[De conseiller à éleveur ] « J’applique chez moi mes conseils pratiques »
Aux confins du Cantal et de l’Aveyron, Matthieu Fages a repris l’exploitation familiale en 2011 après avoir été salarié à Bovins Croissance Cantal. Il est depuis administrateur de ce même organisme.
Aux confins du Cantal et de l’Aveyron, Matthieu Fages a repris l’exploitation familiale en 2011 après avoir été salarié à Bovins Croissance Cantal. Il est depuis administrateur de ce même organisme.
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« Je me suis installé en 2011 sur l’exploitation familiale où mon père et mon oncle étaient en Gaec », explique Matthieu Fages, à la tête d’un cheptel salers à Montsalvy dans le sud-ouest du Cantal, après avoir été technicien bovin croissance pendant 5 ans dans ce département. Côté formation, après un bac pro, puis un BTS Productions animales au lycée agricole de Brioude Bonnefont en Haute-Loire, Matthieu a enchaîné sur un certificat de spécialisation (CS) bovins viande à Bernussou dans l’Aveyron.
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« J’ai toujours eu l’intention de reprendre la ferme familiale, mais je voulais aussi faire autre chose avant de m’installer. J’ai terminé mon cursus en mai 2006 et un mois plus tard je démarrais mon activité de salarié », souligne le jeune éleveur de 37 ans. « Pendant cinq ans, j’ai eu une cinquantaine d’élevages en suivi, principalement en châtaigneraie (sud-ouest du Cantal) et dans l’ouest du département avec environ deux tiers d’éleveurs salers et un tiers d’éleveurs limousins. » Et de souligner le côté très formateur de cette expérience professionnelle. « Cela m’a permis d’élargir mon horizon à d’autres systèmes de production. »
Depuis les élevages strictement naisseurs situés dans des zones par force 100% herbagères jusqu’aux élevages plus favorisés côté altitude et potentiel agronomique avec une part parfois importante d’engraissement ou de repousse. « Cela a été une expérience très enrichissante au cours de laquelle j’ai conforté mon bagage technique. Il y a toujours des idées à prendre dans les autres élevages. C’est un cursus que je ne peux que conseiller aux futurs installés. »
Et Matthieu d’insister sur la saine émulation technique au sein de l’équipe des huit technicien(ne)s de Bovins Croissance Cantal, efficacement managés par Bernard Lafon, alors directeur de la structure. « J’ai beaucoup appris avec eux. A côté de la pesée et du pointage, le conseil technique apporté aux adhérents a évolué vers davantage de suivi alimentation. Constater que des élevages que l’on a en suivi ont conforté leurs résultats techniques en seulement quelques années est toujours gratifiant. »
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Et de se remémorer également la bonne ambiance de travail avec, entre autres, quelques fêtes mémorables lors de soirées organisées à l’issue des concours ou des ventes en station d’évaluation. « J’y serai bien resté deux ou trois années supplémentaires, mais le choix de mon oncle d’anticiper légèrement son départ en retraite en a décidé autrement. »
Eleveur depuis déjà dix ans
Dix ans après son installation, Matthieu Fages est à la tête d’une exploitation individuelle avec 70 vêlages salers par an sur 81 hectares d’herbe et 6 de céréales avec un parcellaire réparti sur deux sites à une altitude comprise entre 650 et 800 mètres, majoritairement situé dans le Cantal et incluant à cinq kilomètres une trentaine d’hectares dans l’Aveyron. « J’ai délibérément choisi de ne pas augmenter surfaces et cheptel. Il est tout à fait possible de dégager un revenu sur une ferme de ce type. »
Le principal investissement au moment de l’installation a été la construction d’une stabulation de 70 places pour les femelles suitées. Jusque-là, les vaches étaient réparties dans plusieurs petits bâtiments et une partie d’entre elles étaient hivernées en plein air. « J’ai muri le plan quand j’étais salarié en analysant surtout les erreurs à ne pas commettre. » Autre investissement plus modeste : une bascule d’occasion. « Peser régulièrement est indispensable. Impossible de bien suivre ses animaux sans cet outil. J’engraisse toutes les réformes et une partie des mâles qui sont commercialisés par le groupe Altitude. Cela vaut le coup de chercher à mettre un maximum de valeur ajoutée. Tout se calcule et s’anticipe. Mon passé de technicien m’a fait évoluer pour la conduite du cheptel avec un travail de fond sur la composition des rations. »
Mise en pratique des conseils techniques
