« Nous sommes passés de 400 à 220 chèvres pour retrouver de l’autonomie »
En installant un séchage en grange et en optimisant leur système, le Gaec Les chèvres de Coubisou a progressivement désintensifié l’exploitation pour retrouver davantage d’autonomie. La réduction du cheptel s’est accompagnée du passage au bio et du développement de la transformation laitière.
En installant un séchage en grange et en optimisant leur système, le Gaec Les chèvres de Coubisou a progressivement désintensifié l’exploitation pour retrouver davantage d’autonomie. La réduction du cheptel s’est accompagnée du passage au bio et du développement de la transformation laitière.
En quelques années, le Gaec Les chèvres de Coubisou, à Coubisou dans l’Aveyron, a complètement changé de configuration : séchage en grange, réduction du cheptel, augmentation du pâturage, fabrication fromagère, passage au bio, nouvelle associée… Les éleveurs ont progressivement amélioré l’autonomie de leur système.
L’introduction du séchage en grange, en 2017-2018, conjointement à l’abandon de l’ensilage de maïs, s’est avérée être une décision fructueuse. « Nous avons gagné environ 20 % de fourrage, observe Matthieu Alazard, l’un des associés. Il n’y a pas de pertes par les moisissures comme en ensilage ou en enrubannage. Et il y a aussi environ 10 % de refus en moins. » Le séchoir dispose de trois cellules, les premières coupes dans la première cellule, la deuxième dans la deuxième, puis le reste dans la troisième cellule. D’une capacité de 220 tonnes de foin, le séchoir permet d’accueillir les coupes d’environ 27 hectares de luzerne ou de prairies enrichies en légumineuses. Les coupes commencent généralement début avril et s’étendent jusqu’à fin septembre. Entre-temps, des coupes ont lieu régulièrement, toutes les cinq semaines environ, sur les prairies temporaires.
Un séchage en grange subventionné
Pour assurer cette régularité, le Gaec dispose de matériel d’irrigation en Cuma, mais n’irrigue que les parcelles de légumineuses et seulement quand il fait très sec ou au semis. « L’irrigation nous évite d’acheter des tourteaux qui viennent de Pétaouchnock et assure l’implantation des légumineuses s’il n’a pas plu fin août-début septembre. » La ressource en eau est ainsi préservée et l’irrigation n’a, par exemple, lieu que si la parcelle a moins de quatre ans et que si elle a au moins 50 % de légumineuses. « En passant de l’ensilage de maïs et de l’enrubannage de fourrage au séchage en grange, on a fait de grosses économies sur l’eau », se félicite l’éleveur de 44 ans.
Après les subventions, le reste à charge du séchage en grange était d’environ 150 000 euros en 2018. En étant jeunes agriculteurs, en élevage bio et zone de montagne, la subvention était maximale, à hauteur de 45 % de l’investissement. Mais étant entre 310 et 800 mètres d’altitude et dans des zones à fortes pentes, « ces aides sont justifiées. Ici, l’outil que l’on renouvelle le plus, c’est la débroussailleuse… », se défend Matthieu Alazard.
Baisse du cheptel pour plus d’autonomie
Parallèlement, les chèvres ont augmenté leur temps de sortie avec un pâturage au fil avant et fil arrière changé quotidiennement. « On essaie de les mettre un maximum au pâturage sur l’année. Par contre, pour éviter le parasitisme, on fait attention à ce qu’elles ne reviennent pas sur la même parcelle deux fois dans l’année. Elle mange une fois la parcelle et après, c’est la fauche. » En ne sortant que trois à quatre heures par jour, les chèvres n’ingèrent qu’un tiers à un quart de leur ration quotidienne, mais c’est un choix pour ne pas risquer d’avoir des parasites.
En 2014, Sandrine Alazard rejoint le Gaec avec l’idée de faire du fromage. Grâce à la meilleure valorisation des fromages, le Gaec a alors diminué le nombre de chèvres pour gagner du temps et de l’autonomie. Le troupeau est ainsi passé de 400 chèvres en 2014 à 240 l’an dernier sur 45 hectares, dont 10 hectares non mécanisables qui ne servent pas aux chèvres. « Pour être autonome, soit je tue le voisin pour récupérer ses terres, sois on diminuait le nombre d’animaux », plaisante Matthieu.
