Une ferme collective pour neuf jeunes installés
La ferme collective de la Tournerie regroupe neuf associés et chacun est responsable d’une production particulière.
La ferme collective de la Tournerie regroupe neuf associés et chacun est responsable d’une production particulière.
Un petit village perdu dans le fin fond de la Haute-Vienne, entouré d’un océan de verdure. C’est là, dans une vieille ferme typique du Limousin, que neuf amis ont posé leurs valises. La plupart d’entre eux, diplôme d’ingénieur agronome en poche, ont déjà eu une ou plusieurs expériences dans l’agriculture et ont décidé de mettre en application leurs connaissances. Leur idée : démarrer une activité agricole avec plusieurs ateliers différents, chacun géré par une ou deux personnes et complètement autonome. Ils ont acheté ensemble les bâtiments à travers une SCI qu’ils ont créée. Les terres, elles, sont louées à la foncière Terre de liens, qui gère les terrains agricoles de particuliers et sociétés privées sur la France entière. Les neuf associés du Gaec de la Tournerie ont ainsi pris possession des quatre bâtiments agricoles, de deux maisons d’habitation et de 83 hectares de terres. Depuis 2015, les neuf compagnons et leurs deux salariés sont plongés dans les travaux de rénovation des bâtiments. Ce qui ne les a pas empêchés de commencer les activités agricoles : maraîchage, cultures céréalières, vaches laitières et veaux de boucherie, cochons à l’engraissement, fournil et brasserie.
Des ateliers diversifiés mais complémentaires entre eux
Hélène Bastin, 28 ans, est responsable des 50 chèvres poitevines. « Nous étions neuf amis à vouloir commencer une activité agricole et nous avions tous conscience des difficultés pour s’installer. Trouver des terres, un financement, des débouchés viables. Tout cela demande du temps et beaucoup de compétences. L’idée du collectif nous a alors paru évidente », se remémore la jeune éleveuse. Les bâtiments et les terres appartiennent donc au Gaec, mais chaque atelier doit être rentable au niveau de ses propres investissements. « Nous fonctionnons avec une comptabilité analytique, précise Hélène Bastin. Cela nous permet de connaître précisément les rentrées et les sorties d’argent par atelier ». Et puis certaines productions se recoupent, à l’instar des cultures de céréales qui servent pour la boulange, la brasserie et nourrissent les ruminants. En plus, les effluents de certaines productions sont utiles pour d’autres, à l’exemple du son de blé issu de la meunerie et valorisé par les chèvres. « Les refus de la chèvrerie ainsi que le moins beau foin sont distribués aux veaux », décrit l’éleveuse. Mais qu’il s’agisse de céréales ou de méteil pour l’alimentation des porcins, l’idée de la complémentarité est bien là. Elle permet de mutualiser l’achat et l’utilisation du matériel agricole et des outils de transformations fromagères, bouchères et maraîchères.
La communication est la clé de la cohésion
Le Gaec est aussi adhérent à une Cuma pour la découpe des veaux, porcs et bientôt des chevreaux. Évidemment, chacun sur la ferme de la Tournerie est responsable de son activité, ce qui n’empêche pas que les uns et les autres puissent se rendre disponibles en cas de coup dur ou d’absence d’un des associés. « Nous laissons des indications précises pour chaque production afin que tout le monde puisse tout faire », explique la chevrière. Ce fonctionnement apporte de la souplesse dans un métier réputé pour le peu de temps libre qu’il laisse. Les neuf associés parviennent donc à se dégager régulièrement des week-ends et des vacances. La cohésion du Gaec repose sur une bonne communication et la coordination de ses membres. « Nous nous réunissons tous ensemble une fois par semaine pour parler chacun de nos ateliers, des travaux à venir et des besoins éventuels en main-d’œuvre. Même si, à l’origine, nous sommes amis, ça ne serait pas suffisant pour assurer la bonne marche de la structure », annonce Hélène.
Des races rustiques pour moins de frais vétérinaires
Les ateliers d’élevage du Gaec ont un même objectif : être complètement autonomes sur l’alimentation. Pour cela, les 15 vaches et les chèvres sont au pâturage toute l’année. Cette pratique permet de valoriser les prairies naturelles au maximum tout en limitant les apports en céréales. Les races des ruminants ont été choisies plus pour leur rusticité que pour leur productivité. « Les Poitevines ont un caractère assez doux, les nouvelles chèvres sont vite intégrées dans les lots, détaille Hélène Bastin. Elles montrent aussi une bonne résistance dans les milieux humides comme ici ». Alors la décision a été prise. La production de lait sera moins importante qu’avec des races plus productives, mais le lait est bien valorisé, entre 2,20 € et 2,70 € du litre, et les frais vétérinaires sont moindres. « Je travaille avec l’Association pour la défense et le développement de la chèvre poitevine pour éviter la consanguinité. Avec les deux boucs sur l’exploitation, je me suis fixé comme objectif de faire naître des belles chevrettes que je pourrai vendre à d’autres élevages », relate-t-elle. À terme, le troupeau devrait compter 56 têtes. La jeune chevrière n’est plus loin du compte.
Vente à la ferme, bar et salle de spectacle
Mais pour la ferme collective de la Tournerie, il ne s’agit pas seulement de produire, il faut aussi vendre. L’exploitation dispose de son point de vente qui fait également bar et accueille des concerts aux beaux jours. Les produits sont aussi commercialisés sur un marché à Limoges, dans des magasins de producteurs et des Amap. « Notre atout, c’est notre large gamme de produits très différents. Quand un client vient à la ferme, il a quasiment tout ce qu’il peut rechercher à portée de main », souligne Hélène. Rien qu’en produits laitiers caprins, l’offre est diversifiée. Des yaourts aux palets et pyramides cendrées, en passant par des tommes et le tournebique, sorte de camembert de chèvre. Le Gaec s’oriente vers des pratiques écoenvironnementales. La salle de traite des chèvres est entièrement conçue en bois tout comme la chèvrerie. Celle-ci a dû être complètement réaménagée car le bâtiment accueillait à l’origine des bovins allaitants. La laiterie est chauffée au feu de bois et depuis septembre 2017, la ferme est en conversion bio intégrale.