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Du colostrum vite et beaucoup !

La qualité du colostrum n’est pas une fin en soi. Une bonne gestion du colostrum, c’est un tout : délai, volume et qualité. Résultats d’une étude sur le transfert d’immunité de 98 veaux laitiers.

Comment sont appliquées les recommandations sur le colostrum par les éleveurs ? Quels résultats obtiennent-ils en matière de transfert d’immunité et comment peuvent-ils progresser ? Il existe peu d’études en France sur le sujet. Cela a conduit le laboratoire MSD Santé Animale à proposer une thèse, réalisée par Jonathan Gourdon de l’école vétérinaire de Nantes Oniris. L’étude a été menée entre février et mai 2021 dans 16 élevages bovins dont huit élevages laitiers(1). Les éleveurs ont récolté à chaque vêlage des échantillons de colostrum et noté les modalités de buvées (délai des 1re et 2e buvées, leur volume, leur mode de distribution…). Une prise de sang a par ailleurs été réalisée sur les veaux entre 2 et 8 jours de vie. Les échantillons de colostrum et de sang ont été analysés pour déterminer leur concentration en anticorps (IgG).

Un effet significatif de la supplémentation en minéraux

En moyenne sur les 98 colostrums des huit élevages laitiers enquêtés, la concentration en IgG est de 55 g/l avec un écart type de + ou – 28 g/l. « En moyenne, on est proche de la recommandation de 50 g/l, mais les résultats sont très disparates, constate-t-il. Le moins bon des colostrums dosés est inférieur à 20 g/l et le meilleur à 180 g/l ! Les vaches supplémentées en minéraux pendant la préparation au vêlage ont produit un colostrum de qualité significativement supérieure à celui des vaches non supplémentées. En revanche, l’étude ne met pas en évidence de différence de qualité du colostrum entre les primipares (35) et les multipares (63).

23 % veaux en dessous du seuil de 10 gIgG/l

Quant au transfert d’immunité aux veaux, le taux moyen d’anticorps dans le sang est de 15,5 g IgG/l avec un écart type de 8 g/l. Là aussi, les résultats sont très variables. Près d’un quart des veaux sont en dessous du seuil de 10g/l utilisé habituellement pour juger de la qualité du transfert. Si l’on relève le seuil à 15 g/l, plus de la moitié sont en dessous ! « Certains veaux sont même en dessous de 5 g/l, d’autres à l’inverse sont à plus de 25 g/l, souligne le jeune vétérinaire en précisant que la variabilité du transfert entre les veaux est observée dans tous les élevages.

Un lien fort entre buvée précoce et transfert de l’immunité

L’étude confirme le lien entre la qualité du colostrum et le transfert d’immunité, ainsi qu’un lien entre une buvée précoce (dans les 3 premières heures) et le transfert. En revanche, ce qui peut surprendre, elle ne met pas en évidence de lien significatif entre le volume de buvée et le transfert. Ceci peut s’expliquer par le fait qu’un nombre important (32 % ) des veaux sont laissés avec leur mère après la première buvée. Une autre explication peut venir des modalités de gestion du colostrum des élevages : « l’un d’eux par exemple donne systématiquement 4 litres à la sonde lors de la première buvée, mais la majorité des veaux boivent trop tard 6-7 heures après vêlage voire plus : ils ont perdu une grosse part de leur capacité d’absorption, » détaille-t-il. La bonne gestion du colostrum, c’est un tout. Elle ne passe pas seulement par une mesure : c’est une gestion globale en termes de délai de buvée, de volume, de qualité de colostrum. »

Des « ratées » au niveau du transfert dans tous les élevages

Toutefois, même avec des pratiques de gestion du colostrum optimales, tous les veaux de l’élevage n’ont pas forcément un bon transfert. « Il peut y avoir des ratées liées à la capacité individuelle des veaux à absorber les anticorps, précise-t-il. Mais une bonne gestion permet de limiter au maximum le risque de défaut de transfert. »

Une autre étude publiée en 2020 fixe d’ailleurs de nouveaux objectifs au niveau du transfert d’immunité : elle propose de classer les veaux d’un élevage en quatre catégories par rapport à des taux d’IgG dans le sang : -10 g/l, 10 à 18 g/l, 18 à 25 g/l, +25 g/l. « L’enjeu pour l’éleveur est de limiter le nombre de veaux dans la catégorie -10 g/l », souligne Jonathan Gourdon. Dans l’étude, deux éleveurs laitiers ont moins de 10 % de veaux dans cette catégorie -10g/l : le premier grâce à une très bonne qualité du colostrum, le deuxième davantage par ses pratiques : la qualité du colostrum y est un peu moins bonne mais les veaux boivent plus rapidement. « La qualité du colostrum n’est pas une fin en soi. On peut compenser une qualité moyenne par une bonne gestion colostrale : si le veau boit rapidement et en quantité, il peut être capable d’absorber suffisamment d’anticorps. »

Mesurer l’impact d’un changement de pratiques

« Chaque élevage, dans l’étude, est perfectible, conclut-il. Cela passe par la prise de conscience du fonctionnement du veau ». Si le veau doit boire vite, c’est parce que la capacité d’absorption des anticorps au niveau de l’intestin diminue très rapidement : à 12 heures de vie, elle a diminué de moitié et à 24 heures, elle est quasiment inexistante ! « Apporter du colostrum après 24 heures peut avoir un intérêt pour apporter une immunité locale au niveau intestinal, mais il n’y a plus de transfert au niveau du sang », insiste-t-il.

Des réunions de restitution ont été organisées avec les éleveurs et leur vétérinaire. Chaque éleveur a reçu un bilan avec les points forts/points faibles de son élevage et des recommandations personnalisées. La majorité d’entre eux sont partants pour faire évoluer les pratiques et participer à une deuxième année d’étude. Son objectif final de l’étude est de mesurer l’impact d’un changement de pratiques sur les résultats de l’élevage. « Ils ont envie de progresser et de voir les effets de leurs efforts. »

Annick Conté

(1) 80 à 150 vaches en majorité en traite robotisée - Elevages de la clientèle de la clinique de la forêt (49) avec au minimum 12 vêlages sur la période.

Le saviez-vous ?

La gestion du colostrum ne joue pas seulement sur les premiers jours de vie. Elle a un impact important sur la carrière future des animaux. Des études nord-américaines montrent clairement qu’il y a une influence de la qualité du transfert immunitaire sur les performances futures. Un défaut de transfert entraîne deux à trois fois plus de risque de déclarer une maladie, des retards de croissance, un âge plus tardif de mise à la repro, et une production laitière en première lactation plus faible.

Pour une bonne gestion du transfert immunitaire

- Apporter une supplémentation minérale lors de la préparation au vêlage ;

- Séparer précocement le veau de la mère (pas de contrôle du volume/moment/qualité) ;

- Apporter du colostrum très rapidement (moins de 3 h) ;

- Donner le maximum de colostrum (3-4 l) à la première buvée ;

- Tester la qualité des colostrums avec un réfractomètre.

De meilleurs résultats en allaitant

Dans l’étude, la qualité du colostrum des huit élevages allaitants est deux fois supérieure à celle des huit élevages laitiers : 99 g IgG/l contre 55 g/l. Plusieurs facteurs interviennent notamment l’effet races et une production moindre donc plus concentrée de colostrum. Le transfert immunitaire est lui aussi meilleur : 19 g IgG/l dans le sang contre 15,5 g/l. À noter aussi que tous les élevages allaitants enquêtés vaccinent les mères contre les diarrhées néonatales avec une visée préventive. Seulement trois des huit éleveurs laitiers les vaccinent.

 

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