Des expérimentations pour booster le produit viande des élevages laitiers
En reprenant la ferme expérimentale des Bouviers, à Mauron dans le Morbihan, l’Institut de l’élevage se dote d’un outil supplémentaire pour la recherche et l’innovation autour de la production de viande issue du troupeau laitier.
En reprenant la ferme expérimentale des Bouviers, à Mauron dans le Morbihan, l’Institut de l’élevage se dote d’un outil supplémentaire pour la recherche et l’innovation autour de la production de viande issue du troupeau laitier.
Pour la bonne santé économique des exploitations laitières, le produit viande devrait apporter un complément non négligeable. Or la France a du retard dans la valorisation de la viande issue de son troupeau laitier. Alors qu’elle est importatrice nette de viande bovine, les veaux laitiers mâles sont mal valorisés, les réformes pas toujours finies. Pour trouver de nouveaux débouchés et apporter des références techniques actualisées, l’Institut de l’élevage s’est doté d’un nouvel outil expérimental, en reprenant la ferme expérimentale des Bouviers.
Imaginer des filières pour trouver de la valeur
Quand, faute de moyens, la chambre régionale d’agriculture de Bretagne a voulu arrêter la recherche appliquée sur ce site de Mauron en Bretagne, les différents acteurs de la filière laitière se sont mobilisés pour lui assurer un avenir. « Cette station était opérationnelle pour mener des travaux autour de l’engraissement des bovins, notamment dans des schémas accordant une large place au pâturage », souligne Martial Marguet, le président de l’Institut de l’élevage. « Il y a une attente forte des producteurs, confirme Thierry Roquefeuil, président de la FNPL. Le produit viande est un levier pour améliorer les revenus de nos exploitations. Nous avons besoin de références technico-économiques actualisées pour imaginer, en organisations de producteurs, les filières de demain en veaux, en vaches de réforme. »
Optimiser la finition des réformes
Grâce aux 60 hectares et aux 250 places d’engraissement de la ferme des Bouviers, trois axes de recherche sont travaillés. Tous dans l’optique de ramener plus de valeur ajoutée par un produit viande améliorée. Comme ça peut être le cas en finissant mieux ses réformes. 30 % des vaches de réforme ne sont pas suffisamment finies avant abattage. En passant d’un état 1 à une vache en état 3, on gagne au moins 65 kilos de viande. « Si toutes les réformes étaient finies, cela représente un gisement potentiel de 17 000 t eqC, chiffre Frédéric Guy, le nouveau responsable de la station des Bouviers. Soit 15 % de l’écart entre la production et la consommation. En finissant mieux les réformes, les éleveurs y gagnent et la France réduit ses importations. »
Un premier essai sur 90 Montbéliardes a permis de comparer trois régimes : un régime témoin avec maïs à volonté, un second à base aussi d’ensilage de maïs, mais rationné pour répondre à leurs besoins théoriques, et un troisième avec 50 % ensilage de maïs et 50 % d'ensilage d’herbe. Après une finition de 98 jours, les vaches avaient atteint un poids de carcasses entre 362 et 371 kilos. Les trois régimes ont montré une marge brute très proche, autour des 176 euros par vache. Un deuxième essai est en cours avec 40 Holstein, pour confirmer l’intérêt, si on a des ressources fourragères, de finir ses réformes.
Des bœufs croisés abattus vers 16-17 mois
C’est aussi du côté des veaux qu’il y a des améliorations à trouver. Face à la faible valorisation des petits veaux mâles, des pistes sont explorées pour la production de viande rouge à partir de croisés viande, conduits en bœufs abattus vers 16-17 mois. « Nous cherchons à produire des carcasses légères, autour des 300 kilos, mais bien finies pour répondre aux attentes de la restauration hors domicile », explique Clément Fossaert, ingénieur d’études. Sept types génétiques (des Holstein croisés avec du Limousin, du Charolais, de l’Inra 95, de la Blanc Bleu Belge, de l’Angus, des Normands et des Normands croisés avec du Limousin) et différents programmes alimentaires sont testés, mais toujours avec une large place pour l’herbe « qui a l’intérêt de contenir le coût de production et de répondre aux attentes sociétales. Que la finition soit à l’auge ou à l’herbe, nous devons obtenir une régularité des carcasses pour répondre aux attentes de la transformation », souligne Clément Fossaert.
Le troisème axe est de mieux valoriser les veaux mâles à faible valeur bouchère, notamment les veaux jersiais.
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Bientôt des veaux de boucherie
Pour aller jusqu’au bout de la logique, l’Institut de l’élevage devrait prochainement transférer sur le site de Mauron les expérimentations en élevage de veaux de boucherie, jusque-là conduites au Rheu en Ille-et-Vilaine. À Mauron, les travaux se poursuivront autour des nouveaux modèles de production, intégrant mieux les demandes sociétales.
Valoriser les veaux mâles à faible valeur bouchère
Deux types d'expérimentations sont menés avec des veaux jersiais mâles croisés.
Une piste pour trouver de la valeur ajoutée est celle de la valorisation des veaux mâles à faible valeur bouchère, notamment les veaux jersiais. « Certes, ils représentent moins de 1 % des naissances mais leur nombre a été multiplié par 2,5 entre 2013 et 2019 », explique Jean Jacques Bertron, ingénieur à l’institut de l’élevage.
1 - Des essais sont en cours pour la production de JB de 18 à 21 mois en tenant compte des différents croisements pratiqués, avec des races laitières comme à viande. Les croisés s’en sortent mieux que les Jersiais purs. Qu’ils soient croisés avec une race laitière ou à viande, les veaux affichent un GMQ de plus de 800 g/j alors que les Jersiais ne sont qu’à 600 grammes.
2- Les chercheurs se penchent aussi sur la production de veaux rosés, nourris avec de la féverole et du maïs, en graines entières. « Un type de concentré facile à produire sur son exploitation, adapté également aux systèmes bio », argumente Jean Jacques Bertron. L’objectif est un abattage vers 7-8 mois, pour rester dans l’appellation veaux, tout en arrivant à des carcasses de 100 kg pour un débouché vers la restauration hors domicile. Là encore, les croisés s’en sortent mieux, avec des croissance jusqu’à 900 grammes pour les croisés avec des races laitières, alors que les Jersiais purs sont à 477g/j et devraient avoir du mal à atteindre un poids vif de 160 kg à l’âge de 6 mois.
« Pour mieux valoriser ses veaux, il faut travailler pour un débouché et faire ses choix en conséquence dès l’IA », souligne Marie-Andrée Luherne, présidente de l’association de pilotage de la station.