Egalim 2 va bouleverser la mise en marché des porcs
La promulgation récente de la loi de protection de la rémunération des agriculteurs, appelée aussi Egalim 2, va avoir des répercussions importantes sur la rémunération des producteurs de porcs.
La promulgation récente de la loi de protection de la rémunération des agriculteurs, appelée aussi Egalim 2, va avoir des répercussions importantes sur la rémunération des producteurs de porcs.
Avec la nouvelle loi Egalim 2, les contrats écrits entre un agriculteur et son premier acheteur deviennent la norme pour une durée de trois ans au minimum. Ils devront comporter une formule de révision automatique des prix et se baser sur « un ou plusieurs indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture et à l’évolution de ces coûts ». En porc, cet indicateur existe depuis trois ans. Il est géré par l’interprofession Inaporc et servira de base à tout contrat. « Le contrat devra également inclure le surcoût de la castration par rapport à la production de mâles entiers », revendique François Valy, le président de la fédération nationale porcine (FNP). Dans le cadre de la contractualisation, c’est l’abatteur qui est considéré comme le premier acheteur. Le contrat sera donc établi entre l’éleveur et lui. « Ce seront les OP qui mèneront les négociations. Mais dans le Grand Ouest, nous poussons fortement pour que ce soit l’AOP qui le fasse au nom des dix groupements amont qui la composent », explique le syndicaliste.
Les mâles castrés dès 2022
La loi prévoit une mise en application de la contractualisation « à compter d’une date fixée par décret, pour chaque filière, et au plus tard le 1er janvier 2023 ». Un premier décret publié le 29 octobre dernier a avancé cette date au 1er janvier 2022 pour plusieurs productions animales dont les porcs mâles castrés. Son application se traduira concrètement au mois de juin prochain, quand les premiers porcs charcutiers nés en 2022 arriveront sur les chaînes d’abattage. Pour la production de mâles entiers, la loi s’appliquera à la date butoir, un an plus tard.
Toute la production ne sera pas contractualisée
Une série de dérogations sont prévues par la loi. Un accord étendu interprofessionnel ou un décret « pris après concertation avec les organisations interprofessionnelles compétentes » pourra exempter certains produits ou catégories de produits concernés de contractualisation sous forme écrite. Dans la filière porcine, les porcs vendus au Marché du porc breton ne pourront logiquement pas être soumis à cette contractualisation. « Ce sera la seule échappatoire pour un abatteur qui ne voudra pas contractualiser ses approvisionnements », explique François-Régis Huet, membre du bureau de la FNP. Ce qui laisse à penser que Egalim 2 pourrait paradoxalement provoquer une forte hausse du nombre de porcs vendus au MPB.
Un tunnel de prix possible dans les contrats
Le texte prévoit une expérimentation pour une durée de cinq ans d’un tunnel de prix dans les contrats entre les producteurs et leurs premiers acheteurs. Concrètement, les parties « conviendront de bornes minimales et maximales » entre lesquelles le prix pourra varier en fonction de ses modalités de détermination ou de révision. Un décret définira les produits agricoles concernés. La filière bovine est la première à actionner cette clause.
Les aléas sanitaires pris en compte
La loi souligne aussi que « en cas d’aléa sanitaire ou climatique exceptionnel indépendant de la volonté des parties, aucune pénalité ne peut être imposée à un producteur ne respectant pas les volumes prévus au contrat ». Les parlementaires ont également décidé la création d’un comité de règlement des différends agricoles qui pourra arbitrer un litige entre un producteur et son acheteur, à la différence du médiateur qui n’a pas ce rôle d’arbitre. De plus, les clauses d’alignement concurrentiel « ayant pour effet une renégociation ou une modification automatique du prix liée à l’environnement concurrentiel », comme les connaît la filière laitière, seront désormais interdites.
Sanctuarisation de la matière première agricole
En remontant la chaîne alimentaire, les matières premières agricoles sont désormais « sanctuarisées » : elles deviennent non négociables lors des négociations commerciales annuelles entre la grande distribution et ses fournisseurs. Pour y parvenir, l’industriel devra rendre transparent le coût de ses achats de matières premières dans les conditions générales de vente qu’il envoie à son client. Pour cela, il disposera de trois options non hiérarchisées : la transparence totale par l’indication des prix unitaires des matières premières, la transparence via l’agrégation des matières premières ou encore par le biais d’un tiers de confiance qui viendrait justifier la hausse ou la baisse du tarif et sa proportion sur la matière première agricole.
Avis d'expert : François-Régis Huet, membre du bureau de la FNP
« Nous avons tous les outils nécessaires pour appliquer cette loi »