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Carotte : des systèmes de culture innovants évalués pour diminuer l'utilisation de pesticides

Le projet AlterCarot vise à co-construire, évaluer et diffuser des systèmes légumiers agroécologiques innovants, en rupture, incluant la carotte, et n’utilisant des pesticides qu’en ultime recours.

Le projet AlterCarot a démarré en 2019, pour une durée de six ans. Porté par Carottes de France, il réunit quatre autres partenaires : INRAE, Invenio, le Sileban et l’Unilet. « Les objectifs du projet sont de réduire les IFT de 60 % sur l’ensemble de la rotation et sur la culture de carotte en particulier, tout en maintenant des systèmes économiquement viables », précise Emilie Casteil, chargée de mission à Carottes de France. Par ailleurs, afin d’anticiper les éventuelles évolutions réglementaires sur la durée du projet, les partenaires s’interdisent l’utilisation des matières actives susceptibles d’être retirées du marché ou pouvant faire l’objet de fortes restrictions dans les prochaines années.

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La Normandie et la Nouvelle-Aquitaine sont les deux principaux bassins français de production de carotte pour le marché du frais où sont menées les expérimentations d’AlterCarot. Cinq systèmes de culture (SdC) innovants, en rupture, ont été co-conçus puis validés lors de la première année de projet. « En sus des objectifs généraux du projet, chacun de ces SdC répond à un jeu d’objectifs et de contraintes adaptés à chaque contexte de production : maîtrise des rendements, du temps de main-d’œuvre, respect de cahiers des charges, prise en compte des possibilités d’investissement… », explique la chargée de mission.

Les deux SdC normands sont situés au sein du bassin légumier du Val de Saire, sur les parcelles de la station d’expérimentation du Sileban, sur des limons sablo-argileux. Les rotations sont caractéristiques de cette zone de production (céréales, carotte, chou-fleur, poireau). Les trois SdC aquitains sont situés dans les sols sableux du sud de la Gironde, chez des producteurs adhérents d’Invenio. Les rotations sont constituées de maïs, carotte et pomme de terre, haricot vert ou poireau.

Trois grands types de bioagresseurs telluriques

« AlterCarot cible les trois grands types de bioagresseurs telluriques les plus courants sur les systèmes étudiés : adventices, champignons pathogènes et nématodes », mentionne Emilie Casteil. Ces deux derniers sont parfois multi-hôtes (Sclerotinia, Pythium, Rhizoctonia, Phytophthora megasperma…) ou spécifiques de la culture (Heterodera carotae, Phytophthora dauci…). Les bioagresseurs aériens sont travaillés en parallèle. Au total, 35 leviers sont mobilisables, en combinaison, afin d’agir sur le stock d’inoculum, d’atténuer les dégâts en culture ou d’éviter les bioagresseurs.

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Dans tous les SdC, un raisonnement pluriannuel basé sur la prophylaxie est mis en œuvre sur les parcelles du projet. En Normandie par exemple, les choix de rotation sur cinq ans permettent l’incrémentation de plantes de services (sorgho, couverts d’interculture) avec une volonté de couverture maximale de sol ou l’apport de matières organiques favorables à la structure des sols pour un sol de culture battant (compost, fumier…).

En Nouvelle-Aquitaine, le désherbage est géré sur la rotation par la combinaison du désherbage mécanique sur toute la rotation, l’utilisation du biocontrôle (acide pélargonique), l’écimage, la localisation des traitements chimiques, la mise en place de plastiques occultants sur les inter-rangs et sur les flancs de butte en culture de carotte primeur, le binage sur le rang à l’aide du Colibri en culture de carotte de saison. Le désherbage manuel peut également être mobilisé lorsque nécessaire (70 h/ha sur carotte primeur en 2021).

Transfert des acquis vers les producteurs

En cours de culture, les facteurs de développement de bioagresseurs, comme l’irrigation ou la fertilisation, sont raisonnés. Les résultats observés sur ces deux premières années d’expérimentation sont encourageants. Ils permettent d’envisager un aménagement serein des règles de décisions pour les prochaines années. Des résultats ont déjà favorisé un transfert de certains acquis du projet AlterCarot vers les producteurs.

