Dix ans d’expérimentation Patuchev
Après dix années de fonctionnement, la ferme expérimentale Inrae de Lusignan, dans la Vienne, nous livre ses premiers résultats. L’expérimentation Patuchev a consisté à mettre en place trois conduites d’élevages caprins de 60 chèvres chacun, avec pour objectif d’atteindre une autonomie maximale tout en maintenant une productivité élevée. Grâce à l’utilisation de prairies multi-espèces, du méteil, du pâturage, de rotations longues et du séchage en grange, les trois systèmes caprins parviennent à allier productivité et autonomie. Qu’elles soient en saisonné ou en désaisonné, les chèvres réussissent à produire du lait avec une alimentation principalement composée d’herbe. Immersion dans cette ferme innovante avant la journée technique caprine Cap’Vert du 10 octobre.
Après dix années de fonctionnement, la ferme expérimentale Inrae de Lusignan, dans la Vienne, nous livre ses premiers résultats. L’expérimentation Patuchev a consisté à mettre en place trois conduites d’élevages caprins de 60 chèvres chacun, avec pour objectif d’atteindre une autonomie maximale tout en maintenant une productivité élevée. Grâce à l’utilisation de prairies multi-espèces, du méteil, du pâturage, de rotations longues et du séchage en grange, les trois systèmes caprins parviennent à allier productivité et autonomie. Qu’elles soient en saisonné ou en désaisonné, les chèvres réussissent à produire du lait avec une alimentation principalement composée d’herbe. Immersion dans cette ferme innovante avant la journée technique caprine Cap’Vert du 10 octobre.
En 2013, Inrae a mis en place l’expérimentation-système Patuchev à Lusignan, dans la Vienne, avec un défi majeur : « Quels systèmes d’élevage permettent d’assurer une meilleure autonomie en intrants, tout en maintenant des niveaux de production et de revenus satisfaisants ? ». L’objectif est de maximiser l’usage de l’herbe, sous forme de pâturage ou de foin, dans l’alimentation des chèvres, afin de promouvoir une agriculture productive et durable, respectueuse des ressources naturelles et de l’environnement.
Lire aussi : Comment Patuchev parvient à faire du lait avec de l’herbe
« À l’époque, nous sortions d’une crise marquée par une flambée des coûts des matières premières et une baisse du prix du lait due à des surstocks », se rappelle Hugues Caillat, responsable de l’expérimentation Patuchev. Les éleveurs ayant une faible autonomie alimentaire ont été particulièrement touchés, avec de nombreux arrêts d’activité. L’herbe est apparue comme une solution viable pour produire du lait sans recourir massivement aux concentrés. À cette période, la demande des laiteries en lait d’hiver était forte, ce qui a conduit à opter pour le désaisonnement des troupeaux pour deux des trois lots de Patuchev. « Nous avons voulu étudier le risque de désaisonner et de nourrir les chèvres au pâturage », se souvient Hugues Caillat.
Un bon équilibre dans les prairies
L’expérimentation-système Patuchev consiste à évaluer trois conduites d’élevage de chèvres. Trois troupeaux de 60 chèvres diffèrent soit par la période de reproduction (en avril ou en septembre), soit par l’utilisation de la prairie (en pâturage ou par du foin séché en grange). « Nous cherchons à évaluer les performances économiques, environnementales et sociales des conduites mises en place, explique Hugues Caillat. Nous mesurons sur le long terme un ensemble d’indicateurs concernant les prairies et l’animal. Par exemple, sur les prairies, nous évaluons leur niveau de production mais également leur composition et leur niveau de valorisation par la chèvre. »
Trois troupeaux de 60 chèvres qui cherchent à produire du lait en maximisant l’autonomie alimentaire
Les cinq premières années ont été consacrées à la mise en place du système et à l’appropriation des choix techniques, notamment le désaisonnement de deux lots de chèvres. Au fil du temps, la ferme a progressé sur de nombreux points. « Par exemple, le foin que nous produisons aujourd’hui est de bien meilleure qualité que celui que nous faisions il y a huit ans. Maintenant, nous avons trouvé un bon équilibre dans nos mélanges prairiaux et nous récoltons l’herbe au moment optimal », souligne Hugues Caillat. Grâce à ce foin de qualité, la ferme parvient à maintenir des niveaux de production corrects avec 81 % d’autonomie alimentaire.
Plus de quatre kilos de lait avec l’herbe pâturée
Par rapport aux objectifs techniques initiaux, la ferme expérimentale s’en sort bien. « Nos chèvres produisent jusqu’à 4,5 kilos de lait par jour au pic de lactation, avec une alimentation composée à 100 % d’herbe pâturée et 800 grammes de concentrés, dont une grande partie est produite sur la ferme », se réjouit Hugues Caillat. Un autre atout de Patuchev réside dans son partenariat avec le réseau d’élevage RedCap, qui a permis des échanges fructueux avec les éleveurs de Nouvelle-Aquitaine et des Pays de la Loire, favorisant une dynamique autour de l’utilisation de l’herbe. Cette dynamique sera mise en avant lors de la journée technique caprine Cap’Vert, qui se tiendra le jeudi 10 octobre sur le site Inrae de Lusignan (infos et inscription sur redcap.terredeschevres.fr).
