Colza/innovation : des solutions de lutte naturelles se développent contre les insectes
Pour lutter contre les grosses altises et les charançons du bourgeon terminal, de nouvelles méthodes émergent, qui s’appuient sur la connaissance des écosystèmes. Des leviers précieux pour limiter le recours aux insecticides.
Pour lutter contre les grosses altises et les charançons du bourgeon terminal, de nouvelles méthodes émergent, qui s’appuient sur la connaissance des écosystèmes. Des leviers précieux pour limiter le recours aux insecticides.
Les producteurs de colza réduisent l’utilisation d’insecticides. C’est le constat dressé par Terres Inovia réagissant à la publication d’une étude sur un lien entre pollinisation par les abeilles et rentabilité de la culture de colza. L’institut technique relève combien les producteurs s’appuient de plus en plus sur des solutions basées sur la nature. En 2018, la pratique de colzas associés à des légumineuses gélives a été mise en œuvre sur 15 % des surfaces cultivées, soit quelque 240 000 hectares. En 2019, ce ratio pourrait atteindre 30 % dans les zones les plus difficiles. « Notre enquête sur les pratiques culturales montre qu’en 2018 les agriculteurs mobilisant cette technique effectuaient un traitement insecticide en moins et utilisaient 10 kilos à l'hectare d’azote sous forme d’engrais en moins », précise David Gouache, directeur adjoint de Terres Inovia.
Un levier de plus avec les associations de légumineuses
Les producteurs de colza mettent notamment à profit l’avancée des connaissances en matière d’associations. Quoique à effet partiel, celles-ci offrent un levier de plus face au développement des résistances aux insecticides des altises d’hiver (ou grosses altises) et du charançon du bourgeon terminal, qui occasionnent de gros dégâts sur les cultures.
Les légumineuses mélangées au colza perturbent l’activité des ravageurs tout en assurant une meilleure alimentation azotée des colzas : les légumineuses fixent l’azote de l’air, qu’elles restituent par leurs racines, ce qui améliore la nutrition du colza. Des travaux de 2015 conduits par l’Inra ont montré une baisse de la nuisibilité des charançons du bourgeon terminal de 10 % lorsque des féveroles sont associées au colza. Pour les altises, le mélange féverole-lentille serait plus approprié : en moyenne, la pratique induirait une réduction de 30 % du nombre de larves d’altises par rapport au témoin. L’efficacité d’une association réussie serait comparable à celle des traitements insecticides : jusqu'à 3,5 quintaux par hectare. En situation de résistance des insectes aux pyréthrinoïdes, ce levier est particulièrement précieux.
Une fertilisation azotée, en générant des colzas bien développés, permet également de limiter les effets d’une forte pression de larves d’altises. Le risque de pertes liées aux larves est fortement réduit lorsque cette biomasse est supérieure à 1,5 kg/m2. « Au-delà de 80 % de plantes saines, les éventuels dégâts sont facilement compensés », indique Terres Inovia. La dynamique de croissance au cours de l’automne et la reprise au printemps sont des éléments également importants pour limiter la nuisibilité des insectes.
Si ces techniques montrent leur efficacité, le premier levier reste la réussite de l’implantation. Un semis précoce, même dans le sec, permet d’obtenir des colzas qui seront plus robustes lorsque surviennent les attaques d’insectes. À partir du stade 4 feuilles, le colza n’est par exemple plus sensible aux dégâts d’altises adultes, qui interviennent souvent fin septembre.
Des bioagresseurs à la loupe
Grosse altise
L’adulte de l’altise d’hiver (ou grosse altise) mesure 3 à 5 mm. Ce gros coléoptère noir et brillant mord les cotylédons et les jeunes feuilles, provoquant rapidement des dégâts sur les colzas du stade levée au stade 3 feuilles (B3). Le seuil de traitement est de huit pieds sur dix touchés par des morsures. En cas de levée tardive, au 1er octobre, le seuil de traitement est abaissé à trois pieds sur dix avec morsures.
