec par exemple 90 % des surfaces de verger de fruits à pépins qui sont concernées par la confusion sexuelle, contre seulement 14 % en vigne », souligne Joëlle Sfeir. En termes d’usages, l’objectif d’IBMA France est que 50 % des surfaces agricoles soient couvertes par au moins deux produits de biocontrôle à mode d’action complémentaire. Aujourd’hui, il est estimé que 25 % des surfaces le sont.
Des enquêtes auprès de 10 000 agriculteurs
La part de marché du biocontrôle en France est estimée chaque année par Kinetect, leader mondial des études de marché agricoles : des informations sur le commerce des biostimulants, des produits de protection des plantes, des fertilisants et des semences sont collectées annuellement à partir d’enquêtes auprès de 10 000 agriculteurs.
« On peut mesurer le marché du biocontrôle en valeur ou en termes de surfaces, explique Christophe Jounaux, responsable commercial Europe chez Kinetect. Derrière cette part de marché, on isole deux critères importants que sont la pénétration et la concentration. La pénétration mesure la part des utilisateurs de phytos qui utilisent des produits de biocontrôle, en nombre d’individus, mais aussi en surface ou en valeur. La concentration indique, chez les utilisateurs de biocontrôle, la part que représente cette utilisation parmi leur usage global de produits phytosanitaires. Quand on multiplie ces deux indicateurs, on obtient la part de marché. »
Ainsi, le taux de pénétration du biocontrôle a atteint 50 % des surfaces en 2023, avec un rythme d’évolution assez soutenu de 1,7 point par an. Cela signifie que la moitié des surfaces agricoles ont été concernées par une utilisation de biocontrôle. La pénétration, donc le gain de nouveaux utilisateurs, est actuellement le principal vecteur de l’augmentation de l’utilisation du biocontrôle.
Un léger tassement de la concentration
En termes de concentration, le biocontrôle représente 21,6 % des usages phytosanitaires des agriculteurs utilisateurs de biocontrôle. « Le rythme de croissance de cet indicateur est un peu moins soutenu, + 0,51 point par an, souligne Christophe Jounaux. On constate un léger tassement de la progression de la concentration sur l’année 2022-2023 ». Autre enseignement des études de marchés, le segment des biofongicides a un poids relatif plus important sur l’augmentation des surfaces concernées par le biocontrôle.
Si on considère la valeur, c’est plutôt le segment des insecticides de biocontrôle qui a un poids plus important. « Les filières vigne et arboriculture ont un peu le même comportement en matière d’utilisation du biocontrôle, décrit Christophe Jounaux. Leurs taux de pénétration sont très importants et se rapprochent de 100 %. Leurs concentrations respectives continuent de progresser. Pour les cultures légumières, sous abri et plein champ confondus, le taux de pénétration se situe aux alentours de 40 %, et est assez stable depuis quelques années. »
Au niveau mondial, le commerce du biocontrôle pourrait atteindre un poids de 15 milliards de dollars en 2030. Aux États-Unis et au Canada, il représente 2 097 millions de dollars, tandis qu’en Europe, il est de 1 542 millions de dollars. Suivent l’Amérique latine (1 231 millions de dollars), l’Asie-Pacifique (1 182 millions de dollars) et l’Afrique (146 millions de dollars).
Un changement de paradigme au Brésil
« La croissance du biocontrôle n’est pas la même pour tous les pays, décrit Massimo Toni, du cabinet d’étude et de conseil américain DunhamTrimmer, spécialisé dans les biosolutions. Aux États-Unis et en Europe, l’évolution du biocontrôle se tasse un peu et se dirige vers une croissance annuelle à un chiffre. Dans d’autres pays, comme le Brésil, l’expansion du biocontrôle est phénoménale, jusqu’à 30 à 35 % par an ». La progression de l’Amérique latine est telle qu’on s’attend à ce qu’elle dépasse l’Amérique du Nord avant la fin de la décennie.
Qu’est ce qui explique le succès du biocontrôle dans cette région du monde ? « Il y a eu un changement de paradigme, explique Massimo Toni. Au Brésil, il était auparavant difficile d’homologuer des produits. Il fallait compter cinq à six ans en moyenne. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus rapide, un à deux ans maximum. Le biocontrôle est soutenu par les autorités, il y a des subventions. De plus, on retrouve des solutions pour les grandes cultures et le traitement des semences, en soja en particulier, comme les bionématicides et les bioinsecticides ». Aux États-Unis, selon le spécialiste, l’apparition de nombreuses innovations, nouveaux produits et solutions de biocontrôle est également facilitée par une voie réglementaire plus simple et dédiée. « Avec un bon dossier de base, on estime qu’en 18 mois on peut obtenir l’homologation », indique Massimo Toni. L’accès au marché est en revanche plus difficile dans ce pays, avec la présence de très gros acteurs pour la distribution des produits de biocontrôle.
Les micro-organismes, un succès hétérogène
Les produits de biocontrôle à base de micro-organismes sont en forte croissance dans le monde. Ils représentaient en 2021 environ 40 % du total du biocontrôle (en valeur) et devraient atteindre 47 % en 2019. Au Brésil, ils dépassent 50 % des volumes. Mais leur succès n’est pas le même en Europe, où ils atteignent rien que 15 % de la valeur totale du biocontrôle. Et encore plus en France, avec seulement 8 % en 2022. « Il y a un énorme potentiel de croissance pour cette catégorie de produits », observe Massimo Toni, du cabinet d’étude DunhamTrimmer. Un autre segment du biocontrôle a un poids relatif plus important en France que dans le reste du monde : il s’agit des substances naturelles et des médiateurs chimiques, qui représentent 62 % du biocontrôle dans notre pays, contre 52 % à l’échelle mondiale.