" Face au changement climatique, nous faisons plus de stock à base d'herbe, luzerne et méteil "
À l'EARL Bossis, en Charente-Maritime, les vaches ne pâturent pas. L'assolement a été diversifié avec de la luzerne, des méteils et du sorgho grain.
À l'EARL Bossis, en Charente-Maritime, les vaches ne pâturent pas. L'assolement a été diversifié avec de la luzerne, des méteils et du sorgho grain.
Les terres de l'EARL Bossis, à Le Gua en Charente-Maritime, sont situées en bordure de marais sur des sols argilo-calcaires très superficiels (15 cm de profondeur) et quelques parcelles sablonneuses. L'exploitation est donc très sensible aux sécheresses, qui peuvent être longues en été, mais aussi marquées au printemps et en automne. À l'inverse, les terres sont portantes en basse saison. La ferme compte 140 hectares de prairies naturelles, mais les vaches laitières ne les pâturent pas à cause d'un manque d'accessibilité. Elles sont valorisées en pâturage et en fauche par les vaches taries, les génisses et les vaches allaitantes. Les laitières ont une même ration toute l'année à base de maïs ensilage, méteil et ray-grass d'Italie ensilé, foin de luzerne et céréales fermières (blé, orge, maïs, sorgho). Le correcteur azoté est acheté. L'objectif est de faire produire aux vaches 8 000 l/VL. En 2018, la production a baissé, surtout en été du fait de la chaleur, et à cause d'une qualité médiocre de l'ensilage de ray-grass d'Italie.
" En cinq ans, nous n'avons pas acheté de fourrage ; notre objectif est d'être autonome, résume Benoît Bossis, un des deux associés. Pour sécuriser le système, nous avons diversifié les cultures avec des méteils, du sorgho grain nain et de la luzerne, que mon père avait arrêté de cultiver pour des raisons de travail. Nous avons doublé le troupeau laitier, mais la surface en maïs ensilage s'est maintenue à 12 hectares ; donc la part du maïs ensilage sur la surface fourragère et dans la ration a baissé." La diversification permet d'étaler les dates de semis et de récolte, donc les risques liés aux aléas climatiques.
Du maïs et du sorgho à double fin pour servir de tampon
L'EARL irrigue très peu et devrait irriguer encore moins à l'avenir. Ainsi la surface en maïs pourrait baisser et se cantonner aux surfaces encore irrigables et les plus profondes. " Je vais de plus en plus vers des maïs à double fin : ensilage ou grain. Je choisis en fonction de mes stocks d'herbe, méteil, luzerne et dérobées. La priorité est de réussir ces stocks. Et j'ajuste avec le maïs. " Pour assurer les stocks d'herbe et de luzerne, il faut saisir les opportunités pour faucher et récolter aux bons moments, ce qui exige d'avoir une bonne disponibilité du matériel. L'EARL est équipée en propre et en Cuma (double équipement pour la fauche) et les charges de mécanisation sont relativement élevées.
Il y a toujours un méteil avant le maïs ou le sorgho. " Même si ça pénalise un peu le rendement du maïs (10 à 14 tMS/ha), ça fait du stock dès le printemps (5 tMS/ha avec 15 à 19 de MAT). "
Le sorgho a été développé pour se substituer au maïs sur les terres non irrigables. C'est une variété grain nain qui peut aussi être à double fin. " Je suis satisfait de cette plante, mais j'espère que le progrès génétique permettra d'améliorer le rendement. La contrainte, c'est quand le faux semis ne fonctionne pas, le désherbage est compliqué. Je sème à 60 cm d'écartement (le maïs aussi), mais ça ne suffit pas à limiter le salissement. "
De la luzerne semée sous couvert
" Nous avons développé la luzerne à fond, car c'est elle qui s'en sortira le mieux avec le changement climatique ", souligne Benoît Bossis. Avec 17 hectares de luzerne en pur, l'EARL est au maximum pour que la luzerne ne revienne que tous les 8-10 ans dans une même parcelle. Les luzernières restent en place trois à quatre ans. Les rendements sont satisfaisants par rapport à un maïs : 10 tMS/ha en quatre coupes en 2018. " On aurait pu en faire une cinquième, mais il nous manquait du temps. " Mais tout n'est pas rose. Tous les sols ne s'y prêtent pas. Il y a des attaques de sitone. " Du temps des grands parents, ils conduisaient sans problème la luzerne sans traitement . C'est peut-être un effet du changement climatique ", s'interroge l'éleveur.
La luzerne est le plus souvent en pur. " Je n'essaye pas l'association avec le dactyle car je n'ai pas envie que celui-ci prenne le dessus, et parce que la luzerne pure peut être désherbée chimiquement en cas de besoin."
Cette année, Benoît Bossis a semé de la luzerne fin février dans une orge de printemps semée en janvier. " Une fois l'orge battue, la luzerne prendra la place. Je sème aussi la luzerne dans les pois protéagineux qui sont récoltés en juillet. On évite ainsi de semer la luzerne en fin d'été quand le risque de sécheresse est maximal. On profite d'une première coupe dès la première année, et d'une deuxième année d'exploitation normale. "
Des méteils fermiers riches en protéines
Avant, le méteil c'était plus de graminées et moins de légumineuses. Aujourd'hui, c'est l'inverse : 60 kg d'avoine, 70 kg de féverole, 50 kg de pois et 30 kg de vesce. " Mon objectif est de faire à la fois du volume (5 tMS/ha) et de la qualité (15 à 19 % de MAT) ; je déclenche la fauche quand la vesce arrive en fleur. Le méteil vaut le coup économiquement parce que je fais mes semences fermières depuis cette année. Je suis à 60 €/ha de coût de semence, contre 200 € quand j'achetais tout. " Du ray-grass d'Italie valorise les parcelles hydromorphes en ensilage (12-14% de MAT), avec deux fauches avant l'été. En 2018, l'EARL a ensilé les deux ensemble (silo à 15,5 de MAT).
Le bâtiment des vaches laitières est ancien et saturé. Benoît Bossis a un projet de nouveau bâtiment, un peu plus loin, avec des parcelles directement accessibles. " Ainsi, je pourrai faire pâturer les laitières. " Et avec des logettes au lieu d'une aire paillée : " j'aurais moins besoin de paille et ça chauffera moins ". Mais ça, c'est une autre histoire.
Chiffres clés
Les possibilités d'irrigation se réduisent
L'EARL se prépare à se passer au maximum de l'irrigation. Déjà aujourd'hui, elle est limitée au maïs, à raison de deux tours d'eau (600 m3/ha) pour sécuriser la récolte. Aujourd'hui, l'exploitation dispose d'un volume maximum prélevable dans la nappe de 19 000 m3 et 16 000 m3 dans un autre îlot. " En 2021, mon quota de 19 000 m3 sera réduit de 80 %, précise Benoît Bossis. J'ai décidé de ne pas adhérer au projet de réserve collinaire à cause des frais élevés : 100 €/ha. Je pars du principe que je n'arroserai plus sur cette zone ; avec les restrictions d'irrigation l'été, il vaut mieux que je ne compte pas sur les 20 % restants de mon quota. "