Action du plan Ecophyto piloté par les ministères en charge de l’Agriculture, de l’Ecologie, de la Santé et de la Recherche, avec l’appui technique et financier de l’Office français de la Biodiversité
Projet labellisé PICLèg.

Résultats positifs pour la parcelle de carotte normande

En Normandie, les systèmes de cultures du projet AlterCarot sont basés sur les rotations céréales, carotte, chou-fleur, poireau, caractéristiques de cette zone de production. Parmi les résultats remarquables en Normandie en 2019, une conduite de poireau en zéro herbicide (et 50 h/ha de sarclage manuel) a été permise par l’utilisation de matériels de binage inter et intra-rang, dans des conditions climatiques très favorables. La baisse d’IFT de 85 % par rapport à la référence n’a pas impacté la gestion du désherbage et des bioagresseurs telluriques.

Un IFT nul en chou-fleur

Le rendement commercial faible, de 37 t/ha, s’explique principalement par un déclassement lié aux maladies du feuillage. Cette même année, les deux parcelles en chou-fleur d’hiver ont été conduites avec un IFT nul (hors IFT biocontrôle) et des rendements commercialisables de 12 500 à 13 000 têtes/ha. La première parcelle de carotte normande a été mise en place en 2020. Les résultats, tant d’un point de vue du rendement (48 t/ha) que de la baisse d’IFT (>70%) sont positifs. La gestion de l’enherbement a été satisfaisante tout au long de la première partie de la saison grâce à des actions de binages.

En revanche, une forte pluviométrie et des conditions de parcelles particulièrement hydromorphes ont compliqué le suivi parcellaire à partir de fin septembre. Ainsi, l’apparition de premiers symptômes de maladies mettant en péril la conservation au champ, les carottes ont été récoltées dès le mois de décembre. Par ailleurs, le système racinaire des choux-fleurs a été asphyxié par excès d’eau. Leur rendement a ainsi été très affecté. La variété de poireau d’hiver choisie s’est montrée très sensible au mildiou et a été « submergée » par la maladie malgré un bon comportement face à la rouille.

 

Baisse d’IFT satisfaisante en Nouvelle-Aquitaine

En Nouvelle-Aquitaine, les rotations du projet AlterCarot sont constituées de maïs, carotte et pomme de terre, haricot vert ou poireau. Sur la culture de haricot vert de 2019, l’absence de traitement fongicide et la substitution partielle des traitements insecticides par du biocontrôle ont favorisé une baisse d’IFT de près de 30 % par rapport à la référence. Toutefois, la forte pression de morelles a nécessité l’application de traitements chimiques en rattrapage suite à l’impasse faite en post-semis pré-levée, et ce, malgré le désherbage mécanique (herse et binage).

Attaques précoces d’Alternaria et d’oïdium

Le rendement agronomique (16 t/ha) et la gestion des bioagresseurs sont satisfaisants, malgré une augmentation sensible des dégâts d’Héliothis par rapport à la référence. L’amélioration des règles de décision dans le cadre d’une nouvelle culture de haricot vert en 2022 laisse présager une baisse d’IFT plus significative. La double culture de carotte implantée en 2020 en Nouvelle-Aquitaine a été marquée par des attaques précoces d’Alternaria et d’oïdium, sur la campagne primeur, impliquant des traitements chimiques supplémentaires et une baisse d’IFT limitée par rapport à la référence (35 %).

La carotte de saison a été implantée tardivement, début août, favorisant un salissement de la parcelle, correctement maîtrisé par la suite grâce à l’utilisation du Beloukha et du désherbage mécanique, sans avoir à recourir au désherbage manuel. La baisse d’IFT (50 %) est satisfaisante. Les résultats économiques, avec des rendements de respectivement 64 t/ha et 45 t/ha sur les créneaux primeurs et saisons, et les résultats agronomiques, avec une bonne maîtrise des bioagresseurs, sont positifs.

 

Rédaction Réussir

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