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En finir avec les courants électriques parasites

Face aux interrogations des éleveurs sur les origines et les conséquences des courants parasites, l’interprofession laitière a élaboré un guide du diagnostic électrique. Cet outil de référence servira à tous les intervenants pour une meilleure sécurité des installations électriques en bâtiments d’élevage.

Des vaches nerveuses à la traite, qui s’abreuvent en lapant, qui délaissent certaines zones du bâtiment… Des courants électriques parasites peuvent être la cause de cet inconfort et de ces stress pour les animaux. Pour s’en assurer et trouver les points faibles de son installation, le Cniel a bâti un guide du diagnostic électrique des installations de traite. Cet outil de référence est destiné aux intervenants en élevage. Grâce à des formations et à un protocole de contrôle, synthétisé par une application et une fiche d’intervention, il permet à tous les éleveurs de bénéficier d’une vérification exhaustive de leur installation de traite. Ce guide a été élaboré avec des professionnels de l’électricité, de la traite, du bâtiment et de la santé animale, comme Jean-Luc Kergosien, du Crocit Bretagne (Comité régional d’organisation des contrôles des installations de traite). « Depuis 2006, à la demande des éleveurs qui suspectaient des dysfonctionnements électriques, nous proposons un diagnostic électrique lors du contrôle de l’installation de traite », retrace-t-il. Si, dans un premier temps, le contrôle se focalise sur l’installation de traite, c’est que s’y concentrent 85 % de la consommation électrique, de l’humidité et beaucoup de parties métalliques. Tous les facteurs à même d’engendrer des courants parasites.

Un protocole en trois niveaux

La première étape d’un diagnostic de l’installation électrique est la vérification de l’installation électrique autour du bloc de traite. En deux heures, le technicien va contrôler le tableau électrique, les disjoncteurs, les interrupteurs différentiels, les circuits électriques. « D’abord, leur intégrité, ce qui n’est pas toujours le cas, remarque Jean-Luc Kergosien. Puis leur fonctionnement, comme celui des différents appareils électriques. Par exemple, la pompe à vide peut avoir des variations de fréquence qui crée des parasites électriques. » Le bon fonctionnement de la prise de terre sera aussi vérifié. « On teste la prise de terre pour voir si elle évacue bien les défauts électriques. » Pour vérifier les tensions de contact dans la salle de traite, le spécialiste relie une plaque conductrice, posée au sol, aux masses métalliques. Il voit alors s’afficher sur son voltmètre les tensions issues des courants de défaut que perçoivent les vaches. « Sur une zone, on voit les à-coups électriques engendrés par une « fuite » sur une clôture, une pompe à vide, ce qui explique que les vaches n’aiment pas cet endroit », témoigne Jean-Luc Kergosien. Même éloigné, l’électrificateur des clôtures peut engendrer des perturbations dans le bâtiment. « Le courant retourne toujours à la source qui l’a généré. En cas de fuite dans une clôture, si le bâtiment est entre l’électrificateur et la clôture, ça créera un courant parasite. » Sur les 62 contrôles électriques faits lors d’un Certitraite en Bretagne en 2018, « la moitié ont révélé un problème de liaison équipotentielle, 40 % une mauvaise valeur de la prise de terre », souligne le spécialiste.

Selon les résultats de cette première vérification, le technicien pourra proposer une inspection approfondie et élargie des installations électriques. Sur une demi-journée, il examinera tous les circuits électriques de l’exploitation, les sources d’alimentation, les prises de terre et dispositifs différentiels, l’électrificateur, afin d’avoir une vision exhaustive des dysfonctionnements et donc, des mesures correctives à apporter. En cas de problèmes plus conséquents, la troisième étape du diagnostic sera la recherche approfondie de courants parasites.

De multiples origines

Les courants parasites ou vagabonds se créent par l’influence des champs électromagnétiques produits par des appareils électriques sous tension sur des masses métalliques.

Ils peuvent survenir en cas de défaut de mise à la terre. Par exemple, sur une machine à traite mal reliée à la terre, le courant va se propager dans le sol et les structures métalliques. Les courants de fuite proviennent, eux, de la perte d’isolation d’appareils vieillissants ou d’installations défectueuses. Transmis par le sol humide et les structures métalliques, ils engendrent des différences de potentiel. Quand la vache entrera en contact avec l’un de ces éléments conducteurs, par exemple un abreuvoir, elle recevra une décharge électrostatique.

