Pâturer des parcours, un savoir-faire
Bien nourrir ses chèvres sur les parcours sans faire régresser la ressource nécessite de déployer un certain savoir-faire.
Bien nourrir ses chèvres sur les parcours sans faire régresser la ressource nécessite de déployer un certain savoir-faire.
Il est essentiel de bien appréhender le territoire avant d’opter pour une stratégie pastorale pour l’alimentation des chèvres. Il faudra dans un premier temps repérer les ressources disponibles à proximité de l’exploitation puis accompagner les chèvres sur leur circuit pour observer leur comportement, les zones qu’elles choisissent, surveiller leur impact sur la végétation. Mieux vaut sous-évaluer le potentiel pastoral à valoriser au démarrage et augmenter ensuite la pression de pâturage progressivement, mais sans dépasser un tiers de prélèvement sur le disponible. La ration distribuée pourra aussi être ajustée en surveillant la courbe de lactation.
Le berger s’appuie sur le comportement des animaux
Le mode de conduite du troupeau va influencer sur le prélèvement effectué par les animaux. Le gardiennage va permettre d’accompagner la mobilisation de la ressource par les animaux en observant la logique du troupeau. Le berger va s’appuyer sur le comportement spontané des animaux, et le renforcer lorsqu’il permet d’assurer leur alimentation ou le freiner quand il risque d’aboutir à des prélèvements excessifs. Il doit ainsi constituer un circuit permettant d’enchaîner des secteurs ressource et mettre en mouvement les bêtes, à intervalle régulier lorsqu’elles se lassent au pâturage ou qu’elles stationnent trop longuement sur un même point et risquent d’y prélever une fraction trop importante de la ressource ligneuse. Si l’espace disponible est suffisamment vaste (3 à 4 ha/chèvre), on peut aussi pratiquer le lâcher dirigé : le berger choisit le démarrage des circuits en fonction du temps, de la saison, ou de l’état physiologique des chèvres avant de laisser les animaux sélectionner librement leur secteur. Le GPS est une technologie qui peut servir en appui à ces modes de gardiennage partiel, en permettant l’envoi d’un message sur le téléphone portable si les chèvres dépassent une limite préalablement fixée ou de reconstituer les circuits quotidiens et ainsi ajuster la conduite pour mieux valoriser la ressource. La conduite de troupeau caprin en parc nécessite de se donner des limites de durée de pâturage très strictes et des indicateurs de vérification sur les niveaux de prélèvements sur certaines espèces cibles. Si le parc comporte un relief marqué, une pression de prélèvement différenciée est inévitable en fonction notamment de la pente. Le risque d’épuisement des ressources ligneuses est plus important en parc car l’on tend souvent à laisser les bêtes pâturer la ressource quelques jours de plus par commodité !
La chèvre doit apprendre à consommer des parcours
Les choix alimentaires de la chèvre sont appris lorsqu’elle est jeune et ????? entretenus ????? par l’habitude : elle doit découvrir que les arbustes sont bons pour elle pour ensuite y revenir spontanément. Les chevrettes doivent donc sortir dès que possible et avant leur première mise bas sur parcours afin de découvrir le milieu et les plantes consommables. Si elles ne peuvent pas sortir avec le troupeau, les mettre dans un parc adapté avec quelques chèvres de réforme qui leur montreront comment valoriser l’espace. Le fourrage distribué en parallèle ne doit pas être trop fin pour permettre un bon développement de la panse et une habitude d’ingestion d’aliments grossiers. Plus la gamme de végétation mise à sa disposition est riche et variée, plus sa flore intestinale s’enrichira et contribuera à la bonne digestion de sa ration prélevée au pâturage. Ce comportement se transmet de génération en génération et quand la chevrette tête le colostrum à sa naissance, elle ingère ainsi toute la gamme des micro-organismes nécessaires !
Quelle complémentation apporter ?
Le foin distribué peut entrer en concurrence directe avec les fourrages grossiers prélevés au pâturage. Mieux vaut donc distribuer une petite quantité (200 à 300 g) de très bon foin une heure avant la sortie afin d’encourager l’animal à compléter sa ration au pâturage par des éléments plus grossiers sur parcours ligneux. Ce foin ne doit pas être distribué le soir car la chèvre l’anticiperait en diminuant son activité de pâturage durant les deux dernières heures. En cas de sortie écourtée (intempéries, organisation du travail), on pourra distribuer 500 g à 1 kg de foin de qualité médiocre avant de sortir les animaux. Un apport limité (500 g à 1 kg) de foin médiocre (ou de refus) pourra être distribué en retour de pâturage afin de rééquilibrer la ration des animaux, s’ils ont consommé au pâturage des fourrages très riches en matières solubles (jeunes pousses, légumineuses, glands ou châtaignes) et de la compléter si leur activité au pâturage a été perturbée.
Un concentré favorisant l’action des bactéries cellulolytiques
L’apport d’un aliment concentré permet de pallier une déficience de consommation d’éléments nutritifs à partir des fourrages. Mais au-delà de 15 % de la matière sèche totale ingérée, ils perturbent la digestion des fourrages et découragent leur consommation. Pour encourager l’animal à prélever une ressource grossière, fibreuse, cellulosique, il faut un concentré favorisant l’action des micro-organismes cellulolytiques. Un concentré comprenant un mélange bien équilibré des divers substrats (énergie, azote et minéraux) distribué en quantité limitée et fractionné en deux repas y contribuera. La ration des animaux doit aussi être équilibrée en minéraux, car les bactéries cellulolytiques ont particulièrement besoin de phosphore, souvent déficient en milieu calcaire. Il est donc très important de fournir avec les concentrés un mélange minéral très enrichi en phosphore afin de corriger au jour le jour la ration pâturée. Ne pas oublier également de laisser la possibilité aux animaux de lécher quotidiennement des blocs de sel, facteur de motivation au pâturage. Le lieu de distribution est également important : on peut piloter le pâturage en installant sur un secteur délaissé un point d’abreuvement, des pierres à sel ou encore un apport de concentré ou de « bon » foin. Enfin, la disponibilité en eau est importante pour motiver les chèvres au pâturage et ce d’autant plus sur ressource spontanée grossière, sèche ou lignifiée.