à Bridoré en Indre-et-Loire
De bons fourrages bien conservés et bien valorisés
Parce qu’une bonne efficacité alimentaire est essentielle, Édouard Guibert et Samuel Bernard apportent une attention particulière à la qualité des fourrages, à la stabilité de la ration et à sa bonne valorisation.
Pour Édouard Guibert et Samuel Bernard, la valorisation des fourrages de l’exploitation et une bonne efficacité alimentaire sont des points clés de la rentabilité. Pour nourrir leurs 360 chèvres à Bridoré (Indre-et-Loire), ils produisent donc du maïs ensilage et du foin de luzerne, un foin de qualité qui permet de réduire les achats de concentré. Pour sécuriser la production de maïs, ils ont loué 50 hectares de terres disposant de l’irrigation. Tout est fait ensuite pour assurer la bonne conservation du fourrage. « Quinze jours avant la récolte, nous analysons le maïs pour déterminer la date optimale de récolte, expliquent-ils. Jusqu’à présent, nous visions 32 % de matière sèche. Mais à l’avenir, nous allons sans doute récolter un plus vert pour faciliter le tassage du silo. » L’ensilage est réalisé en Cuma avec un objectif de rapidité et de qualité du tassage et du bâchage. Le silo est recouvert d’un film barrière à l’oxygène, d’un film noir et blanc et d’un filet. Des silos sacs sont ensuite disposés sur la largeur tous les 5 à 6 mètres et sur les côtés. Enfin, les éleveurs inoculent l’ensilage de Lactobacillus buchneri (Lalsil Fresh, Lallemand), bactéries lactiques qui consomment l’oxygène et abaissent le pH, empêchant le développement de germes indésirables. « L’ensilage garde ainsi la même valeur du début à la fin du silo », soulignent-ils.
Une ration à base de luzerne et de maïs toute l’année
Un point clé pour les éleveurs est en effet d’avoir une ration équilibrée et stable. Identique toute l’année, celle-ci est constituée de 1 kg d’ensilage de maïs, 1 kg de foin de luzerne, 250 g d’orge, 500 g de correcteur azoté à 41 % MAT, 500 g de chèvre laitière à 26 % MAT, pour un objectif de production de 1 000 à 1 100 kilos de lait par chèvre. « Tout changement alimentaire est un stress pour l’animal et pour son rumen, estiment-ils. Notre objectif est donc qu’il y en ait le moins possible. Jusqu’à présent, il y avait toujours quelques mois l’été où nous n’avions plus de maïs et où nous devions apporter de l’enrubannage de luzerne. Mais la transition de l’enrubannage à l’ensilage était difficile. Nous avons donc décidé d’augmenter nos surfaces de maïs pour pouvoir en apporter toute l’année et arrêter l’enrubannage. » Les éleveurs apportent aussi dans la ration des levures vivantes qui optimisent la digestion ruminale et l’équilibre microbien de l’intestin, soit 30 g/jour de Levucell (Lallemand). Et ils accordent beaucoup d’attention aux transitions alimentaires au moment des mises bas et du tarissement. « Les chèvres sont taries deux mois, précisent-ils. La première semaine, nous les nourrissons à la paille. Puis nous introduisons du foin. Et un mois avant la mise bas, nous réintroduisons l’ensilage. Enfin, nous commençons le concentré trois semaines avant la mise bas et l’augmentons progressivement pour arriver à un maximum trois semaines après la mise bas. » Les éleveurs observent aussi quotidiennement le comportement des chèvres (comportement alimentaire, rumination, locomotion) et la qualité des crottes (consistance, grains non digérés) pour évaluer l’efficacité ruminale du troupeau. Ils se sont équipés d’un robot Lely qui repousse le fourrage une dizaine de fois par jour. Et l’alimentation des chevrettes est augmentée très progressivement. Avec ces pratiques, l’élevage atteint une efficacité alimentaire de 1,12 litre produit par kg MS ingéré, avec un coût des aliments achetés de 205 €/1 000 l et un coût de production de 691 €/1 000 l, toutes charges incluses y compris annuités hors prélèvements privés.
Matériel en commun et banque de travail
Avec deux élevages laitiers voisins, le Gaec a créé une société en nom collectif qui leur permet d’acheter en commun du matériel puissant (tracteur, moissonneuse-batteuse, matériel de récolte du foin…). L’andainage de la luzerne est ainsi plus rapide, ce qui permet de garder plus de feuilles. Tous les chantiers se font en commun et sur de grandes surfaces grâce à une banque de travail.
AVIS DEXPERT
« La stabilité aérobie de l’ensilage est essentielle »
« La stabilité aérobie est la durée pendant laquelle l’ensilage ne se dégrade pas en présence d’oxygène. Après broyage du fourrage, les bactéries consomment les sucres solubles et produisent de l’acide lactique, qui abaisse le pH, puis de l’acide acétique. La fermentation doit être la plus rapide possible pour limiter les pertes en sucres. Une température ambiante inférieure à 15 °C et un taux de matière sèche élevé retardent le processus. Une fois la fermentation terminée, il est essentiel de ne pas exposer l’ensilage à l’air. L’oxygène réveille les levures et moisissures présentes dans l’ensilage qui commencent alors à dégrader l’acide lactique, les sucres, les protéines. Plus de 50 % de la matière sèche peut ainsi être perdue avec, de plus, une baisse de l’appétence et de l’ingestion et une mauvaise qualité de l’aliment. Même inclus à seulement 5 %, un ensilage dégradé entraîne une baisse de l’ingestion. La stabilité aérobie est liée à l’étanchéité du silo, à sa porosité, aux levures présentes dans l’ensilage et à la température ambiante lors du désilage. Plus il fait chaud, plus la stabilité aérobie est affectée. »