" Une marche après l'autre vers la mort "
Le diagnostic du véto repose sur la collecte méticuleuse de signes et parfois aussi sur une impression globale qui s’impose à lui. En voilà un exemple. Je viens voir cette vache qui, ce matin, a été trouvée dans le couloir de la stabulation, bien nettoyé la veille... « Elle a vêlé il y a deux mois et a probablement été bousculée ou chevauchée dans le couloir qui est glissant », me confie son propriétaire. Sauf que cette vache est anormalement amaigrie et que sa bouse est fluide depuis quelques jours. À la voir de loin, elle n’a pas l’allure d’une vache blessée qui lutte pour se sortir de là. Non, elle est trop endormie, les paupières à moitié fermées et elle est quasiment indifférente à mes allées et venues. Sonnée ! Tiens, ça m’en rappelle d’autres qui donnaient d'emblée exactement la même expression. J’avise aussi ses yeux creux et son mufle sec tandis que les sécrétions séchées qui encombrent ses naseaux lui imposent une respiration bruyante. Non, elle n’est sûrement pas blessée mais elle descend une marche après l’autre le parcours qui la conduit vers la mort en insuffisance rénale. D’ailleurs, son haleine pue le purin, ses gencives commencent à s'éroder et la quantité d’urée que charrie son sang est astronomique bien que son urine soit claire. Elle refuse aujourd'hui toute nourriture et toute boisson et au train où vont les choses, elle va bientôt passer de l’indifférence au coma.
Son capital rénal fiche le camp peu à peu
Pour une vache de six ans, cela peut paraître étonnant. Mais pas tant que ça car ce troupeau qui est toute l’année dehors consomme à l’automne les glands immatures tombés des chênes les jours de grand vent. À petite dose, les vaches n’ont rien à craindre de ces glands mais chez quelques-unes qui en ont fait leur mets favori, c’est une partie du capital rénal qui fiche le camp peu à peu chaque année. Celle-là en a tranquillement profité jusqu'au moment où ses reins ont flanché.