Cryptoblabes gnidiella : comment lutter contre ce ravageur de la vigne ?
Des solutions, efficaces si elles sont bien positionnées, existent contre Cryptoblabes gnidiella. La difficulté reste la date d’intervention. Des recherches vont être engagées pour mieux connaître la biologie du ravageur.
Apparue en France il y a dix ans, la pyrale du daphné (Cryptoblabes gnidiella) poursuit son expansion dans le Sud-Est. Plusieurs solutions de contrôle sont aujourd’hui disponibles. Sauf contre-indication, les spécialités homologuées sur tordeuses de la vigne sont utilisables sur Cryptoblabes gnidiella. Les viticulteurs utilisent notamment Affirm, à délai avant récolte (DAR) de sept jours, qui convient bien à Cryptoblabes qui arrive tard, attiré par le sucre ; les vols significatifs ayant lieu à partir de début juillet. « Il faut des pièges à phéromones dans chaque cépage et intervenir tout début véraison, puis à nouveau le 15-20 août pour les cépages tardifs, précise Cyril Cassarini, de la chambre d’agriculture du Gard. L’efficacité peut atteindre 70 à 80 %. Cela implique toutefois du temps pour la pose des pièges et l’observation des vols. Et malgré cela, on passe parfois à côté des pontes. »
Une difficulté majeure est de détecter le début des pontes. « L’observation des vols ne traduit pas systématiquement la dynamique de population », regrette Marc Guisset, de la chambre d’agriculture des Pyrénées-Orientales. « Les œufs, petits, transparents sur les pédicelles verts et cachés dans la grappe, sont difficiles à observer », constate Nicolas Constant, référent national bio à l’IFV. Une autre difficulté est d’atteindre les œufs dans la grappe. La chambre d’agriculture des Pyrénées-Orientales a testé un traitement avant la fermeture de la grappe. « L’idée est d’emprisonner le produit dans la grappe, mais la difficulté reste de détecter les pontes », note Marc Guisset. Une autre solution est le Spinosad. « Les études montrent l’importance d’un gros volume d’eau, de 200-300 litres par hectare, pour un bon recouvrement », précise Cyril Cassarini.
Bacillus thuringiensis et trichogrammes en biocontrôle
Des solutions de biocontrôle sont également disponibles. Bacillus thuringiensis, sans DAR, est relativement efficace. « L’efficacité peut atteindre 50 %, observe Cyril Cassarini. Mais cela implique de passer chaque semaine à partir du début véraison et est donc contraignant et coûteux. » Là encore, la difficulté est le positionnement des apports au moment de la ponte. Autre solution : les trichogrammes. Tricholine Vitis, à base de trichogrammes, est autorisé sur Cryptoblabes gnidiella, avec une efficacité annoncée de 60 %. Les préconisations sont un apport 30 à 45 jours avant la date prévue de récolte. Les trichogrammes étant des organismes vivants, il est conseillé d’attendre deux à trois semaines après un traitement insecticide ou soufre pour faire les apports.
« Les trichogrammes, compatibles avec le Bacillus, sont intéressants, analyse Cyril Cassarini. Il faut les positionner fin juillet, puis renouveler l’apport une ou deux fois. » « Avec deux insecticides puis des lâchers de trichogrammes, on peut espérer 60-70 % d’efficacité », rapporte pour sa part Marc Guisset.
Une autre possibilité est la confusion sexuelle, avec la solution Cryptotec, de la société espagnole SEDQ, vendue en France par la SA Magne, dans l’Aude. La confusion (400 diffuseurs par hectare), est à installer en mars-avril. « Les résultats sont variables », informe Marc Guisset. « La technique peut être intéressante, mais alors qu’eudémis ne vole pas très loin, Cryptoblabes peut s’accoupler hors de la parcelle puis revenir à la véraison, les femelles étant donc alors déjà fécondées », met en garde Cyril Cassarini.Un projet de recherche a été déposé
En bio, la confusion est utilisée en complément du Bacillus, du Spinosad et des trichogrammes. En conventionnel, les viticulteurs pratiquent en général deux apports d’insecticide complétés par du Bacillus en fin de saison et parfois des trichogrammes. Le positionnement des traitements est souvent empirique. Un projet de recherche a donc été élaboré pour mieux connaître la biologie de Cryptoblabes, son expansion et les moyens de le contrôler. Le projet, qui réunit de nombreux partenaires (IFV, Inrae, chambres d’agricultures Languedoc-Roussillon et Paca, Grab, Inter bio Corse…) a été déposé mi février dans le cadre d’un appel à projet Casdar. S’il est retenu, il devrait s’étaler de fin 2023 à fin 2026. « Un objectif essentiel sera de mieux connaître la biologie de Cryptoblabes gnidiella pour cadrer les périodes de vol et préciser les périodes d’intervention », dévoile Nicolas Constant.
Un autre axe sera d’aider les viticulteurs à reconnaître les différents lépidoptères présents au vignoble. L’identification des facteurs de risque sera également au programme tout comme le développement d’une stratégie de lutte intégrée basée notamment sur du biocontrôle. « Dès 2024, des tests devraient être réalisés avec les solutions actuelles ou de nouvelles solutions pour acquérir des références, affiner les techniques et évaluer leur intérêt économique », précise Nicolas Constant.
Un ravageur en expansion en France
Apparu il y a dix ans sur le pourtour méditerranéen, Cryptoblabes gnidiella s’étend peu à peu des zones littorales vers l’intérieur des terres. Il est désormais très présent dans le Gard, l’Aude, les Pyrénées-Orientales, le Var, le Vaucluse. « Dans les Pyrénées-Orientales, les niveaux d’infestation sont désormais équivalents à ceux d’eudémis », insiste Marc Guisset. Les dégâts varient selon les années, mais les pertes peuvent être très élevées et les conséquences qualitatives importantes.« En 2022, l’infestation n’a pas été très forte, sans doute parce que Cryptoblabes aime la chaleur mais aussi l’humidité, explique Cyril Cassarini. Les observations montrent aussi qu’il y en a moins après un hiver rigoureux. » En 2022, Cryptoblabes gnidiella a été détecté à Châteauneuf-du-Pape et potentiellement dans la Drôme, à Gaillac, en Nouvelle-Aquitaine. « Un axe important du projet de recherche sera donc de comprendre ses déplacements sur de longues distances grâce à des prélèvements ADN, des enquêtes, le réseau BSV, précise Nicolas Constant. Des simulations de la dynamique de population du ravageur seront aussi réalisées. »