Plus d’achat de fourrage quand il pleut
À l’époque des 400 chèvres et des 400 000 litres de lait livrés, le chargement dépassait les 3 UGB par hectare de surface fourragère pour un potentiel autour de 2, et il fallait acheter 80 % des aliments. « Je faisais venir neuf camions de 25 tonnes de luzerne déshydratée en granulé par an, se souvient Matthieu Alazard. C’étaient des grosses sommes d’argent. Nous faisions vivre du monde mais nous, nous ne vivions pas. » Aujourd’hui, le système a retrouvé l’autonomie en fourrage grossier et en paille. En réintroduisant un méteil de céréales, l'achat de concentrés a diminué. Ainsi, la rotation de l’exploitation est basée sur l’herbe et la céréale. Sur un bloc de 30 hectares, il y a une alternance de prairies de longue durée de quatre à cinq ans soit à dominante de luzerne soit à base d’autres légumineuses entrecoupées d’une céréale à paille.
En 2023-2024, le Gaec a dû acheter un peu plus de tourteaux, car les fourrages 2023 n’ont pas été des plus réussis. « Les années pluvieuses, tu fauches un peu plus tard et les premières coupes ne valent pas grand-chose. Et les coupes suivantes, il n’y a pas trop de légumineuses à cause de la pluie », observe Matthieu.
Le bio a conforté le besoin d’autonomie
Le développement de la transformation laitière répond aux objectifs des éleveurs qui souhaitaient maîtriser un produit, de la production de lait à la vente directe aux consommateurs. Ils voulaient retrouver aussi le contact et la satisfaction des consommateurs. Aujourd’hui, environ 10 % du lait produit est transformé en fromage, soit 20 000 des 200 000 litres produits.
Mais si la production laitière a baissé, le produit global de l’atelier caprin (laiterie + transformation) est resté stable. Aujourd’hui, l’atelier fromagerie et vente directe représente environ un tiers du chiffre d’affaires. La marge brute ramenée aux 1 000 litres a progressé de 30 %, passant de 450 à 650 euros. « On cherche moins le volume, mais plutôt la valeur ajoutée. »
En 2020, le Gaec démarre sa conversion en bio par conviction et pour répondre à la demande de leur laiterie Terra Lacta. Ce passage en bio a aussi renforcé ce besoin d’autonomie. Deux ans plus tard, et après la soudaine disparition de Thierry, le frère aîné de Matthieu, le Gaec s’est agrandi en 2023 avec l’arrivée de Claire Cros. Son installation a conforté l’idée de faire de la transformation fromagère et le Gaec va investir dans une nouvelle fromagerie et magasin de vente davantage tourné vers l’agrotourisme avec des activités telles que les goûters à la ferme.
Une nuit sur deux à vendre des glaces dans les marchés de producteurs
L’été aveyronnais est chaud, et Matthieu Alazard aime à vendre les produits de la ferme dans les marchés de producteurs. Dans ces marchés nocturnes et animés, crêpes et glaces à l’italienne au lait de chèvre sont vendues aux touristes et locaux. « Au début, nous vendions des fromages, puis des samoussas et des salades avec du fromage de chèvre et du miel, mais c’est avec les desserts que ça marche le mieux », constate Matthieu Alazard. S’il arrive à valoriser le litre de lait à plus de 4 euros grâce à ces ventes estivales et nocturnes, c’est souvent au prix d’une grosse mobilisation. « C’est une nuit sur deux pendant l’été et parfois à plusieurs heures de route. » Avec l’aide de saisonniers et de stagiaires, ces ventes estivales se terminent par un mini-festival de théâtre à la ferme avec 150 spectateurs et 120 repas à base de chevreau à l’oseille, aligot, glaces et crêpes.
Voir aussi : GO PEI Cap&Go : Le séchage en grange pour produire des fourrages adaptés aux caprins