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Changement climatique : le Massif central explore ses propres pistes d'adaptation

Après avoir créé ses propres données climatiques, le Massif central a réalisé des simulations sur différentes pistes d’adaptation. Des simulations qui montrent bien l’ampleur des enjeux à venir.

Bien malin qui peut dire ce que sera l’agriculture de 2050. Mais nul ne peut nier aujourd’hui qu’elle sera fortement impactée par le dérèglement climatique. Une certitude qui est déjà au cœur des préoccupations, comme l’ont montré les réunions d’éleveurs qui se sont tenues dans le cadre du programme de recherche AP3C du Massif central. Un projet lancé en 2015 par les organisations professionnelles agricoles, réunies au sein de la Copamac-Sidam, pour évaluer les conséquences du changement climatique sur les systèmes de production du Massif central. Son originalité est d’avoir créé ses propres projections climatiques, avec l’aide d’un climatologue, et de les avoirs établies à une échelle territoriale très fine. Fort des évolutions climatiques attendues à l’horizon 2050 et de leurs conséquences sur les couverts végétaux, conseillers et éleveurs se sont retrouvés au cours de l’hiver dernier pour simuler des pistes d’adaptation des systèmes de production. Quelque 22 réunions qui ont rassemblé 130 éleveurs autour de 52 experts. « Il y a une véritable attente sur ce sujet. La participation a été très riche et les pistes d’adaptation à étudier très nombreuses, a expliqué Yann Bouchard, de la chambre d’agriculture du Cantal, lors du récent colloque de restitution des résultats. Ce travail a permis aux éleveurs de prendre du recul sur leurs systèmes actuels. »

Augmenter l’offre alimentaire ou réduire les effectifs

Les simulations ont été faites sur les cas-types du réseau Inosys, construits sur des exploitations réelles mais optimisés. Pour chacun, des pertes de rendements ont été estimées selon l’impact du changement climatique sur les différentes productions fourragères. Le déficit fourrager se situe entre 10 et 15 % selon les systèmes en année moyenne mais sera beaucoup plus élevé lors des fortes sécheresses. Sur ces bases, deux voies d’adaptation ont été étudiées : augmenter l’offre alimentaire (achats, augmenter la SFP ou la SAU, irrigation…) pour maintenir la production ou agir sur les besoins du troupeau en réduisant les effectifs. Plusieurs hypothèses ont été testées pour chacun des huit cas-types bovins lait. À conjonctures économique et politique constantes, quasiment toutes se traduisent par une perte de revenu disponible mais avec des amplitudes plus ou moins grandes.

L’irrigation et la baisse de cheptel dégradent fortement le revenu

Dans le système maïs-herbe des franges sud de l’Auvergne, supprimer les céréales pour augmenter la SFP fait perdre 20 % de revenu. Avec l’irrigation, c’est encore pire (-30 %) : l’investissement est trop lourd pour juste sécuriser les rendements fourragers. La baisse de cheptel est tout aussi pénalisante (-28 %). L’achat de fourrages (-13 %) et la location de foncier pour agrandir la SAU (-11 %) le sont un peu moins. Pour le système bio des zones granitiques (Mont du Forez, Pilat), la hiérarchie des pertes de revenu est identique mais elles sont un peu moins fortes : -12 % pour les achats compensateurs, -18 % pour la baisse de l’effectif, -3 % pour l’agrandissement par achat. En revanche, lors des années très sèches (30 % de déficit fourrager), les deux premières pistes d’adaptation dégraderaient le revenu de 35 à 38 %. Dans le système herbager de montagne, les pertes de revenu sont du même ordre de grandeur. Dans le système de plaine avec cultures, un des meilleurs moyens de ne pas trop l’impacter serait d’introduire de la betterave fourragère aux dépens des céréales (-3 %). Les conseillers à l’origine de ces simulations pointent eux-mêmes les limites de ces simulations et invitent à les interpréter avec prudence. Elles posent davantage de questions qu’elles n’apportent de réponses. Chaque piste est étudiée séparément alors que les éleveurs devront juxtaposer un ensemble de solutions pour limiter les effets du changement climatique sur leur exploitation. De nouvelles simulations sont prévues pour les mixer.

« Le premier levier d’adaptation : optimiser la conduite »

Ces simulations sont établies sur la base de la conjoncture 2018. Que sera-t-elle en 2050 ? Autant lire dans une boule de cristal. En outre, de nombreux facteurs ne peuvent pas être pris en compte à une si longue échéance, tels que le devenir des aides, la main-d’œuvre, l’évolution des performances animales et fourragères… Et si l’agrandissement des surfaces semble souvent la solution d’adaptation la moins pénalisante, comment gérer la charge de travail supplémentaire qui en découlerait ? Et quel impact social et économique sur des territoires déjà en forte déprise agricole ? « Ces simulations n’ont pas pour but de donner des orientations fortes mais plutôt de mesurer les enjeux de l’adaptation au changement climatique », prévient Yann Bouchard. Sans oublier de rappeler qu’elles ont été réalisées sur des cas-types, par définition optimisés. « Le premier levier d’adaptation sera d’optimiser la conduite de son système d’exploitation, rappelle Pierre Vergiat, de la chambre d’agriculture de la Loire. Il y a encore beaucoup à faire. »

