Raisonner le renouvellement du troupeau laitier caprin
Renouveler le troupeau en interne impose de choisir les chevrettes qui feront les bonnes futures laitières, puis de définir le nombre de chevrettes qui devront mettre bas.
Renouveler le troupeau en interne impose de choisir les chevrettes qui feront les bonnes futures laitières, puis de définir le nombre de chevrettes qui devront mettre bas.
Chaque année, une partie du troupeau laitier doit être renouvelée. D’une part, pour compenser l’usure du cheptel en production et remplacer les chèvres mortes ou réformées, et d’autre part, pour améliorer la productivité individuelle grâce à la sélection génétique. Les chevrettes qui assurent ce renouvellement doivent donc être choisies avec soin. Dans une très large majorité des cas, le renouvellement du troupeau est assuré par l’entrée dans le troupeau adulte de chevrettes nées, sélectionnées, élevées et ayant mis bas dans l’élevage. Ce renouvellement en interne nécessite de faire les bons choix aux bons moments. Notamment, choisir les chevrettes qui feront les bonnes futures laitières.
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Une bonne chevrette est issue d’une bonne mère et d’un bon père. Ceux-ci doivent donc être choisis avec soin. Les bonnes « mères à chevrette » doivent être clairement identifiées avant la mise à la reproduction. Tout d'abord, il est impératif de déterminer les chèvres aptes à la reproduction, et parmi elles, celles qui ont le plus de chances de réussite à l’insémination animale (IA). Outre le bon état sanitaire des animaux, les trois critères de choix des futures reproductrices sont l’intervalle entre la dernière mise bas et la mise à la reproduction (au minimum 180 jours), l’âge des animaux (moins de cinq ans ou moins de cinq lactations pour les IA) et le nombre de traitements hormonaux déjà reçus (idéalement moins de trois traitements avec PMSG si un nouveau traitement est envisagé).
Bien choisir le père et la mère
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Une fois identifiées les chèvres aptes à la reproduction, il faut sélectionner celles destinées à produire les futures chevrettes. Ces animaux doivent répondre à deux critères : ne pas présenter de défauts majeurs héritables (chèvres longues à traire, défaut de mamelle, hernie, bègue, paturons écrasés…) et répondre aux objectifs de sélection fixés par l’éleveur (quantité de lait, quantité de matières utiles, cellules, morphologie de mamelle…). Le contrôle de performances officiel reste alors le meilleur outil pour identifier les bonnes chèvres.
De la même façon, les boucs pressentis pour la saillie naturelle doivent être choisis avec précaution, si l’objectif est de garder leurs chevrettes. Outre leur parfait état sanitaire, il faut impérativement porter attention à leurs index ou à défaut aux performances de leur mère. Cependant, les seules caractéristiques des parents ne constituent pas une garantie de qualité génétique. C’est pourquoi, le recours à l’insémination animale est à privilégier. Cela permet d’avoir accès à une grande diversité de boucs dont la valeur génétique est parfaitement connue et de haut niveau. Car attention, un bouc de ferme peut avoir jusqu’à 30 filles par an. S’il a un mauvais potentiel, il risque donc de dégrader significativement et rapidement le niveau génétique du troupeau.
Prendre en compte le taux de renouvellement et l’accroissement du troupeau
Une fois effectué le travail de sélection des mères et des pères, la traçabilité génétique doit se poursuivre en s’organisant pour connaître les parents de chaque chevrette née. Cela passe par une gestion stricte des saillies. L’éleveur veillera à ne pas mettre de boucs dans les lots d’IA dans les 15 jours suivant l’insémination, et il ne mettra qu’un seul bouc par lot de saillie naturelle. Ces précautions permettent de déterminer avec certitude les pères des chevrettes. Une bonne organisation est aussi nécessaire au moment des mises bas pour identifier facilement, et sans aucun doute, les mères des chevrettes juste nées.
Pour déterminer le nombre de chevrettes à conserver à la naissance, il faut définir le nombre de mises bas de chevrettes à avoir pour assurer le taux de renouvellement voulu et prendre en compte les pertes en cours d’élevage. Le renouvellement global doit intégrer le renouvellement de base, celui pour l’augmentation de cheptel et celui pour la sélection. En règle générale, dans un élevage stable et en vitesse de croisière, le taux de renouvellement de base est de 20 %. Lorsqu’il est prévu d’accroître la taille du troupeau, on ajoute les chevrettes permettant l’agrandissement du troupeau. Un accroissement de cheptel avec les chevrettes nées dans l’élevage peut difficilement excéder 40 % en un an. Lorsque l’éleveur veut exercer une pression de sélection sur un critère technique, tout en conservant le même effectif de chèvres traites, il doit augmenter d’autant le nombre de chevrettes à élever.
