Des leviers pour améliorer le rendement en fromages lactiques
Un lait riche et sain, un caillé ferme manipulé avec précaution et la maîtrise des conditions d’ambiance à l’affinage vont permettre d’optimiser son rendement fromager.
Un lait riche et sain, un caillé ferme manipulé avec précaution et la maîtrise des conditions d’ambiance à l’affinage vont permettre d’optimiser son rendement fromager.
Le gain de rendement est un objectif dans toute entreprise. En fromagerie, si une différence de quelques grammes peut sembler insignifiante sur la production de fromages journalière, elle peut facilement peser sur le plan économique rapporté à l’année et sur l’ensemble des fromages. De l’élevage à l’affinage en passant par la traite et la transformation, la maîtrise d’un ensemble de paramètres va permettre de gagner ou du moins de ne pas perdre de matière.
Sélectionner les animaux et équilibrer leur ration
Le taux protéique (et plus précisément la teneur en caséines, protéines coagulables du lait) compte pour beaucoup dans la formation du rendement. On estime qu’un point de TP gagné correspond à une hausse de 330 à 590 grammes de fromage par 100 litres de lait. Le taux butyreux ne doit pas non plus être trop faible. Un point de TB supplémentaire ferait gagner entre 90 et 165 grammes de fromage pour 100 litres. L’idéal est d’obtenir un rapport matière grasse sur matière protéique (TB/TP) compris entre 1,1 et 1,15. En effet si ce rapport est trop faible, les fromages auront une capacité très rapide à exsuder le sérum et l’égouttage sera plus important, réduisant le rendement. À l’inverse un rapport trop élevé donnera un meilleur rendement en frais mais posera problème à l’affinage : l’égouttage perturbé pourra entraîner des problèmes de flore de surface et une durée de conservation limitée.
Contrôler les performances, en taux, de chaque animal doit permettre d’adapter au mieux la ration à chacun. Un apport d’énergie et de protéines équilibré et adapté au niveau de production de l’animal permet d’améliorer le TP, de même qu’un fourrage de qualité. Si l’alimentation permet d’agir à court terme, il est possible à plus long terme d’agir sur la génétique. La teneur de caséines dans le lait est un caractère héritable et les variants forts pour ce caractère peuvent produire jusqu’à 6 grammes de caséines en plus par litre (soit un potentiel de rendement supérieur de 15 %). Il y a donc tout intérêt à sélectionner les animaux sur leurs taux et leur production de caséines.
Gérer les mammites et avoir une bonne hygiène de traite
Les laits issus de mammites ont un pH plus élevé ce qui entraîne un allongement du temps de coagulation. Le caillé risque alors d’être plus mou, et on aura plus de perte dans le lactosérum. De plus, leur teneur en protéines solubles (non coagulables) augmente, au détriment des caséines. Une bonne prévention des infections mammaires aidera donc à améliorer le rendement. Pour cela, il est essentiel de veiller à avoir des trayons propres et secs, notamment par une bonne gestion des litières.
De plus, une mauvaise hygiène lors de la traite et du stockage du lait favorise la présence de germes d’altération comme les Pseudomonas. Susceptibles d’induire de la lipolyse ou protéolyse (dégradation de la matière grasse et protéique), ils réduisent l’aptitude à la coagulation. Pour éviter ces problèmes, il faut respecter les bonnes pratiques de nettoyage et d’entretien de la machine à traire. Une dérive de la température ou de la concentration du détergent par exemple peut permettre l’installation d’un biofilm non maîtrisé. Ces paramètres doivent être contrôlés régulièrement grâce au dispositif Net’traite. Il est aussi important de traire avec un matériel sec, les eaux résiduelles étant très chargées en Pseudomonas. Ainsi un séchage rapide et efficace de l’ensemble de la machine à traire doit être réalisé. En cas de problèmes avérés liés à Pseudomnas, un nettoyage drastique et un détartrage sont à pratiquer à court terme. L’eau étant un vecteur quasi-systématique en Pseudomonas, un traitement de l’eau peut s’avérer nécessaire pour réduire la pression de la contamination, en ponctuel ou continu.
