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Plaidoyer pour l’élevage caprin et les fromagers fermiers lors de l’assemblée générale de la Fnec

Lors de l’assemblée générale de la Fnec dans le Gard, les intervenants ont mis en avant la spécificité fromagère fermière et le rôle de l’élevage dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Pont du Gard

L’assemblée générale de la Fédération nationale des éleveurs de chèvres (Fnec) s’est tenue les 20 et 21 mars « sous un joli soleil gardois », selon les mots de Laurent Portal, le président du syndicat caprin du Gard qui organisait cette rencontre. Mercredi 20, le rassemblement au pont du Gard a permis des retrouvailles et une visite culturelle avant de se rendre sur la ferme de Vanessa et Mathieu Rio, éleveurs de 130 chèvres et producteurs de pélardons fermiers.

Une filière fermière en pleine forme

Le lendemain, étant dans une région exclusivement fermière, l’assemblée générale plénière a mis à l’honneur le travail des fromagers fermiers. « La moitié des éleveurs de chèvres français sont des fromagers fermiers et la moitié sont des livreurs de lait, a introduit Jacky Salingardes, le président de la Fnec. C’est cette complémentarité qui fait la richesse de cette filière. »

« Sur les 6 000 fromagers fermiers français, environ la moitié sont des chevriers, a expliqué Jean-Philippe Bonnefoy, fromager fermier en Saône-et-Loire et vice-président de la Fnec. Et nous sommes l’une des rares filières en élevage où les emplois se maintiennent. » Si les bassins traditionnels de fabrication de fromages de chèvre fermiers comme l’Auvergne-Rhône-Alpes, le Centre-Val de Loire et la Bourgogne sont plutôt en repli, les autres régions sont en expansion. Les fromagers fermiers ont aussi une pyramide des âges équilibrée en termes d’âge et de parité, avec beaucoup d’installations hors cadre familial.

Des cotisations pour les structures communes

« Quand on est producteur fermier, on a trois métiers à maîtriser : celui d’éleveur, celui de fromager et celui de vendeur, explique Julie Barral, conseillère en transformation fromagère à la chambre d’agriculture de l’Hérault. Pour cela, quand on s’installe, il est essentiel d’être accompagné de solides formations. On a une filière qui a une très bonne image auprès des candidats à l’installation, une image même plutôt bucolique. C’est à nous de leur faire comprendre qu’ils se lancent dans une activité qui requiert beaucoup de compétences. » Plaidant pour le maintien des structures d’accompagnement technique de proximité, la conseillère appelle aussi à sensibiliser les éleveurs sur le temps de travail ou les possibles difficultés techniques.

« Les fermiers passent des messages sur notre très beau métier »

La filière fromagère fermière a la chance d’avoir un réseau de techniciens produits laitiers fermiers. « C’est un réseau précieux pour avoir accès à des ressources techniques ou à de la veille réglementaire, pour échanger sur des difficultés ou des questions fromagères », apprécie Julie Barral. Au niveau local aussi, les structures d’appui aux producteurs sont essentielles pour qu’ils puissent être mieux armés face aux services vétérinaires et qu’ils soient moins isolés. « C’est important de se retrouver entre chevriers pour prendre du recul et faire avancer les choses, témoigne Jean-Philippe Bonnefoy. On ne peut pas être résilients si on est isolés. On l’a bien vu au moment du Covid où le réseau s’est mis en branle pour que les marchés puissent rouvrir et que l’on puisse revendre nos fromages. »

Jacky Salingardes, président de la Fnec et ancien président de l’Anicap, appelle à ce que les fromagers fermiers soient plus nombreux à cotiser à l’interprofession caprine : « L’interprofession défend les fromagers fermiers et finance des études. Mais il faut des moyens pour travailler. Ce n’est pas en payant quatre sous de cotisations que vous allez vous ruiner ! » Rappelons que pour les producteurs laitiers fermiers, la cotisation est de 4 euros pour 1 000 litres. « La production fermière a toute sa place à l’Anicap, rassure Mickaël Lamy, éleveur laitier du Maine-et-Loire et actuel président de l’interprofession. Les fromagers fermiers portent des valeurs et une authenticité qui tirent tout le monde vers le haut. Mais il faut des moyens pour mener des projets de recherche et développement qui vont étayer les argumentaires. »

Gare aux réglementations trop strictes

Jean-Philippe Bonnefoy

« On fait un très beau métier, reconnaît Jean-Philippe Bonnefoy. On part d’une parcelle de terrain et on fabrique du fromage. On apporte une énorme valeur ajoutée au monde agricole. À chaque fois que l’on a une relation commerciale avec un client, on peut faire passer des messages très simples sur l’élevage. Pourquoi il faut un chevreau pour avoir du lait ? Pourquoi parfois il y a du lait et des fois il n’y en a plus ? On est tous les jours à parler de cela, et on porte nos convictions, car on ne s’installe pas sans conviction. Face aux âneries que l’on peut entendre, on a un énorme pouvoir de communication pour parler de notre super métier et de notre saine relation au vivant. »

Les deux experts ont aussi appelé à avoir une réglementation adaptée à la filière fromagère fermière, saluant le guide des bonnes pratiques d’hygiène ou la flexibilité dans l’application de certaines réglementations sanitaires. « Notre cœur de métier, c’est de nourrir les animaux, les loger correctement et d’être vigilants sur leur état de santé, explique le producteur fermier. À chaque fois que l’on rajoute une couche de réglementation ou de papiers administratifs à remplir, c’est autant de temps en moins avec nos animaux ou nos fromages. »

Le départ de Sophie

Craignant un durcissement des obligations face aux Stec (Escherichia coli producteurs de shigatoxines), Jean-Philippe Bonnefoy défend le lait cru. « On nourrit nos clients avec un microbiote qui bénéficie à la santé de nos clients. Si demain, les producteurs sont obligés de pasteuriser leur lait à cause d’autocontrôles trop coûteux, on aura tout perdu. » Dans son discours enregistré en vidéo, le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a affirmé poursuivre la simplification pour alléger la charge administrative.