Mise en garde
Une ferme expérimentale n’est pas une ferme de référence
Une ferme expérimentale comme le dispositif Patuchev d’Inrae de Lusignan n’a pas pour vocation d’être un modèle avec des résultats techniques exemplaires. Son rôle est plutôt de prendre des risques dans une certaine orientation et de produire des données. « Par exemple, nous avons mis tous les animaux à la reproduction, y compris ceux ayant déjà échoué, explique Hugues Caillat. Cette pratique pénalise les résultats, mais elle permet de produire des données scientifiques précieuses, qui sont archivées et serviront ultérieurement à la communauté scientifique. »
« L’autonomie alimentaire grâce à l’herbe »
L’autonomie alimentaire de l’expérimentation Patuchev est assurée par l’alimentation à base d’herbe et par les méteils. Explications d’Hugues Caillat, ingénieur Inrae et responsable de l’expérimentation Patuchev.
« Notre objectif est d’améliorer l’autonomie alimentaire en atteignant au moins 80 % d’autonomie à l’échelle de l’exploitation. Pour cela, nous maximisons la consommation d’herbe par les chèvres et produisons nos concentrés sur place. Dans toutes les conduites, nous limitons l’utilisation de molécules de synthèse. Pour arriver à produire 800 litres de lait par an, il faut faire consommer beaucoup de fourrage. Et pour cela, le fourrage doit être de très bonne qualité. Aujourd’hui, nous avons dépassé nos objectifs avec plus de 70 % de fourrage dans la ration. En comparaison, la moyenne nationale est plutôt autour de 55 %. »
Un Patuchev 2 en cours de réflexion
Un nouveau dispositif, Patuchev 2 (dont le nom reste à définir), est en cours de réflexion, avec pour ambition de renforcer le lien entre la polyculture et l’élevage. « Dans la première version, nous avions mis l’accent sur l’autonomie à l’échelle de l’exploitation, explique Hugues Caillat. Désormais, nous envisageons de viser une autonomie à l’échelle du territoire pour encourager davantage d’échanges entre céréaliers et éleveurs. »
Les nouvelles expérimentations intégreront des lactations longues avec des inséminations sur chaleurs naturelles. Les laiteries continuent de vouloir du lait toute l’année, mais il semble maintenant plus intéressant de le produire par des chèvres en lactation longue plutôt qu’en désaisonnant. Une des questions abordées sera également la réduction de l’empreinte carbone de l’élevage. Enfin, les recherches porteront sur l’amélioration du bien-être animal et la prise en compte du confort des animaux dans un contexte de changement climatique.
Ce Patuchev 2 devrait s’inspirer des orientations de la filière caprine de demain. Il intégrera également les notions de compétitions feed/food/fuel, c’est-à-dire que les terres devront d’abord produire pour l’humain avant de produire pour les animaux, mais que ces derniers devront valoriser les coproduits des cultures. Dans ce cadre, l’élevage est en concurrence avec la méthanisation, et Inrae devra mesurer les services supplémentaires que l’élevage peut offrir (fertilisation, paysages, protéines animales…). « Dans un système sans pesticides ni fertilisants, les systèmes en polycultures auront besoin de légumineuses dans leurs rotations, et donc nécessairement d’animaux pour les valoriser », prédit Hugues Caillat. Le nouveau dispositif ne devrait pas voir le jour avant 2026 et inclura probablement un plus grand nombre d’animaux pour renforcer la robustesse des résultats.
Les résultats techniques face aux objectifs techniques initiaux
Après dix ans d’expérimentation, les trois systèmes ont globalement atteint leurs objectifs. Certains ont été dépassés, comme la part de fourrage ou la production de matière utile par chèvre. Mais d’autres peinent encore à être atteints comme les quantités de concentrés distribués pour les trois lots et qui restent légèrement supérieurs à 300 kilos par chèvre et par an. « Il n’y a pas de système meilleur que d’autres mais il y a des chemins différents pour atteindre les mêmes objectifs », explique Hugues Caillat. Les résultats sont relativement proches entre les lots désaisonnés bâtiment et saisonnés pâturage. La part de fourrages dans la ration est identique, l’une avec le foin séché en grange et l’autre par 163 jours de pâturage dont 68 jours sans apport de foin en complément. « Attention cependant à ne pas les comparer, avertit Julien Quénon, post-doctorant à Inrae. L’enjeu est de trouver plusieurs solutions plutôt que de les opposer. »