Éviter les chocs au transport et refroidissement du lait
Les chocs mécaniques (agitation) et thermiques (congélation, pasteurisation) ainsi que le mouillage altèrent les globules gras, augmentant les matières grasses libres non récupérées dans la matrice fromagère. Il faut donc surveiller l’agitation et le refroidissement du lait pour éviter notamment la formation de cristaux. Lors de l’ajout d’une nouvelle traite, l’augmentation de température doit être de 6 à 10 °C maximum. La descente en température du lait doit se faire en moins de deux heures mais le lait ne doit pas descendre en dessous de 2 °C. Pour éviter tous les chocs susceptibles de fragiliser les globules gras, il faut éviter les prises d’air au niveau des pompes et les chutes de lait trop importantes dans le circuit. Mieux vaut utiliser au maximum la gravité, limiter les pompes dans les circuits parcourus par le lait et favoriser une arrivée de lait tangentielle dans le tank et dans les bacs de caillage.
Maîtriser la préparation du lait jusqu’au caillage
L’acidité du lait va conditionner la fermeté du gel au moment du moulage. L’idéal est d’avoir un pH de 6,2-6,3 à l’emprésurage. Avec un pH élevé, le gel sera moins ferme, entraînant plus de pertes en fines. Mais un pH trop bas entraînera un gel très ferme qui s’égouttera mal, ce qui se traduira par une augmentation du rendement apparent mais des problèmes d’égouttage en moule et des fromages encore trop humides au démoulage qui dégoulineront encore au ressuyage ce qui pourra abîmer les fromages. Le fromager peut jouer sur la température, la dose de ferments et le temps pour obtenir le pH idéal, le ferment entraînant l’acidification du lait qui pourra être accélérée par une température plus élevée.
À l’emprésurage, il est essentiel de contrôler et maîtriser la dose de présure, la température et le pH (voir tableau 1). Une dose de présure excessive ou un emprésurage à pH ou température trop élevé, entraîne un caillé élastique avec grumeaux qui se solde par une évacuation excessive de matière utile dans le sérum. À l’opposé, une dose de présure insuffisante ou un emprésurage à pH trop bas entraînera une remontée de matière grasse dans le sérum et donnera des caillés trop friables avec des pertes importantes dans le sérum. La température joue sur la vitesse d’acidification. Il est important d’avoir une température constante tout au long du caillage, qu’on peut maîtriser via la température du local. L’acidification doit être suivie au cours de la fabrication et il faudra veiller à ne pas avoir de courbes trop rapides. L’objectif est d’atteindre au moulage un pH compris entre 4,45 et 4,55 pour les fromages affinés et entre 4,5 et 4,6 pour les fromages frais.
Manipuler le caillé avec précaution au moulage
Le rendement apparent au démoulage peut aussi être affecté par le type de matériel utilisé au moulage (moules, ustensiles) et la technique de moulage. En effet, le caillé lactique étant un gel fragile avec peu de cohésion, il faudra veiller à le manipuler avec précautions. L’objet qui servira au moulage est donc important : il doit être tranchant, en inox par exemple et avec une faible épaisseur de rebord (louche, ou pelle à brie), mais surtout pas en plastique qui hache le caillé plus qu’il ne le coupe. Il est donc conseillé de prélever d’abord sur toute la surface du bac, de l’extérieur vers l’intérieur puis de partager le fond des bassines entre un maximum de moules pour avoir une bonne homogénéité dans la taille des fromages égouttés. La couleur du sérum permet d’apprécier la qualité du moulage : s’il est trouble, c’est qu’il contient beaucoup de fines et que le rendement n’a donc pas été optimisé.
Limiter la perte en eau de l’égouttage à l’affinage
La durée et la température d’égouttage influent directement sur le rendement des fromages frais. À titre indicatif, en fromages frais démoulés (égouttage de 12 à 24 heures), on récupère 3 à 3,5 kilos de caillé gras pour 10 litres de lait entier, soit un rendement de 30 à 35 % (voir tableau 2).
Pour les fromages affinés, il faut bien maîtriser les conditions de ressuyage et de séchage (voir tableau 3). La perte en eau est nécessaire pour l’affinage, mais en excès elle nuit au rendement. Au séchage, on peut peser les fromages régulièrement pour atteindre l’objectif souhaité en termes de perte de poids (entre 20 et 50 % en général). À l’affinage, un équipement de climatisation bien dimensionné est essentiel pour une bonne maîtrise des conditions d’ambiance. Il faut éviter les conditions trop sèches ou trop froides qui pourraient entraîner des pertes en eau excessives. Des réactions de protéolyse et lipolyse peuvent aussi entraîner des pertes de matière non souhaitées.