Un an pour faire une chèvre
Depuis sa naissance jusqu’à sa première mise bas, la chevrette va se développer et prendre du poids rapidement. Sept étapes pour ne pas rater l’élevage des chevrettes.
Depuis sa naissance jusqu’à sa première mise bas, la chevrette va se développer et prendre du poids rapidement. Sept étapes pour ne pas rater l’élevage des chevrettes.
Entre la naissance et la première mise bas, la vie d’une chevrette est ponctuée par quatre grandes phases d’élevage. Chacune d’entre elles se caractérise par des objectifs précis : croissance, réussite de la reproduction, préparation à la lactation… Les atteindre est la garantie d’obtenir une future bonne chèvre laitière. « Le juge de paix, c’est la croissance des chevrettes », affirme Bertrand Bluet de l’Institut de l’élevage. Des poids objectifs sont à atteindre à des âges clés pour que les chevrettes disposent d’un gabarit suffisant à la mise à la reproduction à sept mois. La pesée régulière des animaux en croissance est donc essentielle.
1 - Une fin de gestation au top, pour partir sur de bonnes bases
La réussite de l’élevage des chevrettes commence dès la fin de la gestation de leur mère. Pour partir sur de bonnes bases, les chèvres gravides doivent recevoir une alimentation adaptée qui autorise une bonne croissance du ou des fœtus et la synthèse d’un colostrum de qualité. Durant les deux derniers mois de gestation, l’alimentation affecte le poids des chevrettes à naître. Il faut donc faire ingérer un maximum de fourrages de très bonne qualité.
On profite aussi de ce moment avant les mises bas pour préparer le bâtiment nurserie. Les sols, les murs (jusqu’à 1,50 m de hauteur), les abreuvoirs, les auges et les barrières doivent être nettoyés. La désinfection est nécessaire seulement en cas de gros problème sanitaire. Dans l’idéal, il faut pouvoir assurer un vide sanitaire d’un mois avant les premières naissances.
2 – Les premières heures de vie des chevreaux : le colostrum est l’assurance santé des chevrettes
Les conditions de mise bas et les premiers soins apportés aux chevreaux nouveau-nés sont primordiaux pour leur santé immédiate et à venir. Parmi les points importants à respecter, la prise rapide d’un colostrum de qualité est primordiale.
La réussite du transfert d’immunité passif par le colostrum est primordiale car elle constitue la seule source d’anticorps sanguins au cours des premières semaines de vie des chevreaux. Le colostrum est également essentiel pour la santé des chevreaux car c’est un concentré d’énergie, de minéraux et d’autres facteurs de santé.
Un chevreau doit ingérer l’équivalent de 10 % de son poids vif en colostrum. Seul le colostrum de la première traite doit être utilisé et ingéré dans les six premières heures de vie du chevreau. Attention, car du fait d’une qualité de colostrum souvent insuffisante, on estime que moins de la moitié des chevreaux reçoivent une quantité d’anticorps suffisante. Constituer une banque de colostrum dont la qualité a été évaluée au réfractomètre permet de ne jamais être en manque. Ce colostrum de qualité peut être stocké en bouteille de 50 cl au réfrigérateur pendant une semaine ou au congélateur pendant un an.
3- La phase d’allaitement : viser une croissance forte pour développer le gabarit
La phase d’allaitement commence après la prise du colostrum et s’étend jusqu’au sevrage, réalisé généralement à deux mois d’âge. Elle se caractérise par une alimentation essentiellement lactée qui permet d’atteindre un gain de poids moyen quotidien (GMQ) élevé, de l’ordre de 185 g/jours. On vise un poids cible de 15 kg au sevrage ou 25 % du poids adulte. Sevrer trop précocement, en âge et/ou en poids (à moins de 14 kg), entraînera immanquablement des difficultés (fragilité face aux maladies, retard de croissance…) qui induiront une plus forte mortalité et amèneront à un taux de réforme important au moment de la mise à la reproduction. À l’inverse, sevrer tardivement (à plus de 18 kg) est possible, mais cette pratique est trop coûteuse pour être recommandée.