Un juste équilibre de la pyramide des âges
Pour déterminer le nombre de chevrettes à garder à la naissance ; il faut aussi prendre en compte les pertes en cours d’élevage. Une enquête menée en 2009 par le réseau Inosys - Centre-Val de Loire a montré que le taux de réussite moyen de l’élevage des chevrettes était de 87 %, ce qui veut dire que sur 100 chevrettes conservées à 1 mois, 87 mettent finalement bas. Mais ce taux de réussite peut varier de 75 % pour certains à 97 % pour d’autres. Un taux de perte supérieur à 10 % pendant la phase d’élevage doit être un signe d’alerte.
La pyramide des âges des animaux du troupeau laitier est un bon outil pour gérer le renouvellement. Les chèvres atteignent leur maximum de production entre 3 et 5 ans, soit entre leur seconde et leur quatrième lactation. Au sein d’un troupeau, un équilibre doit être trouvé entre le nombre de chevrettes à faire rentrer dans le troupeau, le nombre de chèvres en forte capacité productive et le nombre de chèvres vieillissantes dont la production est en baisse.
Coté biblio
L’élevage des chevrettes : recommandations techniques pour une croissance réussie
Le tant attendu guide d’élevage des chevrettes prodigue des conseils pratiques pour maîtriser et optimiser la croissance des chevrettes, depuis leur naissance jusqu’à leur première mise-bas. Outre la conduite de l’alimentation, largement documentée, sont aussi abordées les conditions de logement, la gestion de la santé et du bien-être des animaux ainsi que leur mise à la reproduction. Rédigé dans le cadre du Groupe d’alimentation caprine animé par l’Institut de l’élevage, cet ouvrage de référence s’adresse aux éleveurs installés ou en devenir, aux techniciens, aux enseignants et aux étudiants. Illustré de nombreux graphiques, photos et tableaux, ce guide inclut les derniers résultats de la recherche caprine française. Un indispensable pour tous les bons chevriers !
Avis d’expert : Bertrand Bluet, Institut de l’élevage
« Un guide pour améliorer l’élevage des chevrettes »
« Le guide L’élevage des chevrettes : recommandations techniques pour une croissance réussie propose des solutions pour aider les éleveurs et les techniciens à bien faire grandir les chevrettes. Nous n’avons pas la prétention de délivrer la vérité absolue sur comment il faut faire mais plutôt de proposer des solutions qui ont fait leurs preuves dans une diversité de systèmes d’élevage. La rédaction de guide a été initié en 2018 et nous avons pris le temps de faire la somme de toutes les connaissances et expériences pratiques de chacun, et d’échanger entre les nombreux contributeurs. Le guide détaille comment raisonner le renouvellement du troupeau laitier caprin, comment bien loger les chevrettes et la conduite d’élevage jusqu’à la mise bas. »
Proportion du troupeau et production laitière par rang de lactation
Dans un troupeau stable, la pyramide des âges idéale compte 20 % de primipares, 35 % de chèvres en deuxième et troisième lactations et 45 % de chèvres en quatrième lactation et plus. L’âge moyen du troupeau est alors d’un peu plus de quatre ans. Cette composition de troupeau idéal est un compromis entre les chèvres au plus haut de leur potentiel de production, la pression de sélection et l’amortissement des coûts d’élevage.
Repères
Les chèvres au contrôle laitier ont 3,8 ans en moyenne
L’âge moyen des troupeaux caprins au contrôle laitier est de 3,8 ans. Il est le résultat de l’historique du fonctionnement du troupeau : création, réformes, renouvellement, accidents, problèmes sanitaires, conduite de la reproduction… Dans un troupeau avec un effectif stable, un âge moyen supérieur à quatre ans sur plusieurs années est un atout, à condition qu’il soit accompagné d’une production laitière stable ou en hausse. C’est le signe du maintien d’un bon niveau de production des chèvres de plus de quatre ans. Le besoin en chevrettes étant alors plus faible, des économies d’élevage peuvent être réalisées ou la vente de reproducteurs de qualité peut être développée.
Repères
Les secrets d’une bonne chevrette
Une bonne chevrette doit être une future bonne laitière. Pour cela, elle doit être issue d’un accouplement entre deux parents de bonnes valeurs génétiques. Elle ne doit pas présenter de tares physiques (bonne conformation, aplombs corrects, absence de trayons surnuméraires…) et elle doit atteindre suffisamment de poids à la saillie et à la première mise bas. Cette bonne croissance est garante d’une bonne capacité d’ingestion et d’une bonne aptitude à la reproduction. Enfin, elle doit être habituée au régime alimentaire du troupeau laitier afin d’optimiser son niveau d’ingestion.