Stabulation : une Roundhouse dans le paysage creusois
La première Roundhouse ou stabulation ronde est née en Creuse en 2017 au Gaec des Muriers. Plus d’un an après, Stéphane et Emmanuelle Poirier ne regrettent pas leur investissement dans cette stabulation destinée, en partie, à la production de veaux sous la mère.
La première Roundhouse ou stabulation ronde est née en Creuse en 2017 au Gaec des Muriers. Plus d’un an après, Stéphane et Emmanuelle Poirier ne regrettent pas leur investissement dans cette stabulation destinée, en partie, à la production de veaux sous la mère.
Telle une soucoupe volante posée dans le paysage, la stabulation ronde d’Emmanuelle et Stéphane Poirier du Gaec des Muriers à Saint-Priest-la-Feuille, dans la Creuse, dénote. « La nuit, avec les lumières, les gens s’arrêtaient même le long de la route, s’exclame avec humour Emmanuelle Poirier. Ils n’avaient jamais vu cela ! ». Effectivement, cette stabulation de 980 m2 tout en rondeur, intitulée The Roundhouse, a été la première de ce type à se monter en France en 2017. Proposé par l’entreprise IDAgro, le concept est originaire d’Angleterre et « les plans étaient en néerlandais ! ». Difficile à monter « même avec Google traduction ! », continue Emmanuelle Poirier. En effet, pour diminuer le coût du bâtiment (190 000 euros tout compris), Emmanuelle et Stéphane avaient décidé de monter l’intérieur eux-mêmes. « Lorsque nous avons compris la logique cela s’est fait rapidement. Mais nous avons mis plus d’un mois au final, car nous avons commencé de l’extérieur vers l’intérieur alors qu’il fallait démarrer de l’intérieur », observe Emmanuelle Poirier.
Une stabulation en forme de camembert
La stabulation porte aussi le doux nom de « camembert » car elle comporte six « parts » ou cases, dont une cage de contention et une infirmerie. Un abreuvoir et un passage d’homme sont situés entre chaque case. Et chacune donne accès à un espace central qui permet de regrouper les bovins rapidement et de les envoyer vers la cage de contention. Une case d’allotement pour le retour des animaux est également prévue ainsi qu’un quai de chargement. « Les animaux se dirigent facilement vers le centre de par la forme en entonnoir de la case, constate Stéphane Poirier. Les parois pleines le long du couloir incitent les animaux à avancer. C’est très sécurisant. Le chauffeur n’a plus à intervenir et une personne seulement suffit à pousser les animaux. ». La cage de contention a été ajoutée par Emmanuelle et Stéphane car celle proposée par IDAgro était trop coûteuse.
Un éclairage au photovoltaïque
La stabulation peut contenir 48 vaches suitées. « Ce sont des vétérinaires, avec des techniciens et des éleveurs qui ont réfléchi ensemble pour concevoir ce bâtiment. J’aurais imaginé plutôt une alimentation à l’intérieur du bâtiment, mais c’est bien plus simple à l’extérieur. Il n’y a pas d’aller-retour puisque nous revenons au point de départ à la fin de la distribution », note Stéphane Poirier. La structure de la stabulation a été montée au sol en 2,5 jours puis levée avec un vérin comme un chapiteau de cirque. Chaque pied s’encastre dans un socle préparé à l’avance. « Il faut un bon maçon car il suffit d’un écart de quelques millimètres pour que le pied ne rentre pas dans l’emplacement prévu », relève Emmanuelle Poirier. D’ailleurs, le Gaec n’a pas hésité à débourser 60 000 euros pour la maçonnerie. Les poteaux de la structure, vides pour certains, permettent de récupérer l’eau sous la stabulation et de la rediriger vers une mare annexe, qui sert de réservoir. « Il n’est pas nécessaire d’avoir un système antigel dans les abreuvoirs car l’eau circule en flux continu », constate Stéphane. Pour éclairer la structure en hiver, il a mis en place des leds et a fait appel à un proche pour installer des panneaux solaires (3 000 euros). « C’est largement suffisant », continue Stéphane puisque l’électricité produite suffit pour électrifier en plus les clôtures sur 15 hectares de prairie.
La question stratégique de la ventilation
À déambuler dans le bâtiment, impossible de ne pas se poser la question de la circulation de l’air. « Nous étions un peu inquiets. Mais en réalité, en hiver, la température dans le bâtiment, au niveau des animaux, est de 2 à 3 °C supérieur à la température extérieure et en été, les vaches aiment bien y rentrer au frais », note Emmanuelle. Les animaux ont l’avantage d’être dehors mais dans des conditions plus confortables. Pourtant sans recul sur ce type de bâtiment, les commentaires, pas toujours positifs, allaient bon train dans la région avant sa construction. Aujourd’hui Emmanuelle et Stéphane sont ravis d’avoir initié le mouvement. « Lors de la journée porte ouverte, des éleveurs sont venus de la Rochelle et du Jura », déclare Renaud Selles, conseiller bâtiment à la chambre d’agriculture de la Creuse qui a accompagné le projet. Le Gaec des Mûriers a gagné en 2018 le prix de la Fondation de l’agriculture durable, région Nouvelle-Aquitaine, avec cette stabulation. Depuis ce premier projet, une autre Roundhouse s’est construite en France, dans le Cotentin pour des génisses laitières et des vaches taries. Un autre est en projet près de Lyon pour héberger des Limousines.
Chiffres clefs
• 95 mères dont 85 Limousines
• 120 ha de SAU (10 ha de céréales, 45 ha de prairie temporaire et 65 ha de prairie permanente)
• depuis 2012, exploitation bio
Avis d’expert Renaud Selles, conseiller bâtiment à la chambre d’agriculture de la Creuse
"L’emplacement reste stratégique"
« Lorsque Emmanuelle et Stéphane m’ont contacté, ils avaient déjà décidé du modèle de leur bâtiment. Ils étaient déjà partis en voir à l’étranger. Aucun bâtiment de ce type n’existait en France. Il était donc difficile d’avoir du recul. J’étais inquiet pour les courants d’air, notamment pour les veaux. Le bâtiment a été imaginé, à l’origine, pour des bovins à l’engraissement, donc plus résistants aux maladies. Nous avons revu l’emplacement, plus abrité, un peu enterré et proche d’une haie. La cage de contention et les cases ont été construites également en fonction des vents dominants pour protéger au mieux les espaces avec les veaux. Un an et demi après, il n’y a pas eu de souci sanitaire. Mais l’emplacement du bâtiment reste stratégique. À mon sens, le grand avantage de ce bâtiment, c’est qu’une personne seule peut gérer et manipuler l’ensemble des animaux par le biais de jeux de barrières de la contention centrale. Mais je reste perplexe devant son coût autour de 4 000 euros la place (3 630 euros hors élément de contention). En tout cas, je conseille de faire plusieurs devis pour la maçonnerie. »
Avis d’expert Romain Le Moel, business developper chez ID Agro
"Conçu au départ pour de l’engraissement "
« À l’origine ce bâtiment a été conçu pour de l’engraissement. Il existe depuis une quinzaine d’années en trois diamètres différents : 22 m, 30 m et 45 m. Son prix varie en fonction des demandes des agriculteurs, mais il faut compter autour de 1 000 euros la place pour de l’engraissement et de 1 800 à 2 000 euros pour des vaches. J’alerte sur le montant de la maçonnerie pour les fondations car il varie du simple au triple ! Je déconseille l’installation de brise-vent car toute la ventilation conçue dans le bâtiment sera modifiée. Mieux vaut une haie ou une butte de terre pour briser les vents dominants si besoin. »