Les chevrettes doivent être mises en lots, dès leur naissance. D’abord en fonction de leur date de naissance, puis à partir d'un à trois jours, selon leur poids vif. Au sein d’un même lot, l’écart de poids maximum ne doit pas excéder 15 %. En effet, un poids homogène limite la compétition entre chevreaux et garantit à tous les chevreaux une bonne prise alimentaire et donc une bonne croissance.
De l’eau propre, du foin de graminées très appétant et des concentrés doivent être mis à disposition dès l’âge de huit à dix jours pour habituer les très jeunes animaux à devenir des ruminants. Pour relancer la curiosité et donc l’ingestion des animaux, le fourrage et le concentré seront à renouveler au moins une fois par jour, et, si possible, distribués en trois repas par jour. Les niveaux d’ingestion de ces aliments solides vont aller en augmentant à mesure que les quantités de lait bues vont être réduites. Quelques jours avant le sevrage, il faudra s’assurer que l’ingestion de concentrés atteignent 50 à 200 g par jour et par chevrette, que les chevrettes ruminent bien et qu’elles savent bien boire de l’eau.
Pendant la phase d’allaitement, les chevrettes sont fragiles d’un point de vue sanitaire, et sont notamment très sensibles aux diarrhées et problèmes pulmonaires.
Réussir la phase d’allaitement permet de mettre les chevrettes sur d’excellents rails pour la suite de leur carrière. Tout retard de croissance pendant cette phase est irrécupérable par la suite, à moins de retarder la date de mise à la reproduction… et donc d’étaler les mises bas au sein du troupeau.
4 – Le délicat sevrage des chevrettes
Le sevrage consiste à supprimer l’alimentation lactée, privant ainsi la chevrette d’une source essentielle de satisfaction de ses besoins alimentaires et affectifs. Elle aura besoin d’un temps d’adaptation, au cours duquel sa consommation d’aliment solide sera insuffisante pour permettre sa croissance. De plus, le stress provoqué par le sevrage tend à réduire ses défenses immunitaires, ce qui peut favoriser la survenue de pathologies (diarrhées, toux, coccidiose…). Ce stress devra donc être limité au maximum pour ne pas pénaliser la santé et la croissance des animaux. On évitera par exemple de réalloter les animaux à cette période.
Le sevrage a généralement lieu lorsque la chevrette a atteint le poids vif objectif de 25 % du poids adulte (soit 15 kg pour des chèvres de 60 kg) et qu’elle est capable d’ingérer un minimum de concentrés. Dans la plupart des cas, il intervient à l’âge de deux mois. Le sevrage peut être soit brutal soit progressif.
5 – Du sevrage jusqu’à quatre mois, stimuler la rumination et développer le rumen
La période post-sevrage est délicate car il faut maintenir une croissance soutenue pour atteindre, à quatre mois, un poids objectif de 24 kg. Il faut donc suivre régulièrement (tous les mois) le poids des chevrettes pour arriver à gagner 9 à 10 kilos en 60 jours. Les enjeux sont donc de développer le rumen et de favoriser l’ingestion des fourrages et concentrés pour pouvoir couvrir les besoins de croissance des animaux. La qualité des aliments offerts est alors centrale et on tolérera de 10 à 30 % de refus. Il faut distribuer des fourrages de qualité, appétants et peu triables. Il est nécessaire de relancer régulièrement l’appétit des chevrettes, en remuant les fourrages au moins deux fois par jour, ou en faisant deux distributions par jour. La conduite en lots est indispensable pour limiter la compétition entre les chevrettes et adapter la ration aux besoins alimentaires de chaque lot. À cette période, on s’oriente vers le type de ration que la chèvre aura une fois adulte (à base de foin et concentrés rationnés, à base de paille avec concentrés à volonté, à base de foin et d’ensilage de maïs…).
6 - De quatre à dix mois : de bonnes habitudes alimentaires et mise à la reproduction
De quatre à sept mois, l’alimentation des chevrettes vise à faire prendre aux jeunes animaux des habitudes alimentaires pour leur future carrière de chèvres laitières, non pas par les concentrés mais par la valorisation des fourrages. Sur cette période d’environ 100 jours, il faut gagner de 9 à 11 kg de poids vif malgré un ralentissement de la croissance pour arriver à un poids suffisant à la mise à la reproduction correspondant à 55 % du poids adulte (soit 33 kg pour des chèvres adultes de 60 kg).
