Sécheresse
Un printemps maudit
Après trois années difficiles, l’élevage allaitant aurait eu besoin d’une année climatique favorable pour panser ses plaies. Rarement la menace de
décapitalisation du cheptel n’a été aussi élevée.
![A la data habituelle de l'explosion de la pousse de l'herbe, il a fallur ressortir les rateliers.](https://medias.reussir.fr/bovins-viande/styles/normal_size/azblob/2023-06/GZO3DPZO1_web.jpg.webp?itok=JZ5-w01v)
Deuxième mois d’avril le plus chaud depuis le début du XXe siècle. Sécheresse des sols superficiels encore jamais atteinte à la mi-mai depuis cinquante ans… Météo France fait un récapitulatif des tristes records enregistrés en ce début d’année en soulignant que cette sécheresse ne concerne pas seulement la France mais une grosse partie de l’Europe. Une situation aggravée par un vent persistant avec dans les zones d’altitude plusieurs épisodes de gelées tardives. Le pire des scénarios pour la végétation. Le débit des rivières est au mieux comparable à ce qui est habituellement constaté fin juin. Quelques épisodes orageux ont localement permis de détendre la situation, mais mi-mai, période habituelle de pousse exubérante de la végétation, l’année semblait compromise.
Le développement physiologique des plantes a été accéléré avec des montées en épis très précoce pour les céréales à paille et les graminées fourragères et de très faibles volumes foliaires au pied. Les premières parcelles récoltées font état de rendements oscillant entre 30 et 70 % des volumes habituels. « Mi-mai les foins sont bien démarrés. On a récolté à peine la moitié de ce qui se fait d’habitude. Sur des terres superficielles, j’ai préféré faucher l’orge pour faire de l’enrubanné. Le rendement aurait été minable.Tous les maïs n’ont pas été semés. Certaines terres sont pour l’instant impossibles à préparer », indique Jean- François Bourjade, président d’Elvéa 47.
En Lorraine, Didier Deleau d’Arvalis évoque « une situation dramatique et une pousse de l’herbe inférieure de moitié à celle d’une année normale. Une semaine après la fauche, les prairies présentaient un stress hydrique très avancé avec des terres qui craquellent ». La région Poitou-Charente est particulièrement concernée avec un déficit hydrique déjà très pénalisant l’an dernier et des stocks très tendus pour passer l’hiver 2010/ 2011. Si l’on ajoute à cette situation des trésoreries creusées par plusieurs années difficiles consécutives et des fourrages et concentrés dont les tarifs deviennent prohibitifs, le contexte de cette fin de printemps fait craindre une réduction du cheptel.
«Les perspectives sont tout simplement dramatiques dans certaines exploitations. Nombreux sont les éleveurs du département à avoir fait des demandes de RSA. Le prix des fourrages devient aberrant. Et de toute façon, il y en a très peu sur le marché. Les restrictions d’arrosage sont tombées.Toutes les conditions sont réunies pour assister à une vague de décapitalisation dont il est encore impossible de prévoir l’ampleur », estime Daniel Le Saux animateur d’Elvéa 16-17. Cette même crainte est ressentie dans le Lot-et-Garonne où c’est davantage la possibilité d’opter pour d’autres productions plus rémunératrices qui pourrait inciter des éleveurs à se détourner de la viande bovine, explique Jean- François Bourjade. « Depuis quelques semaines nous avons davantage d’apports. Surtout dans les vaches. Les éleveurs se débarrassent des bouches inutiles (vaches vides ou tardives…). Ils déchargent les prairies. Si la météo persiste, le prix du maigre va s’en ressentir. C’est inévitable », estime Jérôme Chartron, chef des ventes du cadran de Châteaumeillant, dans le Cher.
La menace de décapitalisation serait pour l’instant moins sensible dans les régions très spécialisées où l’année fourragère 2010 a été correcte et où il reste encore quelques stocks de l’an passé. Mi-mai, on ressentait moins ce phénomène dans l’est du bassin Charolais malgré des ventes anticipées pour certaines catégories (taurillons d’herbe…). « En avril, la reprise sur les vaches finies avait redonné de l’espoir. Dans la plupart des exploitations, les stocks n’étaient pas totalement épuisés mais dans la situation actuelle ils seront loin de compenser la récolte catastrophique qui s’annonce », ajoute Virginie Balligand, directrice d’Elvéa 01-42-69. « Dans nos départements, on ne peut pas dire que la décapitalisation du cheptel ait véritablement commencé, mais tout le monde la redoute! »