La conduite demeure des plus classiques pour un système salers de la Châtaigneraie avec mise en pratique des conseils techniques divulgués pendant les années de salariat. « Je suis autonome côté fourrages avec un stock composé de deux tiers de foin et un tiers d’enrubannage. Je mets un peu plus de 70 femelles à la reproduction avec pour objectif un maximum de vêlages en décembre puis mise à l’herbe de 60 vaches suitées réparties en trois lots. Je préfère faire vêler en bâtiment, mais je ne me lève jamais la nuit. Et je ne veux pas de caméra ! »
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Côté viande, l’objectif est de maximiser la proportion des vaches de boucherie valorisées en label rouge en évitant de réformer des vaches de plus de dix ans. « L’an dernier, j’étais en moyenne à 4,30 euros par kg de carcasse pour les vaches label dans une fourchette de 390 à 460 kg C et une moyenne de 435 kg par tête. » Ce marché est analysé comme plus attractif et surtout plus régulier que celui des animaux d’élevage. Ce débouché concerne malgré tout une dizaine de velles par an et quelques mâles. Adepte du croisement pour les 15 à 20 femelles les moins intéressantes pour faire naître le renouvellement ou pour les vaches destinées à être réformées peu après leur vêlage, Matthieu Fages gère ce volet uniquement par IA. « Je fais inséminer en Blanc bleu les vaches dont j’anticipe la date de réforme. Je les mets à l’engraissement quelques mois avant leur vêlage. Cela me permet de vendre le veau et sa mère le même jour. Pour ces veaux vendus à trois semaines, les croisés BBB sont mieux valorisés que des croisés charolais : 450 euros les meilleurs mâles. Quand les veaux sont vendus en broutards, le croisement charolais est préférable avec des veaux globalement plus réguliers.»
Affiner la gestion du pâturage
Un travail de fond est mené depuis trois ans sur la gestion du pâturage. « On a toujours fait du pâturage tournant, mais rien de précis ni de rationnel. J’ai affiné la technique avec un meilleur redécoupage pour que les lots ne restent pas plus de cinq à six jours dans chaque paddock avant de passer au suivant. » La bonne herbe favorise des croissances plus autonomes. La nouveauté 2021 réside dans la mise en place du vêlage à deux ans des 14 génisses de renouvellement. « J’ai mis tout le lot à la reproduction. Chez moi c’est tout ou rien ! Lors des pesées, je me rendais compte qu’elles avaient le poids requis. Je vais avoir deux générations de primipares l’hiver prochain : des 2 ans et des 3 ans. Mais ce n’est pas plus mal. Je pourrai accentuer la pression de sélection sur les multipares. Je l’analyse aussi comme un atout pour conforter le bilan carbone de mon élevage. » Un des points faibles est la non autonomie en paille. « Il m’en faut environ 80 tonnes par an. J’en produit à peine la moitié. »
De salarié à administrateur
Avec un cheptel inscrit au herd-book, Matthieu Fages est resté en suivi Bovins Croissance mais il est également devenu un des administrateurs de la structure après en avoir été le salarié. « J’apprécie de pouvoir bénéficier des avis d’un œil extérieur. Je laisse toujours Claire Serieyssol, ma technicienne, travailler seule quand elle pointe mes veaux. Il est préférable d’être seul à ce moment-là, sinon cela déconcentre. Je parle par expérience ! Je préfère passer du temps à commenter les chiffres. C’est nettement plus instructif. »
Mieux valoriser les mâles salers
La valorisation des mâles est un sujet récurrent en race salers.
Matthieu Fages vend les quelques croisés qu’il fait naître autour de 420 kilos payables comme la plupart des autres éleveurs du département. Pour les purs, l’objectif est de chercher à les finir en travaillant pour cela avec le groupe coopératif Altitude. Ce fut une nouvelle fois le cas l’an dernier en plein marasme sur le maigre. « J’avais début novembre un lot de huit veaux d’un poids vif moyen de 420 kg. Ils m’auraient été réglés 1,9 euro du kilo vif. J’ai préféré les finir avec une ration associant un très bon foin additionné d’une quantité croissante d’aliment (4 kg/tête de début novembre au 1er janvier, puis 5 kg jusqu’au 1er mars pour finir à 6 kg à l’abattage le 15 avril. Ils m’ont été réglé 3,75 euros du kilo à une moyenne de 370 kg carcasse. D’après mes calculs, cela m’a permis une marge de 289 euros/tête comparativement à une vente en maigre. »
Pour autant, Matthieu Fages n’hésite pas à faire des essais avec le groupe Altitude pour chercher d’autres initiatives pour chercher à pallier la mauvaise valorisation des broutards salers. « Cet hiver, j’ai castré à l’élastique 14 veaux peu après leur naissance. » Leur prix a été contractualisé dès le départ à un tarif forcément plus intéressant que celui pratiqué pour de purs salers l’an dernier. Ils seront vendus au sevrage à un poids objectif d’un peu plus de 350 kg. Ils sont destinés à un engraisseur de l’Ouest, lequel cherche à produire des bœufs légers avec ces bouvillons maigres.