Augmenter le prix des fromages de chèvre, une nécessité
Aliments et carburants en 2022, électricité, emballages et coût du travail depuis deux ans… Chez les producteurs fermiers, le prix des charges est à la hausse. Depuis 2021, le coût de production des fromages fermiers caprins a augmenté en moyenne de 604 €/1 000 litres. Dans ces conditions, l’augmentation du prix des produits laitiers fermiers est une nécessité.
Aliments et carburants en 2022, électricité, emballages et coût du travail depuis deux ans… Chez les producteurs fermiers, le prix des charges est à la hausse. Depuis 2021, le coût de production des fromages fermiers caprins a augmenté en moyenne de 604 €/1 000 litres. Dans ces conditions, l’augmentation du prix des produits laitiers fermiers est une nécessité.
Après une augmentation de 20 % entre 2021 et 2022, l’Ipampa Lait de chèvre se stabilise en 2023 avec en particulier des prix des aliments et du carburant à la baisse. Mais les coûts de l’électricité, des matériaux, et des frais généraux continuent de progresser. Et des charges non indicées dans l’Ipampa comme le coût du travail, le fermage, les travaux par tiers augmentent également. La hausse du Smic (11 % en deux ans) impacte le poste « Travail » qui représente en moyenne 53 % du coût de production chez les producteurs fermiers. Les fermages ont, quant à eux, augmenté de plus de 9 %.
Evolution du prix des principaux postes de charges
Les coûts de production des fromagers fermiers ont flambé
Evolution du coût de production chez les fromagers fermiers du Sud Méditerranée (45 élevages) - Source : Inosys Réseaux d’élevage et COUPROD
Entre 2021 et 2022, on constate un surcoût moyen de 400 €/1 000 l pour les fromagers fermiers Sud Méditerranée, soit une augmentation de 7 %. Ce surcoût est d’abord dû à la hausse du coût du travail (42 % du surcoût) suivie par celle des charges de transformation et de commercialisation (24 % du surcoût) et enfin, celle du prix des concentrés et des fourrages achetés (22 % du surcoût). Entre 2022 et 2023, le surcoût moyen s’établit à 362 €/1 000 l soit 6 % d’augmentation. Plus de la moitié de ce surcoût est liée à la hausse du coût du travail. En deux ans, les fromagers fermiers Sud Méditerranée ont vu leurs coûts de production augmenter de 762 €/1 000 litres.
Evolution du coût de production chez les fromagers fermiers des autres régions (73 élevages) - Source : Inosys Réseaux d’élevage et COUPROD
Pour les fromagers fermiers des autres régions, on constate un surcoût moyen de 283 €/1 000 l entre 2021 et 2022, soit 8 % d’augmentation. Comme chez les fromagers fermiers Sud Méditerranée, ce surcoût est d’abord dû à la hausse du coût du travail (32 % du surcoût). Viennent ensuite la hausse du prix des concentrés (24 % du surcoût) et celle du poste mécanisation (17 %). Entre 2022 et 2023, le surcoût moyen s’établit à 222 €/1 000 l, soit 6 % d’augmentation. 46 % de ce surcoût est lié à la hausse du coût du travail. En deux ans, les fromagers fermiers des autres régions ont vu leurs coûts de production augmenter de 506 €/1 000 litres.
Une hausse nécessaire de 20 % en deux ans
Avec une valorisation moyenne de 3 060 €/1 000 l en 2021, les fromagers fermiers du Sud Méditerranée auraient dû augmenter leurs tarifs de 12 % en 2022. D’après les données observées sur un échantillon constant, 63 % des fromagers fermiers les ont augmentés, de 5,3 % en moyenne. Pour maintenir le revenu en 2023, l’augmentation aurait dû être de 8 %, soit une hausse de 20 % en deux ans. Ce qui représente une hausse de 0,35 € TTC pour un pélardon par exemple.
Avec une valorisation moyenne de 2 390 €/1 000 l en 2021, les fromagers fermiers des autres régions auraient dû augmenter leurs tarifs de 11 % en 2022. D’après les données observées sur un échantillon constant, 48 % des fromagers fermiers les ont augmentés, de 5,4 % en moyenne. Pour maintenir le revenu en 2023, l’augmentation aurait dû être de 7 %, soit une hausse de 18 % en deux ans. Ce qui représente une hausse de 0,85 € TTC pour un sainte-maure de Touraine par exemple.
Vérifier le poids des fromages et la cohérence de certains marchés
Les impacts réels seront bien sûr variables d’un élevage à un autre, en fonction du système d’alimentation ou des modes de commercialisation. À chacun de calculer son coût de production et son prix de revient soit la valorisation nécessaire pour se dégager un revenu. Plutôt que de faire le point après le pic d’activités des fêtes de fin d’année et de laisser filer encore une année avant d’augmenter ses prix, c’est dès la fin de l’année civile qu’il faut passer des hausses de tarifs tant que la demande est forte.
Laurent Balmelle, éleveur en Ardèche, témoigne : « Tous les ans, nous calculons notre coût de production et augmentons nos tarifs en fonction de la hausse du prix des intrants. En 2020, nous étions à 1,70 € par picodon, 1,80 € en 2021, 2 € en 2022, 2,15 € en 2023 et nous prévoyons 2,25 € en 2024. La hausse du prix de nos autres fromages est indexée sur celle du picodon ». Concernant l’augmentation du prix des fromages, une différenciation du prix de vente sur les marchés (si ce n’est déjà fait) par rapport au prix de vente à la ferme se justifie aisément. L’augmentation du prix doit concerner tous les fromages. Il faut aussi vérifier l’intérêt de certains circuits de commercialisation au regard du coût de mise sur le marché (temps et kilométrages de livraisons par exemple…).
En parallèle de l’augmentation des tarifs, il faut aussi s’assurer de la régularité du poids de ses fromages. En AOP crottin de Chavignol par exemple, une augmentation de 10 % du poids du fromage (soit à peine 8 g de plus que la norme) sans hausse du prix amène une perte de 12 000 € pour un atelier transformant 50 000 litres de lait.
Enfin, la réduction ou l’optimisation de certaines charges contribuent aussi à maintenir le revenu, avec un effet à plus ou moins long terme : efficience alimentaire, économies d’énergie, autoconsommation photovoltaïque…