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Alimentation végétale
Communiquer sur le plaisir des légumineuses et non sur la notion de protéines végétales

[Références mises à jour le 9 novembre 2021]

Alors qu’elles sont bourrées d’avantages, pourquoi les protéines végétales peinent-elles tant à prendre leur place dans nos assiettes ? Préjugés, habitudes alimentaires, mauvaise communication… Eléments de réponse avec Sandrine Monnery-Patris, psychologue et chercheuse au Centre des Sciences du Goût et de l’Alimentation à Dijon.

Remettre les protéines végétales au centre de l'assiette.
© sivanbn de Pixabay

Aujourd’hui, en France, notre ratio de consommation de protéines d’origine animale et végétale est de 65/35 alors que les recommandations sont de 50/50. Pourtant moins coûteuses, pourquoi est-ce si difficile pour le consommateur de mettre plus de protéines végétales dans son assiette ? En raison de « préjugés encore très prégnants, et la difficulté de changer ses habitudes alimentaires », selon Sandrine Monnery-Patris, psychologue  et chercheuse au Centre des Sciences du Goût et de l’Alimentation à Dijon et cité dans un article de l’Inrae.

Les résultats présentés ci-dessous sont issus d’un travail de thèse “Comprendre la faible consommation de légumes secs chez les consommateurs français non végétariens : combinaison d’approches directes et indirectes afin d’identifier les barrières et les opportunités”, par Juliana Melendrez-Ruiz, doctorante en Sciences des aliments au Centre des sciences du goût et de l'alimentation, avec pour directrices de thèse Gaëlle Arvisenet, professeure à AgroSup Dijon et chercheuse CSGA, et Stéphanie Chambaron, chercheuse en psychologie cognitive au Centre des sciences du goût et de l'alimentation. Sandrine Monnery-Patris était également impliquée dans certaines parties de ce travail.

Premier préjugé : un effet genré de représentation. Substituer la viande par des légumes secs ou des céréales reviendrait dans notre inconscient à remplacer un aliment associé à la force et à la virilité par un aliment plutôt associé à la légèreté et à la féminité, et le consommateur a l’intime conviction que l’un ne peut pas se substituer à l’autre.

Deuxième préjugé : la praticité. Pour les personnes interrogées, un frein à la consommation de légumes secs est leur temps de préparation supposé trop long.

Habitudes alimentaires : travailler dès la cantine scolaire

Les habitudes alimentaires ont aussi la vie dure et la viande reste au centre de l’assiette. Lors de la réflexion pour composer un plat, quelque soit l'occasion, les protéines végétales font partie de seulement 10 % des choix. Les consommateurs vont au contraire d’abord choisir une viande, puis les accompagnements (parfois des légumineuses). « Il y a un frein cognitif. Si l’on demande au consommateur de substituer la viande par des végétaux riches en protéines, cela revient à lui demander de remplacer un aliment central par un aliment périphérique », explique Sandrine Monnery-Patris.

Il faut donc repenser nos habitudes alimentaires, car une habitude alimentaire, c’est une réponse automatique pour gérer nos choix alimentaires. Et on change un comportement alimentaire par une exposition répétée. Proposer des plats à base de protéines végétales à la cantine peut ainsi aider à faire apprécier ces produits aux enfants, mais à la seule condition que ce soit dans un environnement positif. Un enjeu fort donc : la formation des personnels des cantines pour proposer aux enfants des nouveaux aliments de façon plus positive.

Communiquer sur le goût et le plaisir et non sur la notion de protéines végétales, mal comprise

Pour déconstruire toutes ces représentations et instaurer des habitudes alimentaires durables, la clé semble être la communication et l’information. Sauf que… En interrogeant des consommateurs lambda et des professionnels de la filière des légumes secs (producteurs, transformateurs, diffuseurs), les chercheurs se sont rendu compte de l’écart de représentation sociale associées aux légumes secs entre les deux groupes. Pour le consommateur lambda, protéines végétales égalent lentilles (et dans une moindre mesure haricots secs et pois chiches) et au cœur de sa représentation sociale, c’est le goût (« délicieux », « bon », « sympa »). Alors que chez les professionnels, c’est l’aspect fonctionnel et nutritionnel qui prime. Ils évoquent uniquement le terme de "protéines" et jamais de "goût".

« Ces résultats montrent que pour faire évoluer les pratiques des consommateurs, c’est bien sur les notions de goût qu’il faut communiquer pour répondre aux attentes des mangeurs, et moins sur les notions de protéines végétales, concept finalement assez mal compris par les consommateurs », conclut Sandrine Monnery-Patris.

 

Références :

> Juliana Melendrez Ruiz, Quentin Buatois, Stephanie Chambaron, Sandrine Monnery-Patris, Gaëlle Arvisenet. French consumers know the benefits of pulses, but do not choose them: An exploratory study combining indirect and direct approachesAppetite, Elsevier, 2019, 141 (1), pp.1-12.

> Delphine Poquet, Stéphanie Chambaron-Ginhac, Sylvie Issanchou, Sandrine Monnery-Patris. Interroger les représentations sociales afin d’identifier des leviers en faveur d’un rééquilibrage entre protéines animales et végétales : approche psychosociale, Cahiers de Nutrition et de Diététique,
Volume 52, Issue 4, 2017, Pages 193-201

> Juliana Melendrez Ruiz. Comprendre la faible consommation de légumes secs chez les consommateurs français non végétariens : combinaison d’approches directes et indirectes afin d’identifier les barrières et les opportunités. Sciences agricoles. Université Bourgogne Franche-Comté, 2020

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