C’est durant cette période que seront distribués aux chevrettes les fourrages qu’elles ingéreront une fois adultes. Il faut optimiser la rumination par l’apport de très bons fourrages, en faisant attention à ne pas trop complémenter et engraisser les chèvres. La note d’état corporel lombaire à la mise à la reproduction ne doit pas excéder trois. Une augmentation importante des quantités de concentrés n’est pas une solution pour rattraper un retard de croissance !
Le pâturage des chevrettes est possible dès le cinquième mois mais sur des parcelles indemnes de parasitisme et réservées à ces animaux. Il faut compter plus d’une semaine pour que les chevrettes consomment réellement de l’herbe, après une phase de découverte de la marche, de la clôture, de l’environnement extérieur (bruits, intempéries…). Pendant cette période de découverte, du foin de qualité doit être distribué en chèvrerie en quantité suffisante. Le temps de sortie au pâturage doit être augmenté progressivement : une heure le premier jour, puis deux heures le lendemain, pour arriver à une journée de huit heures au bout de dix jours.
Ensuite, entre sept et dix mois, les chevrettes doivent prendre entre huit et dix kilogrammes de poids vif. Il est cependant plus difficile, voire peu recommandé pour éviter tout stress pouvant déclencher des avortements, de les peser pendant cette période. En tout état de cause, les jeux sont faits ! Il n’y a plus de croissance compensatrice possible une fois les chevrettes pleines. Il est donc impératif de ne mettre à la reproduction que des animaux ayant un poids suffisant, soit 55 % du poids adulte (33 kg pour des adultes de 60 kg).
7 - À 11 et 12 mois : les deux derniers mois de gestation des chevrettes
Dernière ligne droite avant la mise bas, les deux derniers mois de gestation demandent beaucoup d’attention. Il s’agit tout à la fois de préparer les naissances et d’anticiper l’intégration des futures primipares dans le troupeau laitier. Côté alimentation, on continue à distribuer les meilleurs fourrages tout en augmentant légèrement la quantité de concentrés sans dépasser 400 à 600 g/jour.
L’intégration des chevrettes en fin de gestation dans le bâtiment des chèvres ne doit se faire ni trop tôt ni trop tard. L’idéal est de les ramener quatre à six semaines avant les mises bas tout en les conduisant dans un lot à part. Selon les installations, les nouveautés peuvent être très nombreuses : nouveau type d’abreuvoirs, cornadis, distributeur automatique de concentré, tapis, passage de matériel, présence de chiens… et ces quelques semaines permettront aux chevrettes de s’y adapter en douceur. Ce changement de bâtiment peut aussi être l’occasion de les familiariser avec la salle de traite.
Après leur mise bas, les primipares continueront d’être conduites en lot séparé au moins jusqu’aux saillies voire, dans l’idéal, durant toute leur première lactation, pour des raisons sanitaires (limiter les contaminations mammaires à la traite) et de performances (faciliter leur accès à l’auge pour une meilleure alimentation et ainsi une meilleure production laitière).
Mise en garde
Les erreurs à éviter au sevrage
Les atouts et inconvénients de trois distributeurs de lait
Les laits à base de poudre de lait, ou le lait maternel thermisé ou lait acidifié (yaourté) peuvent être proposés aux chevrettes pour être bus ou tétés. Les systèmes permettant la tétée sont à privilégier car le fait de téter oblige le chevreau à lever la tête. Cette posture entraîne la fermeture de la gouttière œsophagienne, ce qui empêche le lait de passer dans le rumen et le réseau. Le matériel de distribution du lait, quel qu’il soit, doit impérativement être nettoyé tous les jours à l’eau chaude pour décoller les matières grasses. S’il est quotidien, ce nettoyage ne nécessite pas d’utiliser des produits nettoyants. Une attention toute particulière doit être portée aux tétines qui peuvent être les vecteurs de germes de l’environnement comme les colibacilles (responsables de diarrhées).