Lire aussi notre article précédent : « Des évolutions rapides, fortes et irréversibles »

En savoir plus

Tous les résultats (climatiques, agronomiques, systèmes) sont à retrouver sur le site du Sidam Massif central : www.sidam-massifcentral.fr/developpement/ap3c

Avis d'éleveur : Olivier Tourand, élu référent projet AP3C

« Décompacter les esprits »

 

 
Avis © B. Griffoul
« Les données climatiques que nous avons créées nous ont permis de mener au niveau du Massif central une réflexion concrète et construite sur des bases scientifiques. Nous voyons qu’il n’y aura pas de solution toute faite pour s’adapter. Elles seront différentes dans chaque exploitation. Les pistes d’adaptation qui ont fait l’objet de simulations en atténuent les conséquences financières, mais toutes se traduisent par une baisse de revenu. Ce n’est pas satisfaisant. Donc, il faut pousser la réflexion plus loin, retravailler nos systèmes, œuvrer avec tous nos partenaires (semenciers, constructeurs de bâtiments…) pour réorienter les innovations. Nous devrons mener également cette réflexion au sein des filières. Le changement climatique nous imposera de faire évoluer les cahiers des charges, de proposer peut-être des produits différents aux consommateurs. Pour réussir, il faudra penser de façon ascendante et collective, être capables de sortir des dogmes, nous préoccuper des intérêts collectifs et des enjeux plutôt que des structures. Il faudra créer des synergies et des partenariats avec la recherche, donner de nouvelles orientations aux politiques publiques pour qu’elles accompagnent de manière cohérente l’adaptation au changement climatique. Le plus difficile sera de décompacter les esprits pour inventer les systèmes résilients de demain. »

 

« L’aridité arrivera par le sud du Massif central »

À l’échelle du Massif central, le changement climatique se traduira par une hausse moyenne des températures (+0,35 à +0,40 °C tous les dix ans) mais plus marquée au printemps. Les fortes chaleurs seront plus fréquentes et arriveront un mois plus tôt. En 2040, le mois de juin typique ressemblera au mois de juillet de 2005. Les cumuls annuels de précipitations évolueront peu mais leur distribution sera beaucoup plus contrastée (baisse au printemps, hausse à l’automne). L’évapotranspiration augmentant, le bilan hydrique se dégradera de l’ordre de 100 mm en cinquante ans sur le nord-ouest du Massif central jusqu’à 250 mm sur le sud. « Nous verrons apparaître des zones où, en sols profonds, il n’y aura plus de recharge hivernale complète », affirme Vincent Caillez, climatologue. Les projections climatiques prévoient une « arrivée de l’aridité par le sud du Massif central ».

Voir aussi Réussir Lait, mai 2019, p. 26.

Des travaux agricoles nettement plus précoces

 

 
Alors que l’affouragement estival deviendra la règle et que les aléas de récolte seront de plus en plus fréquents, la place des stocks devra être repensée comme outil de sécurisation. © B. Griffoul

 

Le changement et les aléas climatiques demanderont beaucoup de souplesse dans la conduite des systèmes fourragers.

Le changement climatique aura des conséquences majeures sur la végétation mais avec de fortes disparités selon les zones. La pousse de l’herbe sera plus précoce avec une avancée plus marquée en altitude, un cycle de végétation plus court en plaine, des gels tardifs de printemps toujours présents, des arrêts de pousse lors des fortes chaleurs et des températures d’automne favorables aux repousses. En conséquence, les travaux agricoles seront plus précoces : premiers apports d’azote, mise à l’herbe (de 7 à 37 jours selon les zones), récoltes (de 13 à 30 jours pour le foin). Cet avancement des dates de récolte rendra les « conditions de récolte du foin beaucoup plus compliquées », prévient Stéphane Violleau, de la chambre d’agriculture du Puy-de-Dôme. Particulièrement en altitude. Comment s’adapter ? « Le printemps sera plus que jamais la période clé de la production fourragère », anticipe-t-il.

Le printemps sera encore plus la période clé

Optimiser le pâturage et éviter le gaspillage. Gérer différemment l’équilibre stocks-pâture. Exploiter la moindre possibilité de valorisation de l’herbe dès que les conditions le permettront. Jouer sur la diversité des prairies temporaires et permanentes (choix des espèces, souplesse d’exploitation…)… Bref, « être en permanence en capacité de s’adapter à l’évolution des conditions climatiques » sera la réponse. La forte augmentation des sommes de températures sera favorable au maïs mais il sera davantage soumis au risque d’échaudage et de déficit hydrique. Vaudra-t-il mieux utiliser des variétés plus tardives, implanter des dérobés après la récolte ? Diversifier les précocités pour que toute la sole ne soit affectée par une période de fort stress hydrique ? Quelle place pour l’ensilage de maïs en altitude ?..

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