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Manon Morin, éleveuse dans la Drôme
« Nous sommes démunis et épuisés face au loup »

Si l'on compte moins de chèvres que de brebis parmi les victimes d'attaques de loups, les éleveurs caprins des zones de prédation sont eux-aussi sous pression. La présence du prédateur les oblige à investir dans des clôtures, des chiens de protection et à modifier leurs pratiques d'élevage. Manon Morin et son conjoint Florian sont producteurs fermiers dans la Drôme. La jeune éleveuse partage le quotidien de leur exploitation via des vidéos postées sur Youtube et Facebook. Elle y aborde régulièrement la question du loup.

© J. L.

« Depuis notre installation sur la ferme familiale en 2018, la présence du loup s’est accentuée et la situation s’est fortement dégradée. Malgré les dispositifs de protection importants mis en œuvre, la proximité de deux meutes, de cinq et dix individus, nous met sous pression. Même en journée, il arrive que les loups rodent le long des clôtures, malgré la présence humaine, malgré les patous.

Pour protéger notre troupeau de 120 chèvres, nous avons deux chiens de protection et un troisième va nous rejoindre cet hiver. Si leur présence peut rassurer, la charge de travail que leur dressage implique est énorme. Et nous devons sans cesse expliquer aux riverains la raison de leur présence, gérer les conflits liés aux aboiements…

Depuis quelques mois, nos chèvres ne vont plus dans deux parcelles parce que nous ne pouvons pas les surveiller depuis la chèvrerie. J’ai aussi réduit le périmètre du parcours au retour du pâturage et je n’emmène les chèvres que si mon conjoint est à proximité.

Il y a quelques semaines, j’ai dû laisser les chèvres dans le bâtiment parce les loups hurlaient, en pleine journée, juste au-dessus des prairies. Nous sommes démunis et seuls : tant qu’il n’y a pas d’attaque, les brigades loup n’interviennent pas.

 

Nous sommes fatigués et stressés. Je me lève à une heure du matin pour aller voir si les vaches, qui dorment dehors jusqu’aux vêlages, vont bien. Si je ne suis pas contre la présence de loups, des meutes de plus de quatre individus sont impossibles à gérer pour nos patous. Et pendant que nous mettons en place les clôtures anti-loup, que nous éduquons les chiens… les fromages ne se font pas !

Je communique sur le sujet de la façon la plus raisonnée possible pour expliquer notre quotidien, faire entendre notre voix. De nombreux agriculteurs m’ont contactée suite aux vidéos que j’ai postées sur les réseaux sociaux. Nous voulons que l’Etat prenne enfin des décisions. Les meutes sont localisées, il est nécessaire de réaliser des prélèvements préventifs intelligents pour réduire leur taille. En attendant, bon courage à tous les éleveurs des Alpes ! »

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