Chez Nicolas Onfroy : « Tendre vers une viande zéro carbone »
Pour réduire au maximum l’empreinte carbone de ses Limousines, Nicolas Onfroy, installé dans la Manche a couplé marges de progrès techniques et production d’énergie issue des haies et du solaire.
Pour réduire au maximum l’empreinte carbone de ses Limousines, Nicolas Onfroy, installé dans la Manche a couplé marges de progrès techniques et production d’énergie issue des haies et du solaire.
« Les médias grand public laissent souvent entendre que les producteurs de viande bovine sont des pollueurs. J’ai pourtant l’impression d’être vigilant. Il était important pour moi de mesurer l’impact environnemental de ma ferme et de pouvoir communiquer à mon échelle auprès du consommateur », confie Nicolas Onfroy, à la tête d’un troupeau de 100 mères limousines conduites en agriculture biologique sur 170 hectares de prairies permanentes, à Sainte-Marie-du-Mont, dans la Manche.
L’éleveur a repris la ferme familiale (laitière) en 2014 après un passage dans l’industrie. Il s’est engagé en 2016 dans le projet Life Beef Carbon dont il avait eu écho dans un groupe de travail. Son exploitation fait aujourd’hui partie des 125 fermes innovantes du programme. De ce fait, un diagnostic CAP’2ER de niveau 2 y a été réalisé. Deux journées ont été nécessaires pour évaluer l’empreinte précise du site (mesures de parcelles, gestion des fumiers, achats d’aliments…).
À la restitution des résultats, « j’ai été à la fois agréablement surpris et un peu déçu. Agréablement surpris car mon empreinte carbone était alors de 2,5 kilos équivalent CO2 par kilo de viande vive produite quand la moyenne mondiale est de 27. Déçu sur le coup car il allait être difficile d’établir un plan d’actions ! Mais étant jeune installé, il me restait des marges de progrès techniques. Et pourquoi, ne pas viser une viande neutre en carbone, voire négative. »
Un steak sans impact sur l’environnement
La moyenne nationale des naisseurs s’élève à 12 kg équivalent CO2 par kilo de viande vive produite. L’exploitation dispose donc d’un très bon résultat. Résultat permis en grande partie par le stockage carbone des prairies de l’exploitation. « Mon système tout herbe sur un parcellaire à 70 % en zone de marais, riche en haies (15 976 mètres linéaires) et en ruisseaux, offre une compensation importante des émissions brutes de GES générées par l’élevage et qui s’élève à 83 %. »
Pour continuer à limiter l’impact sur l’environnement, plusieurs pistes ont été suivies pour, à la fois capter le carbone et diminuer les émissions. À commencer par la réduction des animaux improductifs, en limitant le nombre de vaches vides et en raccourcissant le délai entre le dernier vêlage et la réforme. « J’étais en phase d’accroissement (+ 30 vêlages, + 100 hectares par rapport à 2014). J’avais donc tendance à garder des femelles un peu décalées. » Dorénavant un suivi repro est effectué à l’entrée en bâtiment. Les femelles vides partent à l’engraissement. Les veaux sont sevrés. La période de vêlages s’étale sur mars, avril, voire mai. « Je ne compte pas jouer sur l’âge au vêlage. La mise en place de mises bas à l’automne est difficilement compatible avec mon système toute herbe. Seules les femelles engraissées reçoivent un aliment bio acheté en local (13 tonnes par an). Les mères sont au foin l’hiver. Les génisses, vaches de réforme et taureaux, à l’enrubannage. Le surplus de foin produit est aujourd’hui vendu ou échangé contre de la paille », souligne Nicolas Onfroy.
Augmenter la productivité numérique
L’accroissement de la productivité numérique représente un autre axe de travail. L’objectif étant de passer de 247 à 262 kg vv/UGB. Pour cela, l’éleveur s’est penché sur la mortalité des veaux (taux à 10 %), le poids des réformes et des broutards et la réduction de l’intervalle vêlage-vêlage. Les mères sont désormais vaccinées pour limiter les diarrhées des veaux. Les taureaux sont soigneusement sélectionnés pour améliorer la génétique du troupeau et ainsi augmenter de 10 kilos le poids vif des broutards et de 10 kilos le poids carcasse des vaches. Un salarié, pour deux tiers, de son temps a été embauché sur l’exploitation pour seconder l’éleveur, lui-même à mi-temps sur la ferme (gestion d’un hôtel-restaurant avec sa femme en parallèle).
La gestion des fumiers a également été évoquée mais n’a pas été retenue dans le plan d’actions. « Idéalement, il faudrait épandre le fumier dès la sortie de la stabulation, ce que je ne peux pas faire. L’épandage a lieu à l’automne. »
Produire de l’énergie pour compenser les émissions
Pour capter davantage de carbone, trois leviers d’actions ont été identifiés : l’implantation d’arbres et de haies, la valorisation énergétique des haies et l’installation d’une centrale photovoltaïque. « Je suis actuellement à la recherche de financement pour l’implantation de haies dans les marais. Je commence également à réfléchir à l’implantation d’arbres. J’ai par ailleurs substitué ma chaudière fuel pour une chaudière plaquettes pour une valorisation énergétique des haies. J’en consomme un tiers. Le reste est commercialisé localement. » Enfin, 1 600 m2 de panneaux photovoltaïques (250 000 kw) ont été installés sur la stabulation des mères. La centrale photovoltaïque produit de l’énergie à 7 grammes de CO2 par kWh par an, là où la moyenne française est à 20 grammes. « Outre son intérêt environnemental (incidence sur l’empreinte carbone de - 67 %), les panneaux représentent un investissement économiquement intéressant. Ils me permettent de compenser en grande partie les annuités du bâtiment (charpente, cornadis, bétons). »
La mise en place du plan d’actions a permis à l’éleveur d’abaisser son empreinte carbone nette à 1,8 kg eq CO2/kg de viande vive produite. En intégrant les plaquettes bocagères à vocation de chauffage et les panneaux photovoltaïques, la production d’énergie n’étant pas prise en compte dans la démarche, l’empreinte carbone de l’élevage est nulle. Toutes les démarches mises en œuvre n’ont pas impacté le revenu de l’éleveur, la rémunération permise avant et après reste supérieure à 2 Smic/UMO.
« Commercialisant une partie de la production en vente directe et dans mon restaurant (3 à 4 veaux par an, 6 à 7 vaches en vente directe et 5 gros bovins dans le restaurant), j’ai l’occasion d’échanger avec le consommateur sur la performance environnementale de l’élevage. Ils sont plutôt réceptifs lorsque je leur parle d’émissions de gaz ramenées au niveau de viande produite. Les échanges sont globalement positifs », conclut le jeune installé.