Une intégration " verticale " de la production bovine
Inalca, en reprenant Unipeg, a pu devenir le leader incontesté de l’abattage et poursuivre sa stratégie d’intégration de la production bovine pour peser face à la distribution.
Inalca, en reprenant Unipeg, a pu devenir le leader incontesté de l’abattage et poursuivre sa stratégie d’intégration de la production bovine pour peser face à la distribution.
L’acquisition, en 2016, par Inalca de trois unités d’abattage et de traitement de la viande de la coopérative Unipeg, deuxième opérateur de la péninsule avec 150 00 animaux abattus, n’est pas passée inaperçu en Italie et même en France. « 'Bigarisation' de l'abattage italien ? », ont craint certains côté français. « Inalca a racheté Unipeg pour défendre la filière et pour défendre les prix », répond Egidio Savi, président de Parma France, la filiale animaux maigre d'Inalca. Celle-ci fait partie du puissant groupe Cremonini, géant italien de l'agroalimentaire, lequel est désormais le leader incontesté de la filière bovine italienne. L’industriel abat près de 850 000 têtes dans ses quatre abattoirs, dont 275 000 jeunes bovins et génisses issus de broutards français. Des volumes qui représentent 27 % des abattages réalisés en Italie, sachant que le deuxième abattoir fait 50 000 têtes. L’activité d’abattage est encore très atomisée. Cette concentration a permis au groupe Cremonini de pousser plus loin son business modèle, dont l’une des lignes de force est « l’intégration verticale, de la fourche à la fourchette ». Abatteur, industriel, distributeur, Cremonini s’engage de plus en plus fortement dans la production de viande bovine afin de sécuriser ses approvisionnements. En Italie, le groupe engraisse 60 000 babys et génisses dans ses propres fermes et chez des engraisseurs en intégration.
Homogénéité et programmation de l’offre
« Il y a eu de fortes évolutions ces dernières années en Italie, explique Gian-Pietro Borgogna, directeur commercial de Parma France. La grande distribution est devenue très exigeante en termes d’homogénéité et de programmation de l’offre. Pour obtenir du résultat, il faut faire un travail organisé et engraisser un produit déjà vendu. Chaque semaine, il faut fournir le nombre de bêtes demandé et un produit strictement identique. » L’exportateur franco-italien est une filiale du groupe Cremonini (51 % des parts). En 2016, Parma France a fait rentrer en Italie 250 000 bêtes maigres dont 20 % de femelles. « 80 % des animaux sont intégrés dans des filières, précise le directeur commercial. Quand nous achetons une bête, nous savons à qui nous la vendrons. Avec le groupe Cremonini, nous avons créé une organisation, qui va de la France jusqu’à la distribution. Nous faisons les programmes avec les éleveurs. Nous leur achetons les animaux gras et nous mettons le maigre en place en faisant du service aux clients. Les techniciens d’Inalca suivent les élevages. Souvent, le problème en Italie est de se faire payer. Nous donnons une garantie de filière aussi bien à l’entrée des animaux qu’à la sortie. »
« Les distributeurs décident du prix de la viande »
Une organisation de filière mais pas de contractualisation comme nous l’entendons en France. L’approvisionnement est programmé mais les prix restent ceux du marché au moment où les animaux sont abattus. « Parfois, on fait des prix au mois », précise Gian-Pietro Borgogna. Il y a cependant un partenariat fort entre l’industriel et Coop Italia, qui fait 75 % de son chiffre d’affaires viande bovine avec Inalca. Mais la pression sur les prix est toujours présente dans un contexte de baisse de la consommation. « Ce sont les distributeurs qui ont le pouvoir de décider du prix de la viande, en faisant du chantage sur le chiffre d’affaires que nous faisons avec eux », souligne Egidio Savi. La relation commerciale passe aussi par des services rendus par les industriels : plateformes d’approvisionnement, découpe, produits semi-finis… « Ils veulent des bêtes de plus en plus jeunes et plus légères, en rapport avec la taille des pièces de viande », ajoutent nos deux interlocuteurs. D’où un intérêt accru pour les génisses, également lié à la meilleure qualité de leur viande.
« Il y a encore de la place pour les broutards français »
Ces exigences de la distribution ont bien évidemment des conséquences sur les achats de broutards en France. Gian-Pietro Borgogna est intraitable sur l’homogénéité des lots d’animaux et le respect des poids demandés et voudrait que les « négociants français se mettent davantage en ordre avec le marché italien. Il y a eu une évolution rapide côté italien mais pas du côté français », dit-il. Les broutards entrent en engraissement par lots et sortent tous ensemble. Il n’y a plus de tri dans les cases. Il faut donc des conformations et des poids homogènes (plus ou moins 10 kg) à l’entrée. Soit au minimum un demi-camion d’animaux identiques. Et plus question pour les clients de venir trier les broutards en France. Tout est basé sur la confiance entre interlocuteurs français et italiens. Il se veut néanmoins optimiste pour l’avenir : « Il y a de la place pour les broutards français. Il n’en vient plus des pays de l’Est parce qu’ils partent sur la Turquie. Et, avant, on sevrait beaucoup de petits veaux. Ça ne se fait plus. »
Cremonini, de l’abattage à la distribution
En 2016, le groupe Cremonini a réalisé un chiffre d’affaires de 3,7 milliards d’euros. Son activité se répartit en trois grand secteurs : abattage et distribution de viande (1,7 Md €), distribution alimentaire (1,5 Md €) et restauration hors domicile (transport aérien et ferroviaire, chaînes de restauration) (0,5 Md €). Inalca traite 500 000 tonnes de viande de bœuf à travers le monde et a développé une importante activité de commerce de viande bovine en Afrique à partir de l’Angola. Il produit 150 000 têtes de bétail et envisage de nouveaux projets de feedlots en Russie et au Kazakhstan. Inalca possède des abattoirs en Russie et Pologne et a des projets en Angola et Algérie. Sa filiale de commerce d’animaux maigres (Parma France) a réalisé, en 2016, une activité de 250 000 têtes pour un chiffre d’affaires de 250 millions d’euros. En France, elle a quatre filiales : Parma Aubrac (Aveyron et Lozère), Parma Turc - Corneloup - Philibert (Ain et Saône-et-Loire), Parma Noilhac (Corrèze), Parma Lacombe (Cantal).