Un avenir en vert pour la méthanisation
La rentabilité des premières unités de méthanisation installées sur des exploitations agricoles s’avère contrastée. Ce secteur semble cependant promis à
de belles perspectives compte tenu des différentes possibilités d’utilisation du biogaz en cours et à venir.
les aides publiques ont
couvert environ 38 %
des investissements.
Il y avait en France en mai dernier 160 unités de méthanisation en service dans des exploitations agricoles. Un chiffre bien en deçà des données allemandes mais qui devrait être conforté dans les mois et années à venir. De nombreux projets sont en cours de réalisation ou d’instruction. Cela va dans le sens du souhait de Ségolène Royal, ministre de l’Écologie. Le 25 avril dernier, elle évoquait la création « d’une unité de méthanisation par canton rural. » Puis mi-juin annonçait vouloir faire passer le nombre d’installations de méthanisation de 289 actuellement à 1500 d’ici 2020 en incluant dans ces chiffres la totalité des projets, que ces derniers soient le fait d’agriculteurs, de collectivités ou d’entreprises travaillant dans le secteur des déchets. « 150 projets vont entrer en fonctionnement dans les 24 mois à venir », expliquait plus sobrement Marc Cheverry, chef du service prévention et gestion des déchets à l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, établissement public sous la tutelle du ministère de l’Écologie) lors d’un colloque organisé le 13 mai dernier à Paris.
Pas question en revanche de développer la filière méthanisation française en faisant, avec quelques années de retard, un copier-coller du modèle allemand. « La France mise sur un modèle » plus vertueux « d’abord basé sur le traitement des déchets organiques et l’optimisation de l’utilisation du biogaz produit », souligne l’Ademe.
Taux de rentabilité des installations en fonctionnement très variable
Pour analyser les résultats économiques des premières installations actuellement en fonctionnement, l’Ademe a fait réaliser une étude sur 22 unités agricoles réparties dans 15 régions différentes. La collecte des informations s’est étalée entre janvier 2013 et février 2014. Les taux de rentabilité interne observés sont très fluctuants. Ils oscillent entre 22 et moins de 5 %. « Beaucoup sont en-dessous des 7 ou 8 %, considérés comme nécessaires pour supporter l’investissement », a surtout expliqué Nicolas Chapelat, chargé de mission à la Semaeb (Société d’économie mixte pour l’aménagement et l’équipement de la Bretagne) et rapporteur de l’étude. Il n’y a en revanche pas de relation entre la puissance du projet et sa rentabilité.
L’impact des subventions accordées au départ est loin d’être neutre. Elles sont même analysées comme indispensables. Elles ont permis d’après cette enquête de couvrir en moyenne 38 % des investissements totaux pour des installations mises en place entre 2009 et 2011. « Sans ces aides publiques, plus de la moitié des projets n’auraient pas pu être financés », soulignait Nicolas Chapelat. Les recettes proviennent pour près de 90 % de la vente de l’électricité. D’après l’enquête, les installations les plus récentes bénéficiant de l’arrêté tarifaire de 2011 vendent l’électricité 18,81 c/kW, contre 14,8 c/kw pour celles soumises aux tarifs fixés en 2006. Par ailleurs, pour les installations enquêtées, la chaleur issue de la cogénération est très peu valorisée financièrement. « Elle permet souvent des économies d’énergie en se substituant aux chauffages conventionnels des maisons d’habitation et des élevages. Mais cet aspect n’apparaît pas dans les bilans comptables ».
Bon approvisionnement en biodéchets
Autre donnée clée une nouvelle fois mise en évidence, l’approvisionnement en biodéchets et le suivi technique de l’installation sont déterminants pour permettre une bonne rentabilité. Or il y a parfois un décalage important entre le plan d’approvisionnement prévisionnel et réel. Les infrastructures ne sont alors pas utilisées à leur optimum dans la mesure où les différents composants de la « ration » ne permettent pas toujours au méthaniseur d’exprimer tout son potentiel en termes de production de biogaz. Cela se traduit par une rentabilité de l’investissement en deçà de ce qui avait été initialement prévu.
Le développement des projets en cours est aussi freiné par le coût des études préalables et la lourdeur des procédures. Le parcours est long, compliqué. Il faut trouver la matière première, s’assurer que la consommation de gaz sera régulière et surtout décrocher les financements, les autorisations… Même si l’Ademe souligne qu’un effort a été fait pour faciliter le montage et la mise en place des projets, ce n’est pas forcément l’avis de tout le monde. Bien des investisseurs potentiels indiquaient à l’occasion du colloque organisé par l’Ademe que la France gagnerait à prendre exemple sur l’Allemagne pour les délais d’instruction des dossiers. Durée qui est actuellement d’au moins quatre ans dans l’Hexagone contre 18 mois outre-Rhin. Une première simplification serait déjà d’avoir une lecture des textes identique quelle que soit la région où le projet est en réflexion.
Entre les données économiques des projets mis en place au cours de la dernière décennie et les montages financiers actuellement en cours d’études, beaucoup de données économiques doivent aussi être rebattues. C’est le cas des coûts de construction à majorer d’au moins 30 % comparativement aux chiffres de 2010. Attention aussi au surdimensionnement des installations. « Surdimensionner les installations alourdit inutilement le poids de la dette et a un impact significatif sur la rentabilité économique », soulignait Marie Guilet, chargée d’études à Biomasse Normandie.
Produire de 3 à 3,5 % des besoins nationaux en énergie en 2050
Malgré tout, les représentants de l’administration présents lors de cette journée ont fait passer des messages globalement optimistes pour le devenir de cette filière avec en particulier les nouvelles possibilités liées à l’injection de biométhane dans le réseau et à son utilisation comme combustible pour les transports. Le ministère de l’Agriculture réfléchit à de nouvelles mesures de soutien : fonds d’adaptation pour les investissements, renforcement du rôle des régions via les plans de développement ruraux… De son côté, l’Ademe maintient pour la méthanisation un objectif de production de 3 à 3,5 % des besoins nationaux en énergie en 2050. Il reste encore de belles marges de progression à réaliser pour être en mesure d’atteindre ces objectifs. L’an dernier, les 160 unités de méthanisation agricoles construites en France ont produit 350 GWh d’électricité et 500 GWh de chaleur, soit l’équivalent de la consommation en chauffage de 35 000 foyers.
Pour en savoir plus
Voir dossier Réussir Bovins Viande de juillet-août 2014.
Au sommaire :
p. 22 - Les méthaniseurs allemands gourmands en ensilage
p. 24 - Sécuriser ses approvisionnements en biodéchets
Les cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE)
p. 26 - Le biogaz de la ferme d’Arcy injecté dans le réseau de gaz naturel
Sur la commune de Chaumes-en-Brie, en Seine-et-Marne
p. 28 - Du biométhane dans nos voitures
Faire rouler des véhicules