Un semis précoce suivi de bonnes conditions de levée et de développement permet de dépasser le stade 3 feuilles avant l’arrivée de ces insectes. Le traitement insecticide sera alors inutile. Toutefois, celui-ci est requis lorsque les morsures touchent huit pieds sur dix. L’installation de cuvettes jaunes enterrées permet de suivre la présence de l’insecte.
Charançon du bourgeon terminal
Le colza est sensible au charançon du bourgeon terminal du stade 3 feuilles à la reprise de végétation, avec des arrivées qui peuvent être échelonnées. Ce petit insecte (2,5 à 3,7 mm) au corps noir et brillant est très nuisible sur des plantes peu développées, dont il dévore les bourgeons terminaux, d’où son nom. Les dégâts sont causés par les larves, dont le corps blanchâtre est dépourvu de pattes. La nuisibilité de ce charançon est limitée sur les colzas à forte croissance, ayant bénéficié d’une levée précoce et d’une croissance continue pendant l’automne.
La mise en place de cuvettes jaunes au sein des parcelles, visitées toutes les semaines, est précieuse pour évaluer le risque, combinée à la consultation des bulletins de santé du végétal (BSV).
Larve de grosse altise
La larve de grosse altise est blanche avec trois paires de pattes. Mesurant 1,5 à 8 mm, elle mine les pétioles durant l’automne et l’hiver dès le stade 5-6 feuilles. Les larves peuvent être observées à partir de la mi-octobre. Les performances de ponte des altises sont extrêmement élevées : une faible attaque d’altise adulte ne détermine pas le niveau d’infestation larvaire.
En cas de surpopulation ou de plantes chétives, les larves rejoignent le cœur de la plante, détruisant le bourgeon terminal. À la reprise de végétation, elles ont tendance à migrer dans les tiges.
Le stade de déclenchement d’une application insecticide est de cinq larves par pied en l’absence de risque agronomique. Une coupe des pétioles dans leur longueur permet d’observer la présence de larve. La méthode Berlèse permet d’estimer facilement les populations. Sur parcelle à risque (biomasse faible, arrêt de croissance hivernale et précocité de reprise), ce seuil est relevé à deux-trois larves par pied ou 70 % de plantes porteuses de larves.
Une progression des résistances de bioagresseurs
Le suivi de l’évolution des résistances des ravageurs du colza organisé par Terres Inovia met en évidence un élargissement des zones concernées par les résistances des insectes aux pyréthrinoïdes.
Concernant les altises d’hiver, cinq départements étaient concernés en 2018 : l’Yonne, l’Aube, la Haute-Marne, la Côte-d’Or et la Nièvre. En 2019, de nouveaux cas sont apparus dans treize autres départements. Deux types de résistance sont détectés, par mutation de cible et par détoxification. Selon les types de résistances, le niveau d’efficacité d’une pyréthrinoïde est faible à nulle.
Pour le charançon du bourgeon terminal, les résistances sont connues en régions Centre, Bourgogne Franche-Comté et Grand Est. Les premières résistances ont été détectées en 2019 dans le Sud-Ouest.
Le colza a-t-il besoin des abeilles pour polliniser ?
Une récente étude de l’Inra montre un lien entre la pollinisation par les abeilles et une meilleure rentabilité du colza. Les chercheurs ont établi que les pollinisateurs contribuaient au rendement du colza à hauteur de 37,5 %, dans les conditions les plus favorables. « Le colza alimentaire, contrairement à la multiplication de semences, n’a pas un besoin majeur d’abeilles car une grosse part de pollinisation est assurée par le vent », tempère David Gouache, directeur adjoint de Terres Inovia, qui souligne une « assez forte variabilité » des niveaux de pollinisation. « Installer des ruches au sein d’une parcelle ne permet pas d’augmenter systématiquement son rendement de 37 % », résume l'agronome. Ce chiffre correspondrait plutôt à un niveau maximal espéré.
En savoir plus
Réussir son implantation pour obtenir un colza robuste, 37 pages
Disponible gratuitement en PDF sur Terresinovia.fr