Reprendre la traite en main
Une installation de traite bien conçue et bien entretenue et une bonne organisation permettent de gagner en temps et confort de travail.
« Un éleveur passe en moyenne trois à quatre heures par jour à la traite, souvent 365 jours par an, ont rappelé Christiane Morisset, référente caprin à la chambre d’agriculture des Deux-Sèvres, et Rachel Chevreau, présidente de Chevriers des Deux-Sèvres lors d’un colloque organisé Mazières-en-Gâtine le 24 avril dernier. C’est aussi un moment privilégié d’observation des animaux. Il est donc essentiel d’optimiser son installation pour gagner en temps et confort de travail et assurer une traite de qualité. » La salle de traite doit être adaptée au nombre de chèvres, au nombre et à la taille des lots, qui varient selon les priorités de l’éleveur, et à la main-d’œuvre disponible. « Pour 1 000 chèvres, un roto peut s’envisager et permet de traire à un seul trayeur, note Christophe Béalu, de la chambre d’agriculture. Et un roto extérieur permet un gain de temps de 15 à 20 % par rapport à la traite intérieure ». L’installation doit permettre une entrée et une sortie faciles des chèvres et être évolutive. « Il faut pouvoir agrandir la chèvrerie sans perturber le fonctionnement de la salle de traite ». Si le parc d’attente est sur caillebotis, prévoir l’entrée du tracteur. Penser aussi éventuellement au positionnement de la fromagerie. Enfin, des quais de largeur et hauteur adaptées, un éclairage suffisant et un sol non glissant sont nécessaires pour une traite rapide et de qualité.
Le bon réglage de l’installation est également déterminant. Les principaux réglages portent sur le vide (36-38 kpa en ligne basse, 39-40 kpa en ligne haute ou intermédiaire), la pulsation (80-90 puls/mn) et la pente du lactoduc (0,5 à 2 %). Un entretien régulier est par ailleurs essentiel. Selon l’Opti’Traite, les principaux défauts constatés portent sur les faisceaux trayeurs et, dans une moindre mesure, sur le système de pulsation et le niveau de vide. « Il faut regarder chaque jour chaque faisceau trayeur pour vérifier que les orifices calibrés ne sont pas bouchés et si besoin les déboucher avec l’outil fourni par l’installateur, insiste Vincent Moinet de la chambre d’agriculture. Si nécessaire, corriger aussi la torsion des manchons dans les étuis ». Une fois par semaine, vérifier le niveau d’huile de la pompe à vide et, si besoin, remplir le réservoir. Si le réglage de la pompe à vide ne s’effectue pas correctement, il faut vérifier que rien ne vient boucher le tuyau. Une fois par mois, on vérifiera la tension de la courroie de la pompe à vide en démontant la protection du moteur. Tous les mois, il faut aussi nettoyer le filtre du régulateur (avec pinceau, brosse à dents ou compresseur), changer la membrane si elle est usée, déboucher les entrées d’air des pulsateurs et nettoyer les filtres de la canalisation à air des pulsateurs.
Bien s’organiser pour gagner du temps
« De petits détails peuvent permettre de gagner cinq à dix minutes par traite, ce qui sur l’année représente des journées », note Rémi Couvet, de Deux-Sèvres Conseil élevage. Avoir toujours une salle de traite complète est essentiel, ce qui implique d’avoir dans chaque lot un multiple du nombre de postes. Il faut par exemple avoir des lots de 40 ou 60 chèvres s’il y a 20 postes. « Les réallottements sur des critères comme les cellules, la production, les primipares ou la reproduction sont importants mais doivent rester pratiques. Il faut faire des lots cohérents et si besoin compléter les lots ». Pour ne pas perturber les chèvres et permettre une bonne éjection du lait, il est conseillé de garder les mêmes habitudes, de traire à heures fixes, même avec une amplitude importante, dans une ambiance calme. Le nombre de trayeurs doit être adapté à la salle de traite et au nombre de postes. « Il faut pouvoir valoriser le décrochage automatique, ce qui n’est généralement pas possible à un seul trayeur. Et le travail doit être organisé avec, par exemple, chacun son quai ou sa moitié de salle de traite ». Avoir un protocole écrit et pouvoir communiquer (carnet, tableau) est également important, notamment en cas de changement de trayeur. Traire seul est aussi possible, l’appui d’un chien électrique ou vivant étant alors important. Dans tous les cas, de bonnes pratiques permettent à la fois une traite de qualité et un gain de temps. « Repasser les chèvres prend du temps pour peu de volume. Il faut aussi éviter l’égouttage et la surtraite. Et la machine doit être bien entretenue et réglée pour éviter les chutes de faisceaux, les entrées d’air ou un niveau de vide trop faible qui font perdre du temps ». Bien s’organiser pour les interventions du quotidien est également important : identifier les chèvres longues à traire, éventuellement en faire un lot, identifier les chèvres malades, être organisé pour la désinfection de la mamelle (produit et pulvérisateur proches, sur une table ou accroché à la ceinture), avoir les produits d’hygiène et les outils à proximité… Autre point délicat : l’organisation autour de la mise-bas. « Le plus facile est de faire un lot colostrum mis à jour quotidiennement en écrivant par exemple sur les chèvres le numéro du jour où la traite reprendra normalement », estime Rémi Couvet. Enfin, la conduite globale du troupeau peut permettre de gagner du temps sur l’année, en évitant les lactations longues, en réformant tous les échecs de production, par la monotraite ponctuelle aux périodes chargées ou en fin de lactation, voire toute l’année…
Mise en garde
Quand changer les manchons ?
