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Après l’incendie, l’élevage renaît de ses cendres

Isabelle et Alain Durand n’ont pas baissé les bras et ont tout repensé après l’incendie qui a détruit la quasi-totalité de leur ferme.

Lorsqu’en janvier 2017, Isabelle et Alain ont découvert un dimanche soir trois de leurs quatre bâtiments d’élevage calcinés et plus de 400 chèvres brûlées vives et dont une trentaine très gravement blessées, ils n’auraient pas pensé être toujours éleveurs deux ans plus tard. « Trois choix s’offraient à nous, se rappelle Isabelle Durand, une émotion certaine dans la voix. Soit l’arrêt simple et définitif, soit une reconstruction simple pour finir tranquillement notre carrière jusqu’à la retraite, soit rebondir et repenser complètement notre rapport à l’élevage avec l’idée d’avoir un bel outil à transmettre. » Le couple a opté pour la troisième option et ne semble rien regretter aujourd’hui. Alain Durand s’est installé en 1989 avec 120 chèvres et après plusieurs agrandissements et la création de l’EARL du Chêne Goirand avec sa compagne, le cheptel avait atteint 400 têtes avant le drame. Après l’incendie, il ne restait que les chevrettes et quelques chèvres alors en quarantaine. Le couple a décidé de remettre en place 480 chèvres. Ce nombre a été bien réfléchi, Isabelle Durand s’explique : « On considère qu’une personne peut s’occuper de 200 chèvres et nous sommes deux sur la ferme. Et nous faisons appel à un salarié à tiers-temps avec notre groupement d’employeurs mais on envisage de prendre un jeune en parrainage en vue de son installation. »

Soutenus par la chambre d’agriculture et la banque

La présence du salarié et la conception des bâtiments, qui incluent l’automatisation et l’installation de nouvelles technologies sont autant d’éléments pour rendre le travail plus attractif et peut-être faciliter la reprise. Le couple n’est pas encore dans une logique de transmission, la retraite ne sera pour eux que dans une dizaine d’années, néanmoins les chevriers sont conscients du temps que cela prend et commencent tout de même à s’y intéresser. Avec l’aide de la chambre d’agriculture des Deux-Sèvres et de l’avis du fils d’Isabelle et Alain Durand, technicien caprin à la coopérative Terra Lacta, à qui le lait de l’exploitation est livré, les deux éleveurs entreprennent de dessiner les plans de ce qui va être leur nouvel outil de travail. Le service de conception bâtiment de la chambre d’agriculture des Deux-Sèvres prévoit une aide aux éleveurs pour ce qui est la définition du projet, le dessin des plans et les soutient dans les démarches administratives et le dépôt du permis de construire. La banque les a aussi aidés à remonter la pente et a su placer sa confiance en ces deux éleveurs. « Pourtant ce n’était pas gagné, car faire un aussi gros investissement à nos âges, 51 ans pour moi et 54 ans pour Alain, toutes les banques n’auraient pas forcément accepté », détaille Isabelle Durand. Mais l’exploitation avait fait ses preuves de rentabilité et de bon fonctionnement par le passé et leur banquier a accepté de relayer l’assurance pour la constitution du cheptel. « L’assurance permettait aux éleveurs de racheter 300 chèvres, nous avons complété pour atteindre l’objectif de 480, rappelle Laurent Cahors, le conseiller bancaire du couple. Nous avons également apporté notre soutien pour les investissements que représentaient les bâtiments et la modernisation. »

Automatisme, modernisation et gain de temps

En septembre 2017, les travaux de déblaiement commencent, pour laisser place au terrassement à la mi-septembre. Mi-janvier 2018, les travaux étaient terminés, mettant au jour une chèvrerie de 500 places dont 480 en cornadis. Sur ces 480 chèvres, 320 sont des chevrettes pleines achetées à l’extérieur. Les mises bas ont pu commencer le 10 février, le troupeau est donc à trois quarts primipare. Entre les deux aires paillées, l’accès au couloir central se fait par des portails électriques de part et d’autre du bâtiment. « Ça ne paraît rien comme ça, mais ça fait gagner un temps fou à chaque fois qu’on doit faire entrer le tracteur dans le bâtiment. Plus besoin de descendre ouvrir et fermer et la température dans le bâtiment varie moins aussi, puisque le laps de temps où la porte est ouverte est plus court », s’enthousiasme Alain Durand. De même, le bâtiment est équipé d’un système de ventilation automatique. Des sondes suspendues au plafond surplombent les aires paillées. Selon le besoin de régulation de la température, les volets s’ouvrent et se referment électroniquement. Enfin, la distribution de concentrés se fait par un robot au sol et a lieu trois fois par jour. C’est également le robot, rebaptisé Nono par les éleveurs, qui, grâce à une lame au ras du sol, se charge de repousser le fourrage vers les cornadis. « C’est aussi un gain de temps et d’efforts incroyable, il faut juste veiller à ce que le couloir principal reste toujours bien dégagé, informe Alain Durand. Dans mon ancien bâtiment, j’avais un distributeur aérien, mais l’actuel possède une plus grande capacité. »

Protéger sa génétique et ses documents administratifs

L’incendie qui a ravagé l’exploitation étant visiblement dû à un court-circuit, les éleveurs disposent aujourd’hui de toute une batterie d’alarmes le prévenant directement sur leurs téléphones en cas de dysfonctionnement, qu’il s’agisse du robot, de l’aération ou du silo. La salle de traite, attenante au bâtiment d’élevage, permet à 60 chèvres de prendre place en simultané. Les éleveurs disposent de 30 postes de traite en ligne semi-haute, ce qui permet de n’avoir qu’un lactoduc aérien central au-dessus de la fosse de traite. Les griffes sont à décrochage automatique et les quais sont équipés de robots placeurs. L’aire d’attente avant la salle de traite prévoit la place pour 60 chèvres, ce qui permet aux éleveurs de découper leur troupeau en quatre lots de 120 chèvres et ainsi ne jamais avoir de temps mort pendant la traite. Isabelle et Alain Durand mettent en priorité l’amélioration génétique de leur troupeau en augmentant chaque année le nombre d’inséminations artificielles. « Ce n’est pas la première chose à laquelle on pense après ce genre de drame, mais la perte de génétique été catastrophique pour nous, se souvient l’éleveuse. Nous élevions nos propres boucs, tout est à refaire maintenant. » Autre mise en garde de l’éleveuse quant au risque d’incendie : « nous avions notre bureau dans notre bâtiment d’élevage, nous avons perdu tous nos documents dans les flammes. C’est une chose à réfléchir dans la conception d’un élevage, aussi futile que cela puisse apparaître. »

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