Ces courants peuvent aussi avoir des sources extérieures, comme les réseaux électriques. Les lignes à haute tension peuvent générer, jusqu’à 300 m, des champs électromagnétiques pouvant interagir avec les structures métalliques à proximité et provoquer l’apparition de courants parasites. De même pour des panneaux photovoltaïques.

Dans la conception de son installation électrique, il faut tenir compte de la grande sensibilité des vaches aux courants parasites, avec une mise à la terre efficace et des disjoncteurs différentiels très sensibles.

Une installation électrique bien pensée

C’est dès la conception de son bâtiment qu’il faut protéger son troupeau des courants parasites. La première étape est de relier les treillis métalliques du béton à la prise de terre, de même pour tout ce qui est tubulures. « Ainsi tout est au même potentiel, car c’est la différence de potentiel qui engendre des problèmes », explique Jean-Luc Kergosien, du Crocit Bretagne. Une liaison équipotentielle est satisfaisante lorsque la résistance entre deux points ne dépasse pas 2 ohms pour la sécurité des personnes et 0,2 ohm pour les vaches laitières. Il faut être particulièrement vigilant en cas de charpente métallique. Toutes les liaisons de mise à la terre d’un bâtiment doivent lui être raccordées via une « barrette de terre ». La résistance de la prise de terre devra être faible (inférieur à 18 ohms) pour que la terre soit le chemin privilégié des courants vagabonds. Il faudra bien en choisir l’emplacement, entre autres vis-à-vis de l’électrificateur des clôtures. Une boucle de cuivre « à fond de fouille », enterrée autour du bâtiment, complétera le dispositif. « Elle permettra aux courants de fuite de s’évacuer en périphérie sans traverser le bâtiment », précise le spécialiste.

Les dispositifs différentiels (disjoncteurs différentiels, interrupteurs différentiels) permettent de couper tout ou partie d’une installation du réseau électrique en « ouvrant le circuit » lorsque des courants de fuite ou de défaut sont détectés. Ces dispositifs doivent être sensibles, avec un déclenchement dès une intensité de 30 mA en milieu humide « pour détecter plus finement des problèmes. Cela disjonctera plus facilement, ce qui indiquera qu’il y a un défaut dans le fonctionnement électrique. » Ne restera plus qu’à le trouver !

Avis d'éleveur : Gaétan Auffray, éleveur à Poullaouen (29)

« Un diagnostic pour s’assurer que tout fonctionne bien »

 

 

" J’ai fait réaliser fin octobre un diagnostic électrique par le Crocit. Après douze ans de fonctionnement, mon premier robot de traite était en fin de course, j’en ai installé un nouveau. J’ai voulu m’assurer que tout était correct. Le diagnostic a montré que la prise de terre du bâtiment ne fonctionnait pas correctement. Cela a été corrigé et depuis, tout fonctionne bien. Je ne sais pas quelle est la part due au changement de matériel et celle due à la fin des courants parasites que l’ancien robot semblait créer, mais le niveau de cellules s’améliore de mois en mois. Quand il y a un problème de cellules, les problèmes électriques sont souvent la dernière chose que l’on vérifie. Pourtant, ils peuvent nuire à la santé des vaches. Faire vérifier son installation permet d’éliminer une partie des problèmes en corrigeant les défauts électriques. »

Pourquoi les vaches sont-elles aussi sensibles ?

Les vaches sont vingt fois plus sensibles aux courants parasites que les humains. Leur résistance électrique est évaluée entre 500 à 1 000 ohms, contre 1 000 à 5 000 ohms pour l’homme.

C’est notamment dû à leur plus faible résistance interne, par exemple entre leurs pattes et leur museau humide, en contact avec des éléments métalliques comme les abreuvoirs et les cornadis. Avec quatre pattes en contact avec des surfaces souvent humides, sans bottes, elles ressentent plus les tensions de pas. « Les vaches sont plus perturbées par un courant aléatoire que continu, qui leur donne des impressions de châtaignes. Comme ça peut être le cas quand une pompe à lait est mal isolée, souligne Jean-Luc Kergosien. Les courants parasites ne vont pas provoquer de mammites ou d’autres maladies, mais, comme ils sont sources de stress et d’inconfort, ils peuvent fragiliser les vaches, les rendre plus sensibles à un problème de santé. »

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