Les fournisseurs préconisent généralement de changer les manchons toutes les 2 500 traites, ce qui pour 450 chèvres et une salle de traite 24 postes, revient à les changer tous les deux mois. Une étude a été engagée par l’Institut de l’élevage pour appréhender la réalité du vieillissement des manchons. Des analyses seront réalisées régulièrement, de 2 500 traites jusqu’à 5 000 traites.
Pour ne pas en avoir plein le dos !
Les troubles musculo-squelettiques liés à la traite sont fréquents. Certaines précautions permettent de limiter les risques.
Les gestes répétitifs et cadencés de la traite sont favorables à l’apparition de troubles musculo-squelettiques (TMS). Les plus fréquents touchent le dos (lombalgies, hernies), les épaules (tendinites, ruptures de ligament) et les mains et poignets (canal carpien). L’aménagement des postes et le choix des équipements peuvent permettre de limiter les risques. « La hauteur de quai est capitale et doit être adaptée au trayeur principal, précise Raphaële Gontier, du service prévention de la MSA Poitou. Attention aussi aux barres qui gênent la vue et conduisent à des tensions des cervicales ». Certaines griffes sont plus légères que d’autres. Et un pichet pour distribuer l’aliment est moins préjudiciable pour la main et le canal carpien qu’une boîte de conserve ou une vieille casserole sans manche ! L’organisation et l’ambiance de travail sont également importantes. « Il faut réfléchir à la circulation des animaux, éventuellement à l’alternance si la traite dure plus de deux heures. » Attention aussi à la tenue de travail. « Quand on a froid, on est crispé et on tolère moins bien les gestes répétitifs ». Un t-shirt thermique, de bonnes chaussures, des semelles anti-piétinement, éventuellement un tapis pour le roto, limitent les risques de TMS. Il est important aussi d’apprendre les principes de manutention de charge, de bien dormir à plat, de bien s’hydrater pour éviter les tendinites. Enfin, la prévention des TMS passe aussi par un échauffement le matin ou avant la traite, pour mettre les muscles en mouvement (cervicales, épaules, coudes, poignets, dos, mains, chevilles) et par un étirement après la traite pour lever les tensions accumulées.
Christiane Morisset, éleveuse à Rom (Deux-Sèvres)
« Apprendre les bons gestes »
« Je trais chaque jour 200 chèvres. J’aime ce moment privilégié où je peux observer les chèvres, mais j’ai subi trois opérations des épaules pour des ruptures de ligament. J’ai suivi une formation aux bons gestes, mais c’était déjà trop tard. Je fais aussi maintenant des échauffements chaque matin. Tous les éleveurs devraient apprendre les bons gestes et les bonnes postures. Il faudrait aussi l’enseigner dans les lycées. »
Maëva Le Danvic, responsable de l’atelier caprin du lycée agricole de Melle (Deux-Sèvres)
« Je marche 5 km à chaque traite »
« La salle de traite du lycée a été conçue pour quelqu’un de pas trop grand. Comme je suis petite et assez sportive, elle me convient. Il faut quand même beaucoup allonger les bras. Grâce à une application sur mon téléphone, j’ai calculé que je marche 5 km à chaque traite et 15 km en tout dans la journée. Je fais donc attention à avoir de bonnes chaussures et semelles et une tenue de travail dans laquelle je suis à l’aise. Le plus dur pour moi reste toutefois le paillage et la distribution des fourrages qui sont manuels. »