L’assemblée générale s’est terminée par le discours de clôture du président qui a salué le travail accompli par l’équipe de la Fnec. Notamment celui de Sophie Espinosa qui a été directrice de la Fnec pendant quinze ans et qui va prochainement laisser sa place.

Deux administrateurs salués

Jacky Salingardes, Laurence Gueit et Franck Moreau

En soirée du mercredi 20 mars 2024, un dîner de gala aux Truffières d’Uzès a permis à Jacky Salingardes, président de la Fnec, de remercier Laurence Gueit et Franck Moreau, deux administrateurs engagés de longue date à la Fnec. « Avant que tu prennes ta retraite Laurence, je voulais saluer ta détermination et ton incroyable capacité à garder le sourire quelles que soient les circonstances. Tu es bien plus qu’une simple représentante syndicale, tu es une source d’inspiration pour bon nombre d’entre nous. » Le président de la Fnec a aussi salué le travail accompli par son « compère » Franck Moreau, notamment pour structurer la filière de la viande caprine. « Quand on accepte ces responsabilités, il y a des conséquences sur nos fermes, car on est à l’extérieur une partie de la semaine, reconnaît Franck Moreau. Mais la vraie richesse du syndicalisme, c’est la richesse humaine de la connaissance des personnes. »

L’élevage caprin, une solution pour le climat !

Si l’élevage de ruminants est émetteur de gaz à effet de serre, il est aussi une solution à de nombreux problèmes. Il faut chercher à adapter la production de lait de chèvre plutôt qu’à la supprimer.

Dominique Verneau

Chacun à leur façon, Dominique Verneau, membre des Shifters et ancien président de l’Anicap, et Jean-Louis Peyraud, directeur scientifique adjoint agriculture à l’Inrae, ont défendu la place de l’élevage face au changement climatique. Leurs deux présentations ont réaffirmé le rôle de l’élevage dans la lutte contre le changement climatique puisque, en France, il est responsable de 8 à 9 % des gaz à effet de serre.

Pas de solution miracle

Dans un contexte d’accroissement de la demande mondiale en produits animaux, les débats résident dans les moyens à mettre en place dans la filière pour réduire ces émissions. « Débats souvent trop simplistes », déplorent les intervenants. Si la réduction de l’élevage peut parfois apparaître comme l’une de ces solutions, Jean-Louis Peyraud précise que « réduire la taille du cheptel français reviendrait à augmenter les importations de viande depuis le continent américain, ce qui aurait pour conséquence de faire exploser les émissions de gaz à effet de serre. » Il rappelle les effets bénéfiques souvent oubliés de l’élevage sur le climat, tels que la valorisation des terres à faible intérêt agronomique ou peu accessibles, le maintien des prairies, le défrichage des forêts limitant le risque de feu. Indirectement, l’élevage favorise même la diversification et la rotation des cultures, puisque les ruminants consomment une grande diversité de protéines végétales.

Diversifier pour moins risquer

Les voies de progrès résident dans un élevage plus agroécologique et circulaire, permis notamment par la réduction des émissions de gaz à effet de serre du troupeau. À l’échelle de l’exploitation, cela passe par de nombreuses pratiques : optimiser l’alimentation des animaux (fourrage de qualité, pâturages), capter le carbone dans les prairies (agroforesterie, diversification, légumineuses) ou encore la méthanisation. « En plus de permettre de viser une réduction de 30 à 40 % des émissions de méthane issues de l’élevage d’ici à 2030, ces pratiques apportent de nombreux autres avantages », ajoute Jean-Louis Peyraud. La polyculture élevage et la diversification des cultures permettent, par exemple, une meilleure autonomie en protéines, une plus grande résilience face aux événements climatiques, une alimentation sans OGM, moins de transports, etc. « Des efforts doivent également être fournis par la transformation et la distribution pour encourager ces pratiques-là, qui ne pourront pas être uniquement portées par l’éleveur », reconnaît Dominique Verneau.

Pour répondre aux différentes interrogations de la salle, Jean-Louis Peyraud affirme que comme toutes les filières, l’élevage caprin a son rôle à jouer dans la lutte contre le changement climatique : « Même si la filière caprine ne représente qu’une infime part des émissions de gaz à effet de serre, si elle n’évolue pas en profondeur, la part des émissions associée au secteur agricole ne représentera plus 18 mais 30 % dans quelques années. »

Coté web

Le rapport d’activité en ligne et en vidéo

Le rapport d’activité 2023 est en ligne sur le site fnec.fr/rapport-dactivite-2023/. Lors de l’assemblée générale, il a été présenté sous la forme d’une vidéo de cinq minutes (https://youtu.be/AU50aMTQOxc), de même que le discours du ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau (https://youtu.be/S3_